[212] ὑμᾶς (212a) οὖν ὁρῶν, σέ τε καὶ λύσιν,
ἐκπέπληγμαι καὶ εὐδαιμονίζω ὅτι οὕτω νέοι ὄντες οἷοι τ' ἐστὸν
τοῦτο τὸ κτῆμα ταχὺ καὶ ῥᾳδίως κτᾶσθαι, καὶ σύ τε τοῦτον οὕτω
φίλον ἐκτήσω ταχύ τε καὶ σφόδρα, καὶ αὖ οὗτος σέ: ἐγὼ δὲ οὕτω
πόρρω εἰμὶ τοῦ κτήματος, ὥστε οὐδ' ὅντινα τρόπον γίγνεται
φίλος ἕτερος ἑτέρου οἶδα, ἀλλὰ ταῦτα δὴ αὐτά σε βούλομαι
ἐρέσθαι ἅτε ἔμπειρον.
CHAPITRE IX. καί μοι εἰπέ: ἐπειδάν τίς τινα φιλῇ,
πότερος ποτέρου (212b) φίλος γίγνεται, ὁ φιλῶν τοῦ φιλουμένου
ἢ ὁ φιλούμενος τοῦ φιλοῦντος: ἢ οὐδὲν διαφέρει;
145. οὐδέν, ἔφη, ἔμοιγε δοκεῖ διαφέρειν.
146. πῶς λέγεις; ἦν δ' ἐγώ: ἀμφότεροι ἄρα ἀλλήλων φίλοι
γίγνονται, ἐὰν μόνος ὁ ἕτερος τὸν ἕτερον φιλῇ;
147. ἔμοιγε, ἔφη, δοκεῖ.
148. τί δέ; οὐκ ἔστιν φιλοῦντα μὴ ἀντιφιλεῖσθαι ὑπὸ τούτου ὃν
ἂν φιλῇ;
149. ἔστιν.
150. τί δέ; ἆρα ἔστιν καὶ μισεῖσθαι φιλοῦντα; οἷόν που ἐνίοτε
δοκοῦσι καὶ οἱ ἐρασταὶ πάσχειν πρὸς τὰ παιδικά: φιλοῦντες γὰρ
(212c) ὡς οἷόν τε μάλιστα οἱ μὲν οἴονται οὐκ ἀντιφιλεῖσθαι, οἱ δὲ
καὶ μισεῖσθαι. ἢ οὐκ ἀληθὲς δοκεῖ σοι τοῦτο;
151. σφόδρα γε, ἔφη, ἀληθές.
152. οὐκοῦν ἐν τῷ τοιούτῳ, ἦν δ' ἐγώ, ὁ μὲν φιλεῖ, ὁ δὲ φιλεῖται;
153. ναί.
154. πότερος οὖν αὐτῶν ποτέρου φίλος ἐστίν; ὁ φιλῶν τοῦ
φιλουμένου, ἐάντε καὶ ἀντιφιλῆται ἐάντε καὶ μισῆται, ἢ ὁ
φιλούμενος τοῦ φιλοῦντος; ἢ οὐδέτερος αὖ ἐν τῷ τοιούτῳ
οὐδετέρου φίλος ἐστίν, ἂν μὴ ἀμφότεροι ἀλλήλους φιλῶσιν;
155. ἔοικε γοῦν (212d) οὕτως ἔχειν.
156. ἀλλοίως ἄρα νῦν ἡμῖν δοκεῖ ἢ πρότερον ἔδοξεν. τότε μὲν
γάρ, εἰ ὁ ἕτερος φιλοῖ, φίλω εἶναι ἄμφω: νῦν δέ, ἂν μὴ
ἀμφότεροι φιλῶσιν, οὐδέτερος φίλος.
157. κινδυνεύει, ἔφη.
158. οὐκ ἄρα ἐστὶν φίλον τῷ φιλοῦντι οὐδὲν μὴ οὐκ ἀντιφιλοῦν.
159. οὐκ ἔοικεν.
160. οὐδ' ἄρα φίλιπποί εἰσιν οὓς ἂν οἱ ἵπποι μὴ ἀντιφιλῶσιν,
οὐδὲ φιλόρτυγες, οὐδ' αὖ φιλόκυνές γε καὶ φίλοινοι καὶ
φιλογυμνασταὶ καὶ φιλόσοφοι, ἂν μὴ ἡ σοφία αὐτοὺς ἀντιφιλῇ.
ἢ φιλοῦσι μὲν ταῦτα (212e) ἕκαστοι, οὐ μέντοι φίλα ὄντα, ἀλλὰ
ψεύδεθ' ὁ ποιητής, ὃς ἔφη -
161. "ὄλβιος, ᾧ παῖδές τε φίλοι καὶ μώνυχες ἵπποι καὶ κύνες
ἀγρευταὶ καὶ ξένος ἀλλοδαπός";
162. σολον οὐκ ἔμοιγε δοκεῖ, ἦ δ' ὅς.
163. ἀλλ' ἀληθῆ δοκεῖ λέγειν σοι;
164. ναί.
165. τὸ φιλούμενον ἄρα τῷ φιλοῦντι φίλον ἐστίν, ὡς ἔοικεν, ὦ
Μενέξενε, ἐάντε φιλῇ ἐάντε καὶ μισῇ: οἷον καὶ τὰ νεωστὶ
γεγονότα παιδία, τὰ μὲν οὐδέπω φιλοῦντα,
| [212] Ainsi en vous voyant, toi et Lysis, je suis étonné
et je vous envie parce que, tout jeunes que vous êtes, vous pouvez jouir
si tôt et si facilement de ce bonheur, et que toi, tu as gagné si vite et si
complètement l’amitié de cet enfant, et lui, la tienne. Mais moi, je suis si
loin d’un tel bonheur que je ne sais même pas comment un homme devient l’ami
d’un autre, et c’est précisément sur ce point que je veux te questionner,
puisque tu sais ce qui en est.
CHAPITRE IX. — Dis-moi donc : quand un homme en aime un autre, lequel des
deux devient l’ami de l’autre ? Celui qui aime le devient-il de celui qui est aimé,
ou celui qui est aimé de celui qui aime ? ou n’y a-t-il aucune différence entre eux ?
— Aucune, il me semble, répondit-il.
— Que dis-tu ? repris-je ; tous deux deviennent amis l’un de l’autre, si l’un
des deux seulement aime l’autre ?
— Il me le semble, répondit-il.
— Mais quoi ! n’arrive-t-il pas qu’un homme qui aime ne soit pas payé de retour
par celui qu’il aime ?
— Si.
— N’arrive-t-il pas aussi qu’un homme qui aime soit haï ? C’est parfois le cas,
ce semble, des amants à l’égard de leur bien-aimé ; ils aiment autant qu’on peut
aimer, et ils se figurent qu’on ne les paye pas de retour ou même qu’on les
hait. Cela ne te semble-t-il pas vrai ?
— Tout à fait vrai, dit-il.
— Donc, en pareil cas, repris-je, l’un aime et l’autre est aimé ?
— Oui.
— Alors lequel des deux amis est l’ami de l’autre ? est-ce l’amant qui l’est de
l’aimé, même s’il n’est pas payé de retour et même s’il est haï, ou l’aimé qui
l’est de l’amant ? ou aucun d’eux n’est-il en un tel cas l’ami de l’autre, si
tous les deux ne s’aiment pas réciproquement ?
— Ni l’un ni l’autre, semble-t-il.
— Nous en jugeons donc à présent autrement que nous ne l’avons fait tout à
l’heure ; car tout à l’heure nous avons dit que, si l’un des deux aimait, ils
étaient amis tous les deux ; et à présent, s’ils n’aiment pas tous les deux,
nous disons qu’aucun d’eux n’est ami.
— Nous pourrions bien, dit-il, être en contradiction.
— Ainsi ce qui ne paye pas de retour ce qui l’aime, n’en saurait être l’ami ?
— Il ne semble pas.
— Alors ceux-là ne sont pas amis des chevaux que les chevaux n’aiment pas en
retour, non plus qu’ils ne sont amis des cailles, ou des chiens, ou du vin, ou
de la gymnastique, ni amis de la philosophie, si la philosophie ne les aime pas
en retour ; ou bien chacun d’eux aime-t-il ces objets, bien que ceux-ci ne
soient pas leurs amis ? Dès lors le poète se tromperait, quand il dit :
« Heureux qui a pour amis ses enfants, des chevaux solipèdes, des chiens de
chasse, et un hôte à l’étranger. »
— Pour moi, dit-il, je ne le crois pas.
— Alors tu crois qu’il dit la vérité ?
— Oui.
— Selon toi, Ménexène, c’est donc l’aimé qui est l’ami de l’aimant, même si
l’aimé n’aime pas et même s’il hait, comme les enfants nouveau-nés qui n’aiment
pas encore
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