[34,6] Εἰ δίψα μὲν σώματι παρασκευάζει ἡδονὴν ποτοῦ,
καὶ λιμὸς σώματι παρασκευάζει ἡδονὴν βρωτοῦ, καὶ
νὺξ ὀφθαλμοῖς παρασκευάζει ἡδονήν, ἥλιον ποθεῖ
ἄνθρωπος καὶ νύκτα μεθ´ ἥλιον, καὶ λιμὸν μετὰ κόρον,
καὶ δίψαν μετὰ μέθην· κἂν ἀφέλῃς αὐτοῦ τὴν μεταβολήν,
λύπην τὴν ἡδονὴν ποιεῖς. Οὕτω λέγεται καὶ
Ἀρτοξέρξης, ὁ Περσῶν βασιλεύς, τέως μὲν ὑπ´ εἰρήνης
μακρᾶς καὶ ἡδονῆς διηνεκοῦς μὴ συνιέναι τῆς εὐτυχίας·
ᾧ παρεσκεύαζε μὲν ἡ Ἀσία τὸ δεῖπνον, ἔπεμπον
δὲ πῶμα ποταμῶν οἱ κάλλιστοι, ἐμηχανῶντο δὲ
αὐτῷ τὴν δίαιταν τέχναι μυρίαι· ἀλλ´ ἐπεὶ πόλεμος
αὐτῷ ἐκ θαλάττης ἦλθεν, καὶ Ἕλληνες μύριοι, καὶ
στρατηγοὶ δεινοί, ἡττηθεὶς ἔφευγεν ἐπὶ ψιλὸν λόφον,
ὅπου τῆς νυκτὸς ἀναπαυόμενος ἐδίψησεν ὁ δύστηνος
πρῶτον τότε, ἔνθα ἦν οὐ Χοάσπης, οὐ Τίγρις, οὐ
Νεῖλος, οὐκ ἐκπώματα, οὐκ οἰνοχόοι· καὶ ἠγάπησεν
παρὰ ἀνδρὸς Μάρδου λαβὼν ἐν ἀσκῷ ὀδωδὸς ὕδωρ·
καὶ τότε ἄρα ὁ δείλαιος ἔγνω, τίς μὲν δίψης χρεία,
τίς δὲ ἡδονὴ ποτοῦ.
| [34,6] VI. Dans le corps humain, c'est la soif qui est le véhicule du plaisir qu'on éprouve
à boire. C'est la faim qui produit le plaisir qu'on trouve à manger. C'est l'obscurité de la
nuit, qui est la source du plaisir qu'ont les yeux à contempler la lumière. D'un autre
côté, l'homme désire la nuit après le soleil, la faim après qu'il a beaucoup mangé, la
soif après qu'il a beaucoup bu, et lui ôter cette alternative, ce serait empoisonner ses
jouissances. C'est ainsi que l'on dit d'Artaxerxès, Roi de Perse, qu'il n'eut jamais le
sentiment de son bonheur, tant que ses jours coulèrent dans les bras d'une longue
paix, et dans le sein des voluptés de tout genre. L'Asie entière était mise à contribution
pour ses repas. Les fleuves les plus limpides lui fournissaient leur cristal ; tous les arts
variaient à l'envi les délices de sa table. Mais, lorsque des flottes eurent porté la guerre
chez lui, lorsque des milliers de Grecs, commandés par les Généraux les plus habiles,
furent venus l'attaquer ; lorsque vaincu, et forcé de se sauver par la fuite au travers
d'une petite colline, après avoir pris quelque repos pendant la nuit, il se sentit pressé
par la soif pour la première fois de sa vie, il n'eut là, ni le Choaspe, ni le Tigre, ni le Nil,
ni des coupes, ni des échansons ; et il se trouva trop heureux de se désaltérer avec
l'eau fétide que le Marde son hôte lui tira d'une outre. Ce ne fut qu'alors que ce
Prince infortuné apprit quel est le besoin de la soif, et en quoi consiste le plaisir de boire.
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