[10,9] Σῶμα μὲν βαδιστικὸν τῇ φύσει, ψυχὴ δὲ λογιστικὴ
τῇ φύσει· εἰ δ´ ἐστὶν ἀθάνατος, ὥσπέρ ἐστιν,
ἀνάγκη που αὐτῇ τοῦτο ἐξ ἀϊδίου ἐνεῖναι, τὰς νοήσεις
τὲ καὶ ἐπιστήμας τῶν πραγμάτων. Ἅτε δέ, οἶμαι, διττῷ
βίῳ ἡ ψυχὴ συνεχομένη, τῷ μὲν καθαρῷ καὶ διαυγεῖ
καὶ ὑπὸ μηδεμιᾶς συμφορᾶς ἐνοχλουμένῳ, τῷ δὲ θολερῷ
καὶ τεταραγμένῳ καὶ ἐν παντοίαις τύχαις φυρομένῳ·
ἐνταῦθα μὲν ἀσαφείας ἐμπέπλησται, καὶ καρηβαρεῖ,
αὐτὸ ἐκεῖνο τὸ τῶν μεθυόντων πάθος· τούτοις
γάρ που φλεγμαίνουσα ἡ ψυχὴ ὑπὸ τοῦ ἀνέδην πότου,
ἐγγύτατα μὲν τείνει μανίας· ἤδη δέ που ἀνακαλεῖται
αὑτήν, καὶ οὔτε ἀκριβῶς σφάλλεται, οὔτε σαφῶς λογίζεται,
ἀλλ´ ἐν μεθορίῳ μένει ἀγνοίας καὶ λογισμοῦ.
Ἐπειδὰν δὲ ἀπαλλαγῇ ἡ ψυχὴ ἐνθένδε ἐκεῖσε, ὥσπερ
ἐκ τῆς Κιμμερίων γῆς ἐπὶ λαμπρὸν αἰθέρα ἐξελθοῦσα,
ἐλευθέρα μὲν γενομένη σαρκῶν, ἐλευθέρα δὲ ἐπιθυμιῶν,
ἐλευθέρα νόσων, ἐλευθέρα συμφορῶν· τότε διορᾷ καὶ
λογίζεται τἀληθῆ αὐτά, θεοῖς καὶ θεῶν παισὶν συγγιγνομένη
ὑπὲρ ἄκραν τὴν οὐρανοῦ ἁψῖδα, συμπεριπολοῦσα
καὶ συντεταγμένη στρατιᾷ θεῶν ὑφ´ ἡγεμόνι καὶ
στρατηγῷ τῷ Διί· καὶ μέμνηται μὲν ἀληθείας τότε, ἀναμιμνήσκεται
δὲ ἐνθάδε ἐκείνων· καὶ θαρσεῖ μὲν τότε,
σφάλλεται δὲ νῦν. Ἡ δὲ ἐρρωμένη ψυχὴ καὶ χρηστῷ δαίμονι
συγκεκληρωμένη, κἀνταῦθα ἀντέχει τῷ κυκηθμῷ,
καὶ κατὰ δύναμιν ἀπαλλάττουσα αὑτὴν τῆς πρὸς τὸ
σῶμα ὁμιλίας, τὴν μνήμην ἐγείρει ἐκείνων τῶν θεαμάτων,
καὶ ἐκείνων τῶν ἀκουσμάτων. Τοῦτο ἄρα καὶ
οἱ ποιηταὶ τὴν Μνημοσύνην αἰνίττονται Μουσῶν μητέρα,
Μούσας μὲν τὰς ἐπιστήμας ὀνομάζοντες, ἠγάθεον
χορὸν καὶ ἔργον Διός, ὑπὸ Μνημοσύνης δὲ γεννωμένας
καὶ συνταττομένας. Θεραπεύωμεν τὰς Μούσας,
θεραπεύωμεν τὴν Μνημοσύνην.
| [10,9] IX. Le corps tient de la Nature de savoir marcher, l'âme tient aussi de la Nature de
savoir exercer ses facultés rationnelles. Or, si l'âme est immortelle, comme elle l'est,
en effet, il faut nécessairement quelle possède, de toute éternité, la faculté d'avoir des
perceptions, et d'acquérir la science des choses. Parcourant, comme elle le fait, à mon
avis, une double carrière ; placée, dans l'une, au milieu d'une lumière pure et brillante,
sans avoir nul genre de fâcheux accident à craindre ; placée, dans l'autre, au milieu
des ténèbres, des agitations, et de toute sorte de vicissitudes, tout n'est pour elle, dans
cette dernière, qu'incertitude, qu'obscurité. Elle y est dans un état de désordre pareil à
celui que produit l'ivresse dans la tête des gens ivres. Car leur âme est portée, par
l'excès du boire, à un degré d'incandescence très voisin de la folie. Quelquefois elle
revient à elle-même; et, non moins éloignée d'errer complètement, que de raisonner
en perfection, elle tient le milieu entre l'ignorance et la raison. Mais, après que l'âme a
passé de cette carrière-ci dans l'autre, comme si elle eût quitté la ténébreuse contrée
des Cimmériens, pour la resplendissante région de l'Éther, dégagée de toute entrave
corporelle, libre de désirs, exempte de maladies, supérieure à tous les accidents, alors
elle contemple la vérité elle-même, elle en fait l'objet de ses méditations, elle vit avec
les Dieux, et avec les enfants des Dieux, au-dessous de la sphère céleste, introduite,
enrôlée, dans l'armée des Dieux, qui ont Jupiter pour Général et pour chef. Là, alors,
elle exerce vraiment sa mémoire. Ici, maintenant, elle n'a que des réminiscences. Là,
elle marche dans une sécurité parfaite. Ici, elle est sujette à broncher et à choir. Mais
une âme vigoureusement et sainement constituée, à qui le sort a donné en partage un
bon Esprit familier, se met, ici-bas même, au-dessus du tourbillon des choses
humaines. Supérieure à toutes les distractions qui résultent de son union avec le
corps, elle sait retrouver la mémoire des merveilles qu'elle a contemplées, des belles
choses qu'elle a entendues. De là vient aussi que les poètes, dans leurs fictions, font
de Mnémosyne la mère des Muses. Ils donnent aux diverses sciences des noms
de Muses. Ils forment un choeur de ces Déesses. Ils disent qu'elles sont nées de
Jupiter et de Mnémosyne, qu'elles en ont reçu leurs attributs. Rendons un culte
religieux aux Muses. Rendons un culte religieux à Mnémosyne.
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