[21,8] Καθάπερ τῶν ποταμῶν οἱ γενναιότατοι ἐξιόντες
ἐπὶ τὴν θάλατταν κατὰ μὲν τὴν πρώτην ἐκβολὴν σώζουσιν
τὸ ῥεῦμα ἀμιγὲς ἄλλῃ φύσει πικροτέρᾳ, καὶ
τοῖς ναύταις θαλαττίοις προσπλεύσασιν ἀκραιφνὲς ποτόν· προελθόντες δὲ οἱ ποταμοὶ πόρρω καὶ εἰσπεσόντες
εἰς πέλαγος πλατύ, καὶ παραδόντες τὸ ῥεῦμα ἀνέμοις
καὶ κύμασιν καὶ ζάλῃ καὶ κλύδωνι, ἠφάνισαν δι´ ἐπιμιξίαν
τὴν ἀρχαίαν φύσιν· οὕτω καὶ τὸ κάλλος τὸ
ἄρρητον καὶ ἀθάνατον ἔρχεται μὲν πρῶτον δι´ οὐρανοῦ
καὶ τῶν ἐν αὐτῷ σωμάτων, καὶ εἰσπεσὸν ἐκεῖ, ἀκραιφνὲς
μένει καὶ ἀμιγὲς καὶ ὁλόκληρον· ἐπειδὰν δὲ ὑπερκύψῃ
τοῦ οὐρανοῦ εἰς τὸν δεῦρο τόπον, ἀμβλύνεται
καὶ ἀμαυροῦται· καὶ μόλις ἂν αὐτοῦ γνωρίσαι τὴν ἐπιρροὴν 〈πλὴν〉 ναύτης θαλάττιος, συνήθης τῷ ποταμῷ, διὰ
μνήμης ἔχων τὴν ἐκείνου φύσιν, ὁρῶν αὐτὴν ἀμυδρὰν
ἐν γῇ πλανωμένην καὶ ἀνακεκραμένην ἀλλοτρίᾳ φύσει·
ὁ δέ, ἐπειδὰν ἐντύχῃ, καὶ γνωρίσῃ καὶ ἴχνος αὐγῶν
φανὲν ὥσπερ ὁ Ὀδυσσεὺς ἀποθρώσκοντα καπνόν, σκιρτᾷ
καὶ φλογοῦται καὶ φαιδρύνεται καὶ ἐρᾷ. Τοῦ δὲ κάλλους
τούτου ἔλθοι μὲν ἄν τις μοῖρα καὶ ἐπὶ ποταμὸν
εὐροώτατον, καὶ ἐπὶ φυτὸν εὐβλαστότατον, καὶ ἐπὶ
ἵππον γενναιότατον, ἀλλ´ ὅ, τι περ κάλλους ἀργότατον
καὶ ἀμβλύτατον· εἰ δέ τις ἐστὶν αὐτοῦ ἐπιφοιτῶσα
τὴν γῆν, ἴδοις ἂν ταύτην οὐκ ἄλλοθι, ἢ ἐν ἀνθρώπῳ,
τῷ καλλίστῳ καὶ νοερωτάτῳ γηΐνων σωμάτων,
καὶ τῷ ψυχῆς μεμοιραμένῳ συγγενοῦς αὐτῷ τῷ
καλῷ. Καὶ διὰ τοῦτο νοῦν ἔχων, ἄγαλμα μὲν ἰδών,
ἐπαινεῖ τὴν τέχνην, ἀλλ´ οὐκ ἐρᾷ τοῦ ἀγάλματος· καὶ
φυτὸν ἰδών, ἐπαινεῖ τοῦ καρποῦ, ἀλλ´ οὐκ ἐρᾷ τοῦ
φυτοῦ· καὶ ποταμὸν ἐπαινεῖ τῆς πραότητος, ἀλλ´ οὐκ
ἐρᾷ τοῦ ποταμοῦ· ἐν δὲ ἀνθρώπῳ ἐπειδὰν ἴδῃ κάλλος
ἔμπνουν καὶ νοερὸν καὶ ἀρετὴν προοιμιαζόμενον, καὶ
τὴν μνήμην ἐγείρει, καὶ ἐρᾷ νέου, φασὶ μὲν τοῦ ὁρωμένου,
τὸ δὲ ἀληθὲς ἐρᾷ κάλλους ἀληθεστέρου. Διὰ
ταῦτα καὶ Σωκράτης ἑώρα τὰ καλὰ τῶν σωμάτων, καὶ
ταχέως ἔβλεπεν, καὶ πάντα ἔβλεπεν· οὐκ ἐλάνθανεν δὲ
αὐτὸν κάλλος, οὐκ ἐν παλαίστρᾳ καταδεδυκός, οὐκ ἐν
Ἀκαδημίᾳ πλανώμενον, οὐκ ἐν συμποσίοις εὐωχούμενον·
ἀλλ´ οἷς θηρευτὴς δεινός, διὰ σωμάτων ἀνθρωπίνων
διετέλει μεμνημένος κάλλους ἀληθινοῦ.
| [21,8] VIII. Tels, ces grands fleuves qui se déchargent dans la mer, défendent
encore leurs courants de tout mélange saumâtre, à l'endroit où ils s'y
jettent, et peuvent encore fournir une eau pure aux navigateurs qui
arrivent. Mais, lorsque ces fleuves sont un peu plus avancés, lorsqu'ils
se répandent dans les profondeurs de la mer, et que leurs ondes deviennent
le jouet des vents, des flots, du flux et reflux, de la tourmente, ils
perdent leur pureté primitive. Il en est ainsi du Beau ineffable, du Beau
immortel. Il existe d'abord dans le ciel, et dans les substances qui sont
dans le ciel. Là, il se maintient pur, sans mélange, avec toutes ses
parties intégrantes. Mais, en descendant des cieux ici-bas, il s'obscurcit
par degrés, et finit par s'évanouir, de manière que le connaisseur
vulgaire dans l'art de discerner le Beau, en peut à peine apercevoir
les vestiges, au travers des accessoires vagues et incertains, qui en
enveloppent, qui en offusquent l'essence. Mais celui qui est familiarisé,
de longue-main, avec le fleuve du Beau, qui conserve l'idée de son essence
dans sa mémoire, lorsqu'il la rencontre, lorsqu'il en aperçoit la moindre
trace, et qu'il la reconnaît, alors semblable à Ulysse, à l'aspect de la
fumée qu'il voit s'élever du toit de ses Lares, il saute; il
s'enflamme; il tressaille de joie; il est transporté d'amour. Un fleuve
majestueux, une plante richement fleurie, un cheval fringant, offrent bien
quelques parcelles de ce Beau, mais des parcelles très brutes et très
rouillées. Mais, si ce Beau est descendu, quelque part, en nature, sur la
terre, on ne le verra point ailleurs que dans l'homme, le plus beau et le
plus intelligent de tous les Etres qui sont ici-bas, et qui a reçu en
partage une âme d'une origine commune avec le Beau. De là vient qu'un
homme sensé qui avait une statue, loue l'art du statuaire; mais ne devient
pas amoureux de la statue : s'il avait une plante, il s'émerveille à la
beauté de son fruit; mais il ne devient pas amoureux de la plante. Voit-il
un fleuve, il en admire la tranquillité ; sans devenir amoureux du fleuve.
Mais lorsqu'il voit, dans l'homme, le Beau respirer, penser, offrir les
préludes de la vertu, sa mémoire se réveille, et il s'enflamme d'amour, en
apparence pour ce qu'il voit, mais, au vrai, pour un Beau infiniment plus
réel. Telle est la raison pourquoi Socrate examinait avec tant
d'attention les beaux corps ; qu'il les contemplait avec empressement;
qu'il les contemplait tous. Le Beau ne lui échappait point; soit au milieu
des nudités des jeux Gymniques, dans le palestre; soit au milieu des
promenades de l'Académie; soit au milieu de la jovialité des festins.
Mais, tel qu'un chasseur intelligent et habile, il demeurait, par l'entremise
des beaux corps d'homme, constamment fixé par sa mémoire vers
le vrai Beau.
|