[17,5] Ἐῶ λέγειν ὅτι καὶ τῶν ἐν ἀνθρώποις γενῶν οὐ λόγῳ
μόνον πλαττόμεναι πόλεις, ἀλλὰ καὶ ἔργῳ γενόμεναι
πολλαὶ καὶ πολιτευθεῖσαι ὑγιῶς, καὶ ξυνοικισθεῖσαι
νομίμως, ἀγνοοῦσιν τὸν Ὅμηρον. Ὀψὲ μὲν γὰρ ἡ
Σπάρτη ῥαψῳδεῖ, ὀψὲ δὲ καὶ ἡ Κρήτη, ὀψὲ δὲ καὶ τὸ
Δωρικὸν ἐν Λιβύῃ γένος· ἐπαινοῦνται δὲ οὐκ ὀψέ,
ἀλλ´ ἐκ παλαιᾶς ἀρετῆς. Τὰ δὲ τῶν βαρβάρων τί
χρὴ λέγειν; σχολῇ γὰρ ἂν ἐκεῖνοι τὰ Ὁμήρου μάθοιεν,
ἀλλ´ εὕροις ἂν ὅμως καὶ ἐν βαρβάροις ἀρετὴν ἀπεσχισμένην
τῶν Ὁμήρου ἐπῶν· ἦ γὰρ ἂν καὶ τὸ τῶν
ῥαψῳδῶν γένος τὸ ἀνοητότατον εὐδαιμόνει κατὰ τὴν
συνουσίαν τῆς τέχνης· τὸ δὲ οὐχ οὕτως ἔχει. Καλὰ
μὲν γὰρ τὰ Ὁμήρου ἔπη, καὶ ἐπῶν τὰ κάλλιστα, καὶ
φανότατα, καὶ ᾄδεσθαι Μούσαις πρέποντα· ἀλλ´ οὐ
πᾶσιν καλά, οὐδὲ ἀεὶ καλά· οὐδὲ γὰρ τῶν ἐν μουσικῇ
μελῶν εἷς νόμος, οὐδὲ εἷς χρόνος. Καλὸν μὲν ἐν
πολέμῳ τὸ ὄρθριον, καλὸν δὲ ἐν συμποσίῳ τὸ παροίνιον,
καὶ καλὸν μὲν Λακεδαιμονίοις τὸ ἐμβατήριον,
καλὸν δὲ Ἀθηναίοις τὸ κύκλιον, καὶ καλὸν μὲν ἐν
διώξει τὸ ἐγκελευστικόν, καλὸν δὲ ἐν φυγῇ τὸ ἀνακλητικόν·
ἡδεῖα μὲν πᾶσα μοῦσα, ἀλλὰ τὸ τῆς χρείας
οὐχ ὅμοιον πᾶσιν. Ἂν τοίνυν καθ´ ἡδονὴν κρίνῃς
Ὅμηρον ᾄδειν ἄνδρας, εἰσκυκλεῖς ποιητῶν χορὸν ἀκόλαστον
καὶ βακχεύοντα, κρατοῦντα ἡδονῇ τῆς Ὁμήρου
ᾠδῆς, ἀποχειροτονεῖς τῆς ἡδονῆς τὸν ἄνδρα. Ἡδὺς
μὲν γάρ, ἡδύς, ἀλλὰ τὸ κάλλος ἀκμαιότερον τῆς ἡδονῆς,
καὶ μὴ παρέχον σχολὴν εὐφραίνεσθαι, ἀλλὰ ἐπαινεῖν·
ἀλλ´ ἔπαινος σὺν ἡδονῇ μέν, ἀλλ´ οὐκ αὐτὸ
ἡδονή. Εἰ δὲ καθ´ ἡδονὴν τὰ Ὁμήρου ἀσπαζόμεθα,
ὡς αὐλήματα, ὡς κιθαρίσματα, ἐξελαύνεις Ὅμηρον οὐκ
ἐκ τῶν Πλάτωνος τροφίμων μόνον, ἀλλὰ καὶ ἐκ τῶν
Λυκούργου, καὶ ἐκ τῶν Κρητικῶν, καὶ παντὸς χωρίου
καὶ πάσης πόλεως, ὅπου μετὰ ἀρετῆς εὐδοκιμοῦσιν οἱ
πόνοι.
| [17,5] V. Je ne dirai point qu'il est, dans le monde, bien des Gouvernements,
non seulement de ceux qui n'existent que dans la spéculation, mais encore de
ceux qui ont une réalité effective, sous lesquels les peuples jouissent
d'une administration saine et bien réglée, et où néanmoins ou ignore
jusqu'au nom d'Homère. Ce n'est que depuis assez peu de temps que ses
poèmes ont été connus à Lacédémone, en Crète, et chez les Doriens de la
Lybie ; au lieu que c'est depuis de très longues années que ces peuples sont
illustres par leurs vertus. Que dirons-nous des Barbares? Il ne serait pas
aisé de leur inspirer du goût pour ce poète ; et cependant on
rencontre de la vertu chez ces nations, quoique les ouvrages d'Homère y
soient ignorés. S'il en était autrement, il faudrait dire que ceux qui
font profession de chanter les poésies d'Homère, les Rapsodes, les
gens du monde les plus insensés, trouvent leur bonheur dans l'exercice de
leur art ; ce qu'à Dieu ne plaise. Les poésies d'Homère sont belles ; les
plus belles, les plus brillantes des poésies de ce genre, les plus
harmonieuses, et dignes d'être chantées par les Muses mêmes. Mais elles ne
sont pas belles aux yeux de tout le monde ; elles ne le sont pas en tout
temps. Il y a plus d'une sorte de vers, plus d'un genre de mesure, dans la
musique. L'accent d'un chant guerrier convient au milieu des phalanges ;
celui d'une chanson bacchique dans un banquet. L'Embatérion plaît à
Lacédémone, comme le Kuclion à Athènes : l’Enkeleusticon a son
mérite, lorsqu'on poursuit l'ennemi vaincu, comme l’Anakléticon lorsqu'on
est en déroute. Toutes les Muses sont agréables; mais elles ne sont
pas d'un même usage pour tout le monde. Si donc vous décidez qu'Homère
doit plaire aux hommes sous le rapport de la volupté, vous introduisez
avec lui une tourbe bruyante et effrénée de poètes, dont les ouvrages
l'emporteront sur ceux d'Homère, sous le rapport de la volupté, et vous
ôtez à ce poète sa supériorité sur ce point. Sans doute ses poèmes
sont marqués du sceau de la volupté. Mais le Beau est quelque chose de
plus vif que la volupté. Il ne donne pas le temps de recevoir l'impression
de la volupté. Il ne donne que le temps de louer. A la vérité,
l'admiration s'allie à la volupté, mais elle n'est point la volupté même.
Si donc vous admettez Homère pour la volupté qu'il peut procurer, de même
que vous admettriez des joueurs de flûte, ou de guitare, vous le bannissez
non seulement du système politique de Platon, mais encore de celui de
Lycurgue, de celui des Crétois, et de toute République, de tout
Gouvernement, où le travail et la vertu sont en honneur.
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