[5,8] ‘Ἀλλὰ Σωκράτης εἰς Πειραιᾶ κατῄει προσευξόμενος
τῇ θεῷ, καὶ τοὺς ἄλλους προετρέπετο, καὶ ἦν ὁ βίος
Σωκράτει μεστὸς εὐχῆς.’ Καὶ γὰρ Πυθαγόρας ηὔξατο,
καὶ Πλάτων, καὶ ὅστις ἄλλος θεοῖς προσήγορος· ἀλλὰ
σὺ μὲν ἡγεῖ τὴν τοῦ φιλοσόφου εὐχὴν αἴτησιν εἶναι
τῶν οὐ παρόντων, ἐγὼ δὲ ὁμιλίαν καὶ διάλεκτον πρὸς
τοὺς θεοὺς περὶ τῶν παρόντων καὶ ἐπίδειξιν τῆς ἀρετῆς·
ἢ, οἴει, τοῦτο εὔχετο ὁ Σωκράτης, ὅπως αὐτῷ
χρήματα γένηται, ἢ ὅπως ἄρξει Ἀθηναίων; πολλοῦ γε
καὶ δεῖ. Ἀλλ´ εὔχετο μὲν τοῖς θεοῖς, ἐλάμβανεν δὲ
παρ´ ἑαυτοῦ, συνεπινευόντων ἐκείνων, ἀρετὴν ψυχῆς,
καὶ ἡσυχίαν βίου, καὶ ζωὴν ἄμεμπτον, καὶ εὔελπιν
θάνατον, τὰ θαυμαστὰ δῶρα, τὰ θεοῖς δοτά. Ἐὰν δέ
τις παρὰ μὲν τῆς γῆς εὔπλοιαν αἰτῇ, παρὰ δὲ τῆς
θαλάττης εὐκαρπίαν, καὶ παρὰ μὲν ὑφάντου ἄροτρον,
παρὰ δὲ τέκτονος χλανίδα, ἄπεισιν ἀτελὴς καὶ ἄδωρος
καὶ ἄτευκτος. Ὦ Ζεῦ, καὶ Ἀθηνᾶ, καὶ Ἄπολλον, ἐθῶν
ἀνθρωπίνων ἐπίσκοποι, φιλοσόφων ὑμῖν μαθητῶν δεῖ,
οἳ τὴν ὑμετέραν τέχνην ἐρρωμέναις ψυχαῖς ὑποδεξάμενοι
ἄμητον βίου καλὸν καὶ εὐδαίμονα ἐκκαρπώσονται·
ἀλλὰ ἐστὶν σπάνιον μὲν τὸ τῆς γεωργίας ταύτης χρῆμα,
μόλις δὲ καὶ ὀψὲ παραγινόμενον. Δεῖ γε μὴν τοῦ
σπανίου τούτου καὶ ὀλίγου ἐναύσματος τῷ βίῳ ἄλλοτε
ἐν ἄλλοις σώμασιν φανταζομένου, ὡς ἐν νυκτὶ πολλῇ
δεῖ φωτὸς ὀλίγου· τὸ γὰρ καλὸν ἐν ἀνθρωπίνῃ φύσει
οὐ πολύ, φιλεῖ γε μὴν πρὸς τοῦ ὀλίγου τούτου σώζεσθαι
τὰ πάντα. Ἂν δ´ ἐξέλῃς τοῦ βίου φιλοσοφίαν,
ἐξεῖλες αὐτοῦ τὸ ζώπυρον, τὸ ἔμπνουν, τὸ ζωτικόν, τὸ
μόνον εὔχεσθαι ἐπιστάμενον· ὡς ψυχὴν σώματος ἐὰν
ἀφέλῃς, ἔπηξας τὸ σῶμα· ὡς καρποὺς γῆς ἐὰν ἀφέλῃς,
τὴν γῆν ἐξέτεμες· ὡς ἥλιον ἡμέρας, τὴν ἡμέραν ἔσβεσας.
| [5,8] VIII. Et cependant Socrate allait au Pirée, pour y faire ses prières à la Déesse;
il y invitait ses concitoyens. Il paraît d'ailleurs que, durant le cours de sa vie, il ne fit
que prier. Et Pythagore aussi pria; et Platon aussi; et tous les philosophes qui
rendaient hommage à l'existence des Dieux. Mais pensez-vous que la prière du
philosophe ait pour objet de demander aux dieux les choses qu'il n'a point ? Je pense,
au contraire, qu'elle consiste à s'entretenir, à causer avec eux, sur les choses qu'il
possède, et à leur présenter ainsi le tableau de sa vertu. Certes, pensez-vous que
Socrate ait demandé aux dieux de lui envoyer une grande fortune, ou de lui donner le
pouvoir suprême, à Athènes ? Bien loin de là. Sans doute Socrate honorait les dieux ;
mais c'était en lui-même qu'il cherchait, sous leurs auspices, les moyens de se rendre
vertueux, de mener une vie tranquille, d'avoir des mœurs irréprochables, d'attendre la
mort avec confiance ; dons admirables, dont les dieux devraient être les dispensateurs.
Si quelqu'un s'avisait de demander au continent une heureuse navigation, à la
mer une abondante récolte, à un tisserand une charrue, à un charron une pièce de
toile, il demanderait en vain : il serait éconduit sans rien obtenir. Ô Jupiter! ô Minerve !
ô Apollon ! ô vous, qui surveillez la conduite de tous les mortels, vous avez besoin
d'avoir pour disciples des philosophes, dont les âmes vigoureuses et énergiques se
plaisent à devenir vos émules, et recueillent de leur zèle, à cet égard, les fruits d'une
vie heureuse et prospère. Mais les résultats de ce genre de culture sont une chose
assez rare : à peine sont-ils sensibles, au déclin des ans. Quoi qu'il en soit, les
hommes ont besoin de voir paraître de temps en temps chez quelques-uns de leurs
semblables des étincelles de ce feu divin, quelque rares, quelque faibles qu'elles
puissent être, ainsi qu'au milieu d'une profonde nuit, on a besoin d'un peu de lumière.
Le beau dans le moral de l'homme n'est qu'en très petite mesure; mais, toute petite
qu'elle est, elle suit pour la conservation de l'espèce humaine entière. Ôtez à l'homme
la philosophie, vous lui ôtez le feu qui l'anime, qui le soutient, qui lui donne la vie.
Vous lui ôtez la seule chose qui lui enseigne à honorer les dieux. Il en est, comme
du corps humain, lorsqu'on lui ôte l'âme; c'est en faire un cadavre : comme d'une
contrée à qui l'on ôte sa fécondité; c'est la changer en désert : comme du soleil à qui
l'on ôte sa lumière; c'est anéantir le jour.
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