[3,8] Πάνυ γοῦν ἔδει τοῖς τότε Ἀθηναίων δικασταῖς
λόγων. Σωκράτη γὰρ ἑβδομήκοντα μὲν ἐτῶν χρόνος,
καὶ ἐν τούτῳ φιλοσοφία καὶ ἀρετὴ διηνεκής, καὶ ἄπταιστος
βίος καὶ ὑγιής, καὶ δίαιτα εἰλικρινής, καὶ ὁμιλίαι
χρησταί, καὶ ἐντεύξεις ὠφέλιμοι, καὶ συνουσίαι
ἀγαθαί, ταῦτα μὲν αὐτὸν οὐκ ἐξείλετο ἐκ τοῦ δικαστηρίου,
καὶ τοῦ δεσμωτηρίου, καὶ τοῦ θανάτου,
ἀμφορεὺς δὲ ἔμελλεν διαμετρηθεὶς πρὸς ῥητορείας
καιρὸν βραχὺς ῥύσεσθαι τὸν Σωκράτην; ἀλλ´ οὔτε ἠδύνατο,
οὔτε δυνάμενος, ἐδέξατο ἂν ὁ Σωκράτης. Ἄπαγε,
ὦ Ζεῦ καὶ θεοί, ὅμοιον ὡς εἰ καὶ Λεωνίδην τὸν
Σπαρτιάτην ἐκεῖνον ἠξίωσεν ἄν τις παραστὰς τοιοῦτος
σύμβουλος ὑποχωρῆσαι βραχύ, καὶ ἐνδοῦναι τῇ
Ξέρξου ἐμβολῇ, ὡς συκοφάντῃ ὡπλισμένῳ· ὁ δὲ οὐκ
ἐδέξατο, ἀλλ´ αὐτοῦ κεῖσθαι σὺν τῇ ἀρετῇ καὶ τοῖς
ὅπλοις μᾶλλον, ἢ ζῶν δεῖξαι τὰ νῶτα βασιλεῖ βαρβάρῳ.
Τί τοίνυν ἦν ἄλλο ἡ Σωκράτους ἀπολογία, ἢ
νώτων ἀποστροφή, καὶ φυγὴ βλημάτων, καὶ εὐπρεπὴς
δειλία; τοιγαροῦν ἔμεινεν, καὶ τὴν ἐμβολὴν ἐδέξατο,
καὶ ἠρίστευσεν· Ἀθηναῖοι δὲ ᾤοντο αὐτοῦ καταψηφίζεσθαι.
Καὶ γὰρ Ξέρξης ᾤετο νικᾶν Λεωνίδην, ἀλλὰ
Λεωνίδης μὲν ἀπέθνησκεν, Ξέρξης δὲ ἡττᾶτο· καὶ Σωκράτης
μὲν ἀπέθνησκεν, Ἀθηναῖοι δὲ κατεδικάζοντο,
δικαστὴς δὲ ἦν αὐτοῖς θεὸς καὶ ἀλήθεια. Ἡ δὲ Σωκράτους
κατὰ Ἀθηναίων γραφή· Ἀδικεῖ ὁ Ἀθηναίων
δῆμος, οὓς μὲν Σωκράτης νομίζει θεούς, οὐ νομίζων,
ἕτερα δὲ καινὰ δαιμόνια ἐπεισφέρων· Σωκράτης μὲν γὰρ
νομίζει Ὀλύμπιον τὸν Δία, Ἀθηναῖοι δὲ Περικλέα·
καὶ Σωκράτης μὲν πιστεύει τῷ Ἀπόλλωνι, Ἀθηναῖοι
δὲ αὐτῷ ἀντιψηφίζονται. Ἀδικεῖ δὲ ὁ δῆμος καὶ τοὺς
νέους διαφθείρων· οὗτος καὶ Ἀλκιβιάδην διέφθειρεν,
καὶ Ἱππόνικον, καὶ Κριτίαν, καὶ ἄλλους μυρίους.
Ὢ γραφῆς ἀληθοῦς, καὶ δικαίου δικαστηρίου, καὶ καταδίκης
πικρᾶς. Ὑπὲρ μὲν Διὸς ἀσεβουμένου λοιμὸς
ἦλθε καὶ ἐκ Πελοποννήσου πόλεμος· ὑπὲρ δὲ νέων
διαφθειρομένων Δεκέλεια, καὶ ἡ ἐν Σικελίᾳ τύχη, καὶ
ἐν Ἑλλησπόντῳ συμφοραί. Οὕτω δικάζει θεός, οὕτω
καταψηφίζεται.
| [3,8] VIII. Socrate avait donc grand besoin de discourir auprès des Athéniens qui le
jugeaient ! Il était âgé de soixante-dix ans. Il avait consacré cette longue carrière à
l'étude de la philosophie et à la pratique de la vertu. Il n'avait jamais nui à personne.
Pas un vice à lui reprocher. Les mœurs les plus pures. Les liaisons les plus honnêtes.
Visant à l'utile dans toutes ses relations, et améliorant tous ceux qui l'approchaient.
Tout cela ne l'arracha ni au tribunal, ni à la prison, ni à la mort ; et le court espace de
quelques clepsydres, qu'on lui aurait accordé pour sa défense, l'aurait sauvé ? -
Non, les clepsydres ne l'auraient pas pu, et cela leur eût-il été possible, Socrate n'en
aurait point fait usage. Non, par Jupiter ; non, par tous les Dieux ! C'est tout comme si
quelque sycophante sous les armes, admis dans le conseil du célèbre Léonidas
lacédémonien, eût été d'avis de céder un peu de terrain, et de laisser faire une
irruption à Xerxès ; Léonidas aurait repoussé cette proposition. Il eût mieux aimé périr
à son poste, avec sa vertu, les armes à la main, que de se sauver en tournant le dos à
un roi barbare. Eh ! qu'aurait été la défense de Socrate, que tourner le dos, que se
sauver avec lâcheté, que prendre une honteuse fuite ? Il resta donc ferme, il soutint le
choc, il acquitta la dette de la valeur et du courage. Les Athéniens pensaient l'avoir
condamné à la mort. Et Xerxès aussi pensait avoir vaincu Léonidas. Mais, par la mort
de Léonidas, Xerxès fut vaincu lui-même ; par la mort de Socrate, les Athéniens aussi
ont été condamnés à l'infamie. Ils l'ont été au tribunal des dieux, au tribunal de la
vérité. Voici l'acte d'accusation de Socrate contre eux. Le peuple d'Athènes attente à la
religion. Il ne regarde point comme dieux, ceux que Socrate regarde comme tels. Il en
introduit de nouveaux. Socrate pense que Jupiter est le dieu de l'Olympe. Les
Althèniens pensent que c'est Périclès. Socrate croit à Apollon, et les
Athéniens jugent l'inverse de ce qu'a jugé ce dieu. Le peuple d'Athènes attente à la
morale. Il corrompt les jeunes gens. C'est lui qui a perdu. Alcibiade, Hypponicus, et
une infinité d'autres. O combien il y a de vérité dans cette accusation ! Combien il y a
d'équité à ce tribunal ! Combien elle est grave cette condamnation ! Les impiétés
envers Jupiter amenèrent la peste et la guerre du Péloponnèse. La corruption de la
jeunesse produisit la catastrophe de Decélie, les revers en Sicile, et les désastres sur
l'Hellespont. C'est ainsi que juge le tribunal des Dieux. Tels sont les arrêts qui en
émanent.
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