[32,6] Ἐγὼ δὲ οἶμαι καὶ αὐτὸ τοὐναντίον, διὰ τούτων
ἀποφαίνεσθαι τὴν ἡδονὴν πάντων χρημάτων αἱρετωτέραν,
ἧς εἵνεκα ἄν τις καὶ θάνατον ἀλλάξαιτο, καὶ
τραύματα, καὶ πόνους, καὶ ἄλλα μυρία δυσχερῆ. Κἂν
γὰρ ἄλλο ἄλλῳ ἐπιτιθῇς ὄνομα τῆς τούτων ἀξίας,
Ἀχιλλεῖ μὲν ἀποθνήσκοντι ἑκόντι, καὶ τιμωροῦντι ἀποθανόντι
τῷ Πατρόκλῳ φιλίαν, Ἀγαμέμνονι δὲ ἀγρυπνοῦντι
καὶ προβουλευομένῳ καὶ προπολεμοῦντι βασιλείαν,
τῷ δὲ Ἕκτορι ἐξηγουμένῳ καὶ προμαχομένῳ καὶ
ἀριστεύοντι σωτηρίαν πατρίδος, πάντα ταῦτα ἐρεῖς
ἡδονῶν ὀνόματα. Ὥσπερ γὰρ ἐν ταῖς σωμάτων νόσοις
ἀγαπᾷ ὁ κάμνων τεμνόμενος καὶ ἐμπιμπράμενος, καὶ
διψῶν, καὶ λιμώττων, καὶ τὰ δυσχερῆ τῇ φύσει προσιέμενος
ἑκών, ἀντικαταλλαττόμενος ταῦτα τῆς προσδοκίας
τοῦ ὕπνου, εἰ δὲ ἀφέλοις τὴν ἐλπίδα τοῦ μέλλοντος
ἀγαθοῦ, ἀφαιρήσεις τὴν αἵρεσιν τῶν παρόντων κακῶν,
οὕτω κἀν ταῖς πράξεσιν ἀντίδοσις γίγνεται πρὸς ἡδονὰς
πόνων, ἣν σὺ μὲν ἀρετὴν καλεῖς, ἐγὼ δὲ τὴν μὲν
ἀρετὴν δίδωμι, ἐρήσομαι δέ σε, εἰ ἄνευ τῆς πρὸς αὐτὴν
φιλίας τὴν ἀρετὴν ἡ ψυχὴ εἵλετο; ἐὰν γὰρ τὴν
φιλίαν δῷς, ἡδονὴν δίδως.
Κἂν ὑπαλλάξῃς τὸ ὄνομα, καὶ χαρὰν τὴν ἡδονὴν
καλῇς, οὐ νεμεσῶ τῆς ἀφθονίας τῶν ὀνομάτων, τὸ δὲ
πρᾶγμα αἱρῶ, καὶ τὴν ἡδονὴν γνωρίζω·
| [32,6] VI. Quant à moi, je tiens aussi pour cette opinion contraire à l'autre; et ce qui
prouve, à mon sens, que la volupté est de toutes les choses celle qu'on désire le plus,
c'est qu'on ne craint pas de s'exposer pour elle à des fatigues, à des blessures, à
la mort, et à toute sorte de maux. Car, quoiqu'on fasse varier les noms qu'on donne
aux causes de ces effets divers, et qu'on appelle le sentiment qui fait courir Achille à la
mort, pour venger la mort de Patrocle, amitié ; la passion qui porte Agamemnon à
supporter de longues veilles, à être toujours le premier rendu au Conseil, à jouer le
premier rôle dans toutes les opérations militaires, autour de l'Empire ; l'ardeur qui
pousse Hector à être continuellement à la tête des Troyens, à figurer dans la première
ligne des combattants, à faire des actions de courage, amour de la Patrie ; tout cela
n'est que donner des noms différents à la volupté. Car, de même que dans les
maladies du corps, les malades souffrent le fer et le feu, la faim et la soif, supportent
sans répugnance les choses les moins supportables de leur nature, et cela dans
l'espérance de recouvrer leur santé ; et qu'ôter la perspective du bien qu'on
espère, c'est anéantir le courage qui fait braver le mal présent : de même dans les
actions humaines, il se fait un échange de peines et de travaux pour de la volupté. Cet
échange, on l'appelle Vertu. A la bonne heure ; je passe cette expression, mais je
demande : « L'âme se porterait-elle vers la vertu, abstraction faite de l'affection qu'elle
a pour elle » ? Car admettre l'affection, c'est admettre la volupté.
Qu'on change les dénominations ; que la volupté soit appelée la joie, peu
m'importe la multiplicité des noms. Je vois la chose, je reconnais la volupté.
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