[34,1] Δεινόν γε, εἰ οἱ μὲν θεοὶ διέκριναν τοῖς ἀνθρώποις
τἀγαθὰ ἐκ τῆς τῶν κακῶν ὁμιλίας, ἀνεπίμικτον
ἑκάτερον ἑκατέρῳ εἶναι θέμενοι, καὶ διαστήσαντες αὐτῶν
τὰς φύσεις, καθάπερ ἡμέρας πρὸς νύκτα, καὶ
φωτὸς πρὸς ζόφον, καὶ πρὸς ὕδωρ πυρός· ὧν ἕκαστον
εἰ ἐθελήσαις πρὸς τοὐναντίον ἀγαγεῖν, καὶ ἀνακεράσαι
αὐτῶν τὴν διαφορὰν εἰς κοινὴν φύσιν, διαφθερεῖς τὸ
ἑκατέρου ἴδιον· οἱ δὲ ἄνθρωποι αὐτοὶ ἑκόντες, εὐδαίμονα
διώκοντες βίον, καταμίγνυσιν αὐτῷ κακά· κἄν
τις θεῶν συγχωρήσῃ αὐτοῖς ζῆν δι´ ἡμέρας ἐν φωτὶ
λαμπρῷ καὶ διηνεκεῖ, ἀΰπνῳ καὶ ἀδεεῖ τῆς ἐν νυκτὶ
ἀναπαύλης, ἄχθοιντο τῷ ἡλίῳ μηδέποτε ἐξισταμένῳ
μηδὲ εἰς τὸ παλίσκιον παραχωροῦντι. Ἔχε δὴ αὐτόθι.
Μὴ ἀποκρινούμεθα σού πη δικαιότερον, ὡς εἰ μέν που
τίς ἐστιν ἀνθρώπου ὄψις ἀνέχεσθαι φωτὸς διηνεκοῦς,
καὶ εἴπέρ τις μηχανὴ στῆσαι τὸν ἥλιον τοῦ κύκλῳ
δρόμου, ὥστε ἀνέχειν ὑπὲρ γῆς αἰεί, καθάπερ πυρσὸν
ἐκ κορυφῆς ὑψηλῆς ἐκπέμποντα ἐφ´ ἡμᾶς τὸ παρ´ ἑαυτοῦ
φῶς· εἰ ταῦτα ὑπάρχοι, καὶ σταίη μὲν ὁ ἥλιος,
ἀνέχοιντο δὲ οἱ ὀφθαλμοὶ πρὸς αὐτὸν διηνεκῶς δεδορκότες,
τίς οὕτως ἀνόητος καὶ ἐπιμανὴς καὶ κακοδαίμων
τοῦ ἔρωτος, ὥστε ποθῆσαι νύκτα καὶ σκότος,
καὶ ὀφθαλμῶν ἀργίαν, καὶ σώματος ῥίψιν ἐγγύτατα
νεκροῦ; Εἰ δὲ θᾶττον μὲν ἀνάσχοιντο οἱ ὀφθαλμοὶ
ἀϋπνίας, ἢ σταίη ὁ ἥλιος, θᾶττον δ´ ἀνεὶς σταίη ὁ
ἥλιος, νὴ Δία, ἢ ἀνέχοιντο οἱ ὀφθαλμοὶ ἀϋπνίας, οὐκ
εὐχῆς ἔργον ἡ πρὸς τὸ φῶς φιλία, ἀλλὰ ἀνάγκης ἡ
πρὸς νύκτα συνουσία.
| [34,1] IL est affligeant de voir que les Dieux aient séparé, pour l'intérêt des hommes, les
biens d'avec les maux ; qu'ils aient ordonné les choses humaines de manière à ce qu'il
n'existe aucun mélange entre les uns et les autres, qu'ils aient distingué leur essence
respective, comme ils ont distingué le jour d'avec la nuit, la lumière d'avec les
ténèbres, l'eau d'avec le feu, (car si l'on rapprochait chacune de ces choses de son
contraire, et qu'on les mêlât ensemble pour n'en former qu'un tout unique et commun,
on détruirait ce que chacune a de propre) ; et que les hommes de leur côté, tout en
n'ayant pour but dans le cours de leur vie que de chercher le bonheur, se rendent les
volontaires artisans de leur infortune ; et que si quelqu'un des Dieux leur faisait passer
la vie au milieu de la brillante et continuelle lumière du jour, sans qu'ils eussent besoin
ni de sommeil, ni du repos de la nuit, ils s'indigneraient contre le soleil qui ne bougerait
point et qui ne se coucherait jamais. N'allons pas plus loin, de peur qu'en répondant,
nous ne perdions ce point de vue. S'il était possible que les yeux de l'homme
soutinssent perpétuellement la présence de la lumière, s'il était un mécanisme à l'aide
duquel on pût fixer le soleil dans son mouvement circulaire, de manière que, toujours
immobile au-dessus de la terre, il dirigeât continuellement sur nous ses rayons comme
un fanal du haut d'une tour ; si cela était ainsi, que le soleil devint stationnaire, et que
les yeux de l'homme, sans cesse tournés vers lui, en pussent soutenir l'éclat ; qui
serait assez insensé, assez fantasque, assez malheureusement organisé sous le
rapport des affections, pour désirer la nuit, les ténèbres, l'inertie des yeux, et cet
affaissement du corps qui le rend si semblable à un cadavre ? Soit donc qu'il fût plus
facile à nos yeux de supporter l'insomnie, qu'au soleil de s'arrêter, soit qu'il fût plus
facile au soleil de s'arrêter, qu'à nos yeux de supporter l'insomnie nous n'aurions pas
besoin de faire des vœux pour demander d'aimer la lumière ; mais le relâche que nous
trouvons dans les bras du sommeil ne laisserait pas d'être pour nous un besoin de
première nécessité.
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