Texte grec :
[470] (470a) (Σωκράτης) ἔχεις οὖν εἰπεῖν δι' ὅτι μέμφῃ τὴν τοιαύτην δύναμιν;
(Πῶλος) ἔγωγε.
(Σωκράτης) τί δή; λέγε.
(Πῶλος)
ὅτι ἀναγκαῖον τὸν οὕτω πράττοντα ζημιοῦσθαί ἐστιν.
(Σωκράτης) τὸ δὲ ζημιοῦσθαι οὐ κακόν;
(Πῶλος) πάνυ γε.
(Σωκράτης)
οὐκοῦν, ὦ θαυμάσιε, (τὸ μέγα δύνασθαι) πάλιν αὖ σοι φαίνεται, ἐὰν μὲν
πράττοντι ἃ δοκεῖ ἕπηται τὸ ὠφελίμως πράττειν, ἀγαθόν τε εἶναι, καὶ τοῦτο, ὡς
ἔοικεν, ἐστὶν τὸ μέγα δύνασθαι· εἰ δὲ μή, κακὸν καὶ σμικρὸν δύνασθαι. (470b)
σκεψώμεθα δὲ καὶ τόδε· ἄλλο τι ὁμολογοῦμεν ἐνίοτε μὲν ἄμεινον εἶναι ταῦτα
ποιεῖν ἃ νυνδὴ ἐλέγομεν, ἀποκτεινύναι τε καὶ ἐξελαύνειν ἀνθρώπους καὶ
ἀφαιρεῖσθαι χρήματα, ἐνίοτε δὲ οὔ;
(Πῶλος) πάνυ γε.
(Σωκράτης)
τοῦτο μὲν δή, ὡς ἔοικε, καὶ παρὰ σοῦ καὶ παρ' ἐμοῦ ὁμολογεῖται.
(Πῶλος) ναί.
(Σωκράτης)
πότε οὖν σὺ φῂς ἄμεινον εἶναι ταῦτα ποιεῖν; εἰπὲ τίνα ὅρον ὁρίζῃ.
(Πῶλος)
σὺ μὲν οὖν, ὦ Σώκρατες, ἀπόκριναι (ταὐτὸ) τοῦτο.
(470c) (Σωκράτης)
ἐγὼ μὲν τοίνυν φημί, ὦ Πῶλε, εἴ σοι παρ' ἐμοῦ ἥδιόν ἐστιν ἀκούειν, ὅταν μὲν
δικαίως τις ταῦτα ποιῇ, ἄμεινον εἶναι, ὅταν δὲ ἀδίκως, κάκιον.
(Πῶλος)
χαλεπόν γέ σε ἐλέγξαι, ὦ Σώκρατες· ἀλλ' οὐχὶ κἂν παῖς σε ἐλέγξειεν ὅτι οὐκ
ἀληθῆ λέγεις;
(Σωκράτης)
πολλὴν ἄρα ἐγὼ τῷ παιδὶ χάριν ἕξω, ἴσην δὲ καὶ σοί, ἐάν με ἐλέγξῃς καὶ
ἀπαλλάξῃς φλυαρίας. ἀλλὰ μὴ κάμῃς φίλον ἄνδρα εὐεργετῶν, ἀλλ' ἔλεγχε.
(Πῶλος)
ἀλλὰ μήν, ὦ Σώκρατες, οὐδέν γέ σε δεῖ παλαιοῖς (470d) πράγμασιν ἐλέγχειν· τὰ
γὰρ ἐχθὲς καὶ πρώην γεγονότα ταῦτα ἱκανά σε ἐξελέγξαι ἐστὶν καὶ ἀποδεῖξαι ὡς
πολλοὶ ἀδικοῦντες ἄνθρωποι εὐδαίμονές εἰσιν.
(Σωκράτης) τὰ ποῖα ταῦτα;
(Πῶλος)
Ἀρχέλαον δήπου τοῦτον τὸν Περδίκκου ὁρᾷς ἄρχοντα Μακεδονίας;
(Σωκράτης)
εἰ δὲ μή, ἀλλ' ἀκούω γε.
(Πῶλος)
εὐδαίμων οὖν σοι δοκεῖ εἶναι ἢ ἄθλιος;
(Σωκράτης)
οὐκ οἶδα, ὦ Πῶλε· οὐ γάρ πω συγγέγονα τῷ ἀνδρί.
(470e) (Πῶλος)
τί δέ; συγγενόμενος ἂν γνοίης, ἄλλως δὲ αὐτόθεν οὐ γιγνώσκεις ὅτι εὐδαιμονεῖ;
(Σωκράτης) μὰ Δί' οὐ δῆτα.
(Πῶλος)
δῆλον δή, ὦ Σώκρατες, ὅτι οὐδὲ τὸν μέγαν βασιλέα γιγνώσκειν φήσεις εὐδαίμονα
ὄντα.
(Σωκράτης)
καὶ ἀληθῆ γε ἐρῶ· οὐ γὰρ οἶδα παιδείας ὅπως ἔχει καὶ δικαιοσύνης.
(Πῶλος)
τί δέ; ἐν τούτῳ ἡ πᾶσα εὐδαιμονία ἐστίν;
(Σωκράτης)
ὥς γε ἐγὼ λέγω, ὦ Πῶλε· τὸν μὲν γὰρ καλὸν καὶ ἀγαθὸν ἄνδρα καὶ γυναῖκα
εὐδαίμονα εἶναί φημι, τὸν δὲ ἄδικον καὶ πονηρὸν ἄθλιον.
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Traduction française :
[470] SOCRATE. Me dirais-tu bien la raison pour
laquelle tu rejettes un semblable pouvoir?-POLUS. Oui.
- SOCRATE. Dis-la donc. - POLUS. C'est qu'il est inévitable
que quiconque en userait, serait puni. - SOCRATE.
Être puni n'est-ce point un mal ? - POLUS. Sans
doute. - SOCRATE. Ainsi, mon cher, tu juges donc de
nouveau que l'on a un grand pouvoir lorsque, faisant
ce qu'on juge à propos, ou ne fait rien que d'avantageux ;
et qu'alors c'est une bonne chose. C'est en
cela que consiste en effet le grand pouvoir ; hors de là,
c'est une mauvaise chose et un faible pouvoir. Examinons
encore ceci. Ne convenons-nous point qu'il est
quelquefois meilleur de faire ce dont nous parlions
à l'instant, de mettre à mort les citoyens, de les bannir,
de leur ôter leurs biens; et que quelquefois il ne l'est
point? - POLUS. Sans contredit. - SOCRATE. Nous
sommes donc, à ce qu'il paraît, d'accord sur ce point
toi et moi. - POLUS. Oui. - SOCRATE. Dans quel cas
dis tu qu'il est meilleur de faire ces sortes de choses ?
Assigne-moi les bornes que tu y mets. - POLUS. Réponds
toi-même à cette question, Socrate. - SOCRATE. Eh bien,
Polus, puisque tu aimes mieux savoir là-dessus ma
pensée, je dis qu'il est meilleur de les faire, lorsqu'on
les fait justement, et plus mauvais, lorsqu'on les fait injustement.
XXVI. -POLUS. Il est vraiment bien difficile de te
réfuter, Socrate! Un enfant ne te prouverait-il pas que
tu ne dis point la vérité? -SOCRATE. Je serais fort redevable
à cet enfant et je ne te le serai pas moins, si tu
me réfutes, et si tu me débarrasses de mes extravagances.
Ne te lasse point d'obliger un homme qui t'aime: de grâce,
montre-moi que j'ai tort. - POLUS. Il n'est pas besoin,
Socrate, de recourir pour cela à des exemples anciens.
Ce qui s'est passé hier et avant-hier suffit pour te confondre,
et pour démontrer que beaucoup d'hommes coupables
d'injustice sont heureux. - SOCRATE. Quels sont
ces événements? - POLUS. Tu vois cet Archélaüs, fils
de Perdiccas, qui régne en Macédoine. - SOCRATE. Si je
ne le vois, du moins j'en entends parler. - POLUS.
Qu'en penses-tu? est-il heureux ou malheureux? - SOCRATE.
Je n'en sais rien, Polus. Je n'ai point encore eu
d'entretien avec lui. - POLUS. Quoi donc! tu saurais
ce qu'il en est, si tu avais eu une conversation avec lui ;
et tu ne peux connaître par une autre voie, d'ici même,
s'il est heureux? - SOCRATE. Non, certes. - POLUS. Évidemment,
Socrate, tu diras que tu ne sais pas si le
grand roi lui-même est heureux. - SOCRATE. Et je dirai
vrai : car j'ignore l'état de son âme par rapport à la
science et à la justice. - POLUS. Eh quoi! est-ce en
cela que consiste tout le bonheur?- SOCRATE. Oui, selon
moi, Polus. Je prétends que quiconque a de la probité
et de la vertu, homme ou femme, est heureux; et que
l'injuste, le méchant, est malheureux.
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