[16,6] Ἀλλὰ τὸν μὲν ἐκ τῆς Εὐρώπης ἐπὶ τὴν Ἀσίαν
πλέοντα, ἵνα ἴδῃ τὴν Αἰγυπτίων γῆν, καὶ τοῦ Νείλου
τὰς ἐκβολάς, ἢ πυραμίδας ὑψηλάς, ἢ ὄρνεις ξένους,
ἢ βοῦν, ἢ τράγον, μακαρίζομεν τῆς θέας· κἂν ἐπὶ τὸν
Ἴστρον τὶς ἔλθῃ, κἂν τὸν Γάγγην ἴδῃ, κἄν τις αὐτόπτης
γένηται Βαβυλῶνος κειμένης, ἢ τῶν ἐν Σάρδεσιν ποταμῶν,
ἢ τῶν ἐν Ἰλίῳ τάφων, ἢ τῶν ἐν Ἑλλησπόντῳ
τόπων· καὶ τῆς Ἀσίας ἐπὶ τὴν Ἑλλάδα περαιοῦνται
στόλοι, ἢ ἐπὶ τὰς Ἀθήνησιν τέχνας, ἢ ἐπὶ τοὺς Θήβαισιν
θυμούς, ἢ ἐπὶ τοὺς ἐν Ἄργει τόπους. Ὁμήρῳ
δὲ καὶ Ὀδυσσεὺς σοφὸς διὰ πολλὴν πλάνην,
πολλῶν δ´ ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα, καὶ νόον ἔγνω·
τὰ δὲ Ὀδυσσέως θεάματα ἢ Θρᾷκες ἦσαν, ἢ Κίκονες
οἱ ἄγριοι, ἢ Κιμμέριοι οἱ ἀνήλιοι, ἢ Κύκλωπες οἱ
ξενοκτόνοι, ἢ γυνὴ φαρμακίς, ἢ τὰ ἐν Ἅιδου θεάματα,
ἢ Σκύλλα, ἢ Χάρυβδις, ἢ Ἀλκινόου κῆπος, ἢ ἡ Εὐμαίου
αὐλή· πάντα θνητά, πάντα ἐφήμερα, πάντα ἄπιστα.
Τὰ δὲ τοῦ φιλοσόφου ἀνδρὸς θεάματα τῷ εἰκάσω;
ὀνείρῳ, νὴ Δί´, ἐναργεῖ, καὶ πανταχοῦ περιφερομένῳ·
οὗ τὸ μὲν σῶμα οὐδαμοῦ στέλλεται, ἡ δὲ ψυχὴ πρόεισιν,
πᾶσαν γῆν, ἐκ γῆς ἐπ´ οὐρανόν, πᾶσαν μὲν
περαιουμένη θάλατταν, πᾶσαν δὲ διερχομένη γῆν,
πάντα δὲ ἀέρα ἀνιπταμένη, συνθέουσα ἡλίῳ, συμπεριφερομένη σελήνῃ, συνδεδεμένη τῷ τῶν ἄλλων ἄστρων
χορῷ, καὶ μονονουχὶ τῷ Διὶ συνοικονομοῦσα τὰ ὄντα
καὶ συντάττουσα. Ὢ στόλου μακαρίου, καὶ θεαμάτων
καλῶν, καὶ ὀνείρων ἀληθινῶν.
| [16,6] VI. Nous regardons comme heureux le voyageur qui navigue d'Europe en Asie,
pour voir l'Egypte, pour en contempler les merveilles, les cataractes du Nil, la
magnificence des Pyramides, les oiseaux, les bœufs, et les boucs. Nous admirons
celui qui voyage le long du Danube, et celui qui parcourt les rives du Gange, et celui
qui voit de ses propres yeux les ruines de Babylone, le fleuve de Sardes, les
sépulcres de Troie, les bords de l'Hellespont. Ne voyons-vous pas des nuées
d'Asiatiques passer en Grèce pour apprendre les beaux-arts à Athènes, ou pour
s'instruire de l'histoire fabuleuse de Thèbes, ou pour contempler les diverses
contrées de l'Argolide. Ulysse était un sage, aux yeux d'Homère, parce qu'il
avait longtemps erré sur les mers, parce « qu'il avait vu plusieurs nations et étudié
leurs mœurs». Or, Ulysse avait parcouru la Thrace, le pays des féroces
Kicons, celui des Cimmériens qui ne voient jamais le soleil, et celui des
Cyclopes qui mangeaient leurs hôtes ; il avait passé quelque temps auprès de Circé
l'enchanteresse ; il était descendu aux Enfers, il avait entendu les hurlements de
Scylla et de Charybde ; il avait vu les jardins d'Alcinoüs et l'étable d'Eumée :
spectacle fugitif, contemplation éphémère, vaine et frivole illusion ! Mais à quoi
comparerons-nous les contemplations du philosophe? A un songe resplendissant, qui
remplit l'Univers de sa lumière. Son corps ne bouge point, et son âme embrasse tout,
depuis les cieux jusqu'à la terre, parcourant tous les parages maritimes, toutes les
régions continentales, et aériennes, satellite du soleil, satellite de la lune, attaché au
magnifique cortège des astres, et presque gouvernant, ordonnant, réglant tout
avec Jupiter. O l'heureux assemblage de spectacles sublimes, et de songes pleins de vérité!
|