[10,1] Ἀφίκετό ποτε Ἀθήναζε Κρὴς ἀνήρ, ὄνομα Ἐπιμενίδης,
κομίζων λόγον, οὑτωσὶ ῥηθέντα, πιστεύεσθαι
χαλεπόν· ἐν τοῦ Διὸς τοῦ Δικταίου τῷ ἄντρῳ κείμενος
ὕπνῳ βαθεῖ ἔτη συχνά, ὄναρ ἔφη ἐντυχεῖν
αὐτὸς θεοῖς καὶ θεῶν λόγοις, καὶ ἀληθείᾳ, καὶ δίκῃ.
Τοιαῦτα ἄττα διαμυθολογῶν ᾐνίττετο, οἶμαι, ὁ Ἐπιμενίδης,
ὡς ἄρα ὁ ἐν γῇ βίος ταῖς τῶν ἀνθρώπων
ψυχαῖς ὀνείρατι ἔοικεν μακρῷ καὶ πολυετεῖ. Πιθανώτερος
δ´ ἦν ἂν καὶ τὰ Ὁμήρου ἔπη προστιθεὶς
τῷ αὑτοῦ λόγῳ, ἃ περὶ ὀνείρων ἐκεῖνος. Λέγει γάρ
που Ὅμηρος δύο εἶναι πύλας ἀμενηνῶν ὀνείρων,
τὴν μὲν ἐξ ἐλέφαντος, τὴν δὲ ἐκ κεράτων· τοὺς
μὲν οὖν διὰ κεράτων ἰόντας ἀτρεκεῖς τε εἶναι καὶ πιθανοὺς
πιστεύεσθαι· τοὺς δὲ ἑτέρους σφαλερούς, καὶ
ἀπατεῶνας, καὶ μηδὲν ὕπαρ ἐπὶ τὴν ψυχὴν φέροντας.
Ταύτῃ τοι ἔτεινεν καὶ ὁ Ἐπιμενίδου εἴτε μῦθος εἴτε
καὶ ἀληθὴς λόγος. Ἐνύπνιον γάρ τι ἐστὶν ἀτεχνῶς
οὑτοσὶ ὁ δεῦρο βίος, καθ´ ὃν ἡ ψυχὴ κατορωρυγμένη
ἐν σώματι ὑπὸ κόρου καὶ πλησμονῆς μόγις πως ὀνειρώττει
τὰ ὄντα. Ἔρχονται δὲ ταῖς μὲν τῶν πολλῶν
ψυχαῖς ὄνειροι δι´ ἐλεφαντίνων πυλῶν· εἰ δέ που τίς
ἐστιν καθαρὰ ψυχὴ καὶ νηφάλιος, καὶ ὀλίγα ὑπὸ τοῦ
δεῦρο κάρου καὶ τῆς πλησμονῆς ἐπιταραττομένη, εἰκός
που ταύτῃ δι´ ἑτέρων ἰόντα ἀπαντᾶν ὀνείρατα σαφῆ
καὶ διακεκριμένα καὶ ἐγγύτατα τῷ ἀληθεῖ. Οὗτος ἦν
ὁ Ἐπιμενίδου ὕπνος.
| [10,1] UN Crétois, nommé Épiménide, vint à Athènes. Dans une conversation, il y débita
une chose assez difficile à croire, savoir : Qu'il était demeuré longues années plongé
dans un profond sommeil, dans l'antre de Jupiter Dictéen ; et, qu'en songe, il avait
été en relation avec les Dieux, avec les enfants des Dieux, avec la Vérité, avec la
Justice. Dans ce discours, Épiménide ne faisait, à mon avis, que dire, sous le voile
d'une fiction, que la vie de l'homme, sur la terre, n'était pour son âme qu'un songe long
et de plusieurs années. Il eût été bien plus digne de foi, s'il eût ajouté à ce qu'il disait,
ce que dit Homère en parlant des songes. Car il dit quelque part que les songes
fugitifs ont deux portes, l'une d'ivoire, et l'autre de corne; que ceux qui passent par la
porte de corne sont vrais, et méritent confiance ; que les autres sont suspects,
trompeurs, et n'apportent rien de bon à l'âme lorsque l'on est éveillé. Tel était le but du
discours d'Épiménide, soit que ce fût une fable qu'il racontait, soit qu'il parlât vrai. En
effet, elle n'est ici bas qu'un rêve, cette vie, où l'âme, comme enfoncée dans le corps,
par l'abondance et l'intensité des besoins physiques, reçoit à peine, même en songe,
des notions de la vérité des choses. D'ailleurs, les songes des âmes vulgaires leur
arrivent par les portes d'ivoire. Mais, s'il est des âmes pures, tempérantes, sur
lesquelles l'abondance et l'intensité des besoins physiques n'exercent qu'une
médiocre influence, il est dans l'ordre que les songes leur arrivent par d'autres portes,
et qu'ils se présentent à elles sous des apparences claires, distinctes, et très voisines
de la vérité. Tel était le songe d'Épiménide.
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