[6,50] 50.
Πειρῶ μὲν πείθειν αὐτούς, πρᾶττε δὲ καὶ ‹αὐ›τῶν ἀκόντων, ὅταν τῆς δικαιοσύνης
ὁ λόγος οὕτως ἄγῃ. Ἐὰν μέντοι βίᾳ τις προσχρώμενος ἐνίστηται, μετάβαινε ἐπὶ
τὸ εὐάρεστον καὶ ἄλυπον καὶ συγχρῶ εἰς ἄλλην ἀρετὴν τῇ κωλύσει, καὶ μέμνησο
ὅτι μεθ ὑπεξαιρέσεως ὥρμας καὶ ὅτι τῶν ἀδυνάτων οὐκ ὠρέγου. Τίνος οὖν; Τῆς
τοιᾶσδέ τινος ὁρμῆς. Τούτου δὲ τυγχάνεις· ἐφ οἷς προήχθημεν, ταῦτα γίνεται.
51.
Ὁ μὲν φιλόδοξος ἀλλοτρίαν ἐνέργειαν ἴδιον ἀγαθὸν ὑπολαμβάνει, ὁ δὲ
φιλήδονος ἰδίαν πεῖσιν, ὁ δὲ νοῦν ἔχων ἰδίαν πρᾶξιν.
52.
Ἔξεστι περὶ τούτου μηδὲν ὑπολαμβάνειν καὶ μὴ ὀχλεῖσθαι τῇ ψυχῇ· αὐτὰ γὰρ τὰ
πράγματα οὐκ ἔχει φύσιν ποιητικὴν τῶν ἡμετέρων κρίσεων.
53.
Ἔθισον σεαυτὸν πρὸς τῷ ὑφ ἑτέρου λεγομένῳ γίνεσθαι ἀπαρενθυμήτως καὶ ὡς
οἷόν τε ἐν τῇ ψυχῇ τοῦ λέγοντος γίνου. Τὸ τῷ σμήνει μὴ συμφέρον οὐδὲ τῇ
μελίσσῃ συμφέρει.
54.
Εἰ κυβερνῶντα οἱ ναῦται ἢ ἰατρεύοντα οἱ κάμνοντες κακῶς ἔλεγον, ἄλλῳ τινὶ ἂν
προσεῖχον; Ἢ πῶς ‹ἂν› αὐτὸς ἐνεργοίη τὸ τοῖς ἐμπλέουσι σωτήριον ἢ τὸ τοῖς
θεραπευομένοις ὑγιεινόν;
55.
Πόσοι, μεθ ὧν εἰσῆλθον εἰς τὸν κόσμον, ἤδη ἀπεληλύθασιν.
56.
Ἰκτεριῶσι τὸ μέλι πικρὸν φαίνεται καὶ λυσσοδήκτοις τὸ ὕδωρ φοβερὸν καὶ
παιδίοις τὸ σφαιρίον καλόν. Τί οὖν ὀργίζομαι; Ἢ δοκεῖ σοι ἔλασσον ἰσχύειν τὸ
διεψευσμένον ἢ τὸ χόλιον τῷ ἰκτεριῶντι καὶ ὁ ἰὸς τῷ λυσσοδήκτῳ;
57.
Κατὰ τὸν λόγον τῆς σῆς φύσεως βιοῦν σε οὐδεὶς κωλύσει· παρὰ τὸν λόγον τῆς
κοινῆς φύσεως οὐδέν σοι συμβήσεται.
58.
Οἷοί εἰσιν οἷς θέλουσιν ἀρέσκειν, καὶ δἰ οἷα περιγινόμενοι καὶ δἰ οἵων ἐνεργειῶν.
Ὡς ταχέως ὁ αἰὼν πάντα καλύψει καὶ ὅσα ἐκάλυψεν ἤδη.
| [6,50] L
Efforçons-nous de persuader les gens ; mais, s’ils ne t’écoutent pas, n’en agis pas
moins selon les lois de la justice, qui doit seule te conduire. Que si quelqu’un arrête
ton action en t’opposant la force, tâche alors de bien prendre la chose et de ne pas
t’en chagriner. Que l’obstacle même qui te gêne soit l’occasion pour toi de t’exercer à
une autre vertu. Souviens-toi que ton désir ne pouvait être que conditionnel, et que
tu ne peux désirer rien d’impossible. Que voulais-tu donc en effet ? Rien que de
former en toi ce même désir ; or, tu as atteint ce but ; et ainsi le résultat que nous
poursuivions est obtenu.
LI.
Quand on aime la gloire, on fait consister son propre bien dans l’acte d’autrui ;
quand on aime son plaisir, on place son bien dans sa satisfaction propre ; mais, si l’on
est vraiment intelligent, on ne place jamais son bien que dans l’acte qu’on accomplit
soi-même.
LII.
Il m’est possible de m’abstenir de tout jugement sur une chose, et de faire qu’elle ne
trouble point mon âme ; car les choses ne sont pas par elles-mêmes de nature à
pouvoir former nos jugements.
LIII.
Accoutume-toi à écouter sans distraction intérieure ce qu’un autre te dit ; et, autant
qu’il est possible, entre dans la pensée de la personne qui te parle.
LIV.
Ce qui n’est pas utile à l’essaim ne peut pas non plus être utile à l’abeille.
LV.
Si les passagers injuriaient le pilote, si les malades injuriaient le médecin qui les
soigne, pourraient-ils avoir une autre intention que de pousser le pilote à sauver
l’équipage, ou le médecin à guérir ses malades ?
LVI.
Combien de ceux avec qui je suis entré dans le monde en sont déjà partis !
LVII.
Quand on a la jaunisse, le miel paraît amer ; l’homme qu’a mordu un chien enragé a
horreur de l’eau ; les enfants trouvent que leur balle est la plus belle du monde.
Pourquoi donc est-ce que je m’emporte ? Crois-tu qu’une idée fausse agisse moins
vivement sur les esprits que la bile sur le malade atteint de la jaunisse, ou que le
virus, sur le malade atteint de la rage ?
LVIII.
Personne au monde ne peut t’empêcher de vivre selon la loi raisonnable de ta nature
propre ; et rien ne peut t’arriver jamais contre la loi de la commune nature.
LIX.
Qu’est-ce que sont les gens auxquels on s’efforce de plaire ! Et pour quels résultats !
Et par quels moyens ! Avec quelle rapidité le temps effacera tout cela ! Et combien de
choses n’a-t-il pas déjà effacées !
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