Texte grec :
[238] (238a) ἐπιθυμίας δὲ ἀλόγως ἑλκούσης ἐπὶ ἡδονὰς καὶ ἀρξάσης ἐν ἡμῖν τῇ ἀρχῇ
ὕβρις ἐπωνομάσθη. ὕβρις δὲ δὴ πολυώνυμον — πολυμελὲς γὰρ καὶ πολυμερές — καὶ
τούτων τῶν ἰδεῶν ἐκπρεπὴς ἣ ἂν τύχῃ γενομένη, τὴν αὑτῆς ἐπωνυμίαν
ὀνομαζόμενον τὸν ἔχοντα παρέχεται, οὔτε τινὰ καλὴν οὔτ᾽ ἐπαξίαν κεκτῆσθαι.
περὶ μὲν γὰρ ἐδωδὴν κρατοῦσα τοῦ λόγου τε τοῦ ἀρίστου καὶ τῶν ἄλλων
ἐπιθυμιῶν ἐπιθυμία (238b) γαστριμαργία τε καὶ τὸν ἔχοντα ταὐτὸν τοῦτο
κεκλημένον παρέξεται· περὶ δ᾽ αὖ μέθας τυραννεύσασα, τὸν κεκτημένον ταύτῃ
ἄγουσα, δῆλον οὗ τεύξεται προσρήματος· καὶ τἆλλα δὴ τὰ τούτων ἀδελφὰ καὶ
ἀδελφῶν ἐπιθυμιῶν ὀνόματα τῆς ἀεὶ δυναστευούσης ᾗ προσήκει καλεῖσθαι
πρόδηλον. ἧς δ᾽ ἕνεκα πάντα τὰ πρόσθεν εἴρηται, σχεδὸν μὲν ἤδη φανερόν,
λεχθὲν δὲ ἢ μὴ λεχθὲν πάντως σαφέστερον· ἡ γὰρ ἄνευ λόγου δόξης ἐπὶ τὸ
ὀρθὸν ὁρμώσης κρατήσασα ἐπιθυμία (238c) πρὸς ἡδονὴν ἀχθεῖσα κάλλους, καὶ
ὑπὸ αὖ τῶν ἑαυτῆς συγγενῶν ἐπιθυμιῶν ἐπὶ σωμάτων κάλλος ἐρρωμένως
ῥωσθεῖσα νικήσασα ἀγωγῇ, ἀπ᾽ αὐτῆς τῆς ῥώμης ἐπωνυμίαν λαβοῦσα, ἔρως
ἐκλήθη. ἀτάρ, ὦ φίλε Φαῖδρε, δοκῶ τι σοί, ὥσπερ ἐμαυτῷ, θεῖον πάθος πεπονθέναι;
(Φαῖδρος) πάνυ μὲν οὖν, ὦ Σώκρατες, παρὰ τὸ εἰωθὸς εὔροιά τίς σε εἴληφεν.
(Σωκράτης)
σιγῇ τοίνυν μου ἄκουε. τῷ ὄντι γὰρ θεῖος ἔοικεν (238d) ὁ τόπος εἶναι, ὥστε ἐὰν
ἄρα πολλάκις νυμφόληπτος προϊόντος τοῦ λόγου γένωμαι, μὴ θαυμάσῃς· τὰ νῦν
γὰρ οὐκέτι πόρρω διθυράμβων φθέγγομαι.
(Φαῖδρος) ἀληθέστατα λέγεις.
(Σωκράτης)
τούτων μέντοι σὺ αἴτιος. ἀλλὰ τὰ λοιπὰ ἄκουε· ἴσως γὰρ κἂν ἀποτράποιτο τὸ
ἐπιόν. ταῦτα μὲν οὖν θεῷ μελήσει, ἡμῖν δὲ πρὸς τὸν παῖδα πάλιν τῷ λόγῳ ἰτέον.
εἶεν, ὦ φέριστε· ὃ μὲν δὴ τυγχάνει ὂν περὶ οὗ βουλευτέον, εἴρηταί τε καὶ ὥρισται,
βλέποντες δὲ δὴ πρὸς αὐτὸ (238e) τὰ λοιπὰ λέγωμεν τίς ὠφελία ἢ βλάβη ἀπό τε
ἐρῶντος καὶ μὴ τῷ χαριζομένῳ ἐξ εἰκότος συμβήσεται. τῷ δὴ ὑπὸ ἐπιθυμίας
ἀρχομένῳ δουλεύοντί τε ἡδονῇ ἀνάγκη που τὸν ἐρώμενον ὡς ἥδιστον ἑαυτῷ
παρασκευάζειν· νοσοῦντι δὲ πᾶν ἡδὺ τὸ μὴ ἀντιτεῖνον, κρεῖττον δὲ καὶ ἴσον ἐχθρόν.
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Traduction française :
[238] (238a) tandis que, le désir nous tirant sans réflexion vers les
jouissances et dominant en nous, ce principe a reçu le nom de
démesure.
Or la démesure, on le sait, a de multiples dénominations,
car multiples en sont les membres et les formes, et, parmi
ces formes, celle qui se trouve être devenue saillante vaut à
celui qui la possède de recevoir une dénomination qui est celle
de cette forme même, dénomination qu'il n'est ni bien beau
ni bien honorable d'avoir reçue : ainsi, le désir qui concerne
la nourriture, quand il a le dessus autant sur la réflexion
relative au plus part ait que sur les autres désirs, est gloutonnerie,
(b) et elle vaut à celui qui la possède d'être
appelé d'un nom tout pareil ; si c'est maintenant par
rapport aux excès de boisson que le désir est devenu tyrannique,
le sens dans lequel elle mène celui dont ce désir a fait
sa proie ne laisse aucun doute sur le qualificatif qu'il obtiendra.
Pour les autres noms, frères de ceux-là, et dénommant
des désirs frères des précédents, le nom du désir constamment
au pouvoir indique clairement comment il convient d'appeler
le sujet lui-même ! Or, eu égard à quel désir ai-je dit tout
ce qui précède? Peu s'en faut, certes, que déjà ce ne soit
manifeste; mais ce sera de toute façon plus clair si on le dit,
que si on ne le dit pas : le désir, donc, qui, dépourvu de
réflexion, a, sur l'élan d'une croyance orientée vers la rectitude,
(c) pris le dessus, ce désir, quand il s'est porté vers
la jouissance inhérente à la beauté et qu'encore il a été
fortement fortifié par les désirs, à lui-même apparentés, qui ont
pour objet la beauté des corps, c'est alors que, dans sa
poussée victorieuse, ayant emprunté à sa force même sa
dénomination, il a été appelé amour."
Eh bien! n'es-tu pas, mon cher Phèdre, du même avis que moi?
que l'émotion qui m'émeut a quelque chose de surnaturel?
- (PHÈDRE) : Eh oui! absolument, Socrate! Cé n'est pas ton
habitude, que le flux de l'éloquence s'empare ainsi de toi!
- (SOCRATE) : Garde donc alors le silence en m'écoutant, car le
lieu m'a réellement l'air d'être surnaturel, (d) au point que,
si des fois j'en viens par hasard, à mesure qu'avancera
mon discours, à être un possédé des Nymphes, il ne
faudra pas t'en étonner : de fait, les paroles que je profère
à présent ne sont plus bien loin du ton des dithyrambes!
- (PHÈDRE) : Impossible de dire plus vrai! -
(SOCRATE) : A toi la faute, en vérité! Mais écoute la suite.
Il pourra se faire en effet que ce qui vient se détourne
de moi : aussi bien ceci doit-il être affaire à la Divinité!
Quant à nous, il nous faut revenir à notre discours
au jeune garçon.
« Eh bien! mon brave, quel est précisément l'objet dont ils agit
de délibérer, on l'a dit et on l'a défini. Mais maintenant, (e) les
yeux fixés là-dessus, c'est de ce qui suit que nous avons à parler:
quelle utilité ou quel dommage résulteront-ils vraisemblablement
de l'homme qui aime, ou de celui qui n'aime pas, pour
qui cède à leurs voeux?
« Celui-là donc qui est dominé par le désir, qui est l'esclave
de la jouissance, doit forcément, je pense, se ménager à lui-même
chez l'aimé, tout le plaisir possible. Or, celui dont l'esprit est
malade se plaît à tout ce qui ne le contrarie pas, tandis
qu'il déteste ce qui lui est supérieur et même égal.
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