[36,1] Βούλομαί σοι κατὰ τὴν τοῦ Λυδοῦ σοφίαν ποιῆσαι
μῦθον· διαλέξονται δέ μοι ἐν τῷ μύθῳ οὐχ ὁ λέων,
οὐδὲ ὁ ἀετός, οὐδὲ τὰ τούτων ἔτι ἀφωνότερα, αἱ
δρύες, ἀλλ´ ὡδί μοι λελέξεται· Ζεὺς ἦν καὶ οὐρανὸς
καὶ γῆ· οὐρανῷ μὲν πολῖται θεοί· τὰ δὲ γῆς θρέμματα,
οἱ ἄνθρωποι, οὔπω ποτὲ ἐν φωτὶ ἦσαν. Καλεῖ
δὴ Ζεὺς Προμηθέα, καὶ αὐτῷ προστάττει κατανεῖμαι
τῇ γῇ ἀποικίαν, ζῷον ἁπλοῦν, ’κατὰ μὲν τὴν γνώμην
ἐγγύτατα ἡμῖν τοῖς θεοῖς, τὸ δὲ σῶμα αὐτῶν ἔστω
λεπτόν, καὶ ὄρθιον, καὶ σύμμετρον, καὶ ἰδεῖν ἥμερον,
καὶ χειρουργεῖν εὔκολον, καὶ βαδίζειν ἀσφαλές.‘ Πείθεται
ὁ Προμηθεὺς Διί, καὶ ποιεῖ ἀνθρώπους, καὶ
οἰκίζει τὴν γῆν. Οἱ δὲ ἐπεὶ γενέσεως ἐπελάβοντο, οὐ
χαλεπῶς διέζων· καὶ γὰρ τροφὴν αὐτοῖς ἀποχρῶσαν
γῆ παρείχετο, λειμῶνας δασεῖς, καὶ ὄρη κομῶντα, καὶ
καρπῶν χορηγίαν, ὅσα γῆ φέρειν φιλεῖ μηδὲν ὑπὸ
γεωργῶν ἐνοχλουμένη· παρείχοντο δὲ καὶ αἱ νύμφαι
κρήνας καθαρὰς καὶ ποταμοὺς διειδεῖς, καὶ ἄλλων ναμάτων
εὐπόρους τὲ καὶ δαψιλεῖς πηγάς· πρὸς δὲ καὶ
θάλπος μὲν ἐξ ἡλίου τοῖς σώμασιν περιχεόμενον συμμέτρως
αὐτὰ παρεμυθεῖτο, αὖραι δὲ ἐκ ποταμῶν ὥρᾳ
θέρους ἐπιπνέουσαι ἀνέψυχον αὐτοῖς τὰ σώματα· περιμάχητον
δ´ ἦν τούτων οὐδὲν ἐν ἀφθόνῳ τῇ τῶν αὐτομάτων
χορηγίᾳ διαιτωμένοις. Δοκοῦσιν δέ μοι καὶ οἱ
ποιηταὶ ἐγγύτατα εἶναι τῷ ἡμετέρῳ τούτῳ μύθῳ, ὑπὸ
Κρόνῳ θεῶν βασιλεῖ τοιοῦτόν τινα αἰνιττόμενοι βίον,
ἀπόλεμον, ἀσίδηρον, ἀφύλακτον, εἰρηνικόν, ἀπεριμάχητον,
ὑγιεινόν, ἀνενδεᾶ· καὶ τὸ χρυσοῦν γένος τοῦτο,
ὡς ἔοικεν, ὁ Ἡσίοδος καλεῖ, νεανιευόμενος πρὸς ἡμᾶς.
| [36,1] Je veux conter une fable, à l'instar du Sage de Lydie. Mes
interlocuteurs ne seront ni le lion, ni l'aigle, encore moins les chênes,
bien plus éloignés d'avoir le don de la parole. Voici mon récit.
Jupiter existait, ainsi que le Ciel et la Terre. Les Dieux habitaient le ciel.
Mais les enfants de la terre, les hommes, n'avaient point encore reçu le
jour. Jupiter appelle Prométhée, et lui ordonne d'envoyer sur la terre,
pour la peupler, un être simple, doué d'une intelligence très voisine de
celle des Dieux, ayant un corps leste, droit, symétrique, d'un doux
aspect, capable de faire avec facilité plusieurs genres d'ouvrages, et
ayant une allure ferme et solide. Prométhée exécute l'ordre de Jupiter. Il
fait l'homme, et donne un habitant à la terre. Celui-ci, dès les premiers
temps de son origine, ne vécut pas dans le malaise. Car la terre lui
fournissait une nourriture suffisante. Elle lui offrit de riches prairies,
des montagnes couvertes de forêts, des fruits en abondance, enfin tout ce
qu'elle se plaît à produire sans être fatiguée par l'agriculture. Les
Nymphes lui présentèrent dans les fontaines un cristal pur, dans les
fleuves une eau limpide ; ailleurs des sources fécondes où chacun pouvait
aller puiser. D'un autre côté, la douce chaleur du soleil, qui se
répandait autour de lui, le restaurait régulièrement, en hiver, de même
que la fraîcheur, qui émanait des rivières, le rafraîchissait, en été. Au
milieu de cette abondance de toutes choses que la Nature lui prodiguait
d'elle-même, il devait vivre sans sujet de querelle avec ses voisins. Les
poètes me paraissent s'être beaucoup rapprochés de ce que je raconte, ici,
lorsqu'ils nous ont allégoriquement représenté les hommes qui vécurent
sous le règne de Saturne, le Roi des Dieux, sans guerre, sans armes, sans
défiance les uns des autres, sans contestation, sans débats, dans un état
de santé parfaite, et n'ayant besoin de rien. Tel fut apparemment l'âge
qu'Hésiode appelé l'âge d'or, par allusion à celui dont je viens de tracer
le tableau.
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