HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Marc-Aurèle, Pensées, livre VI

Pensées 40-49

  Pensées 40-49

[6,40] 40. Ὄργανον, ἐργαλεῖον, σκεῦος πᾶν εἰς πρὸς κατεσκεύασται ποιεῖ, εὖ ἔχει· καίτοι ἐκεῖ κατασκευάσας ἐκποδών. Ἐπὶ δὲ τῶν ὑπὸ φύσεως συνεχομένων ἔνδον ἐστὶ καὶ παραμένει κατασκευάσασα δύναμις· καθὸ καὶ μᾶλλον αἰδεῖσθαι αὐτὴν δεῖ καὶ νομίζειν, ἐὰν κατὰ τὸ βούλημα ταύτης ἔχῃς καὶ διεξάγῃς, ἔχειν σοι πάντα κατὰ νοῦν. Ἔχει δὲ οὕτως καὶ τῷ παντὶ κατὰ νοῦν τὰ ἑαυτοῦ. 41. τι ἂν τῶν ἀπροαιρέτων ὑποστήσῃ σαυτῷ ἀγαθὸν κακόν, ἀνάγκη κατὰ τὴν περίπτωσιν τοῦ τοιούτου κακοῦ τὴν ἀπότευξιν τοῦ τοιούτου ἀγαθοῦ μέμψασθαί σε θεοῖς καὶ ἀνθρώπους δὲ μισῆσαι τοὺς αἰτίους ὄντας ὑποπτευομένους ἔσεσθαι τῆς ἀποτεύξεως τῆς περιπτώσεως· καὶ ἀδικοῦμεν δὴ πολλὰ διὰ τὴν πρὸς ταῦτα διαφοράν. Ἐὰν δὲ μόνα τὰ ἐφ ἡμῖν ἀγαθὰ καὶ κακὰ κρίνωμεν, οὐδεμία αἰτία καταλείπεται οὔτε θεῷ ἐγκαλέσαι οὔτε πρὸς ἄνθρωπον στῆναι στάσιν πολεμίου. 42. Πάντες εἰς ἓν ἀποτέλεσμα συνεργοῦμεν, οἱ μὲν εἰδότως καὶ παρακολουθητικῶς, οἱ δὲ ἀνεπιστάτως, ὥσπερ καὶ τοὺς καθεύδοντας, οἶμαι, Ἡράκλειτος ἐργάτας εἶναι λέγει καὶ συνεργοὺς τῶν ἐν τῷ κόσμῳ γινομένων. Ἄλλος δὲ κατ ἄλλο συνεργεῖ, ἐκ περιουσίας δὲ καὶ μεμφόμενος καὶ ἀντιβαίνειν πειρώμενος καὶ ἀναιρεῖν τὰ γινόμενα· καὶ γὰρ τοῦ τοιούτου ἔχρῃζεν κόσμος. Λοιπὸν οὖν σύνες εἰς τίνας ἑαυτὸν κατατάσσεις· ἐκεῖνος μὲν γὰρ πάντως σοι καλῶς χρήσεται τὰ ὅλα διοικῶν καὶ παραδέξεταί σε εἰς μέρος τι τῶν συνεργῶν καὶ συνεργητικῶν, ἀλλὰ σὺ μὴ τοιοῦτο μέρος γένῃ, οἷος εὐτελὴς καὶ γελοῖος στίχος ἐν τῷ δράματι, οὗ Χρύσιππος μέμνηται. 43. Μήτι Ἥλιος τὰ τοῦ Ὑετίου ἀξιοῖ ποιεῖν; Μήτι Ἀσκληπιὸς τὰ τῆς Καρποφόρου; Τί δὲ τῶν ἄστρων ἕκαστον; Οὐχὶ διάφορα μέν, συνεργὰ δὲ πρὸς ταὐτόν; 44. Εἰ μὲν οὖν ἐβουλεύσαντο περὶ ἐμοῦ καὶ τῶν ἐμοὶ συμβῆναι ὀφειλόντων οἱ θεοί, καλῶς ἐβουλεύσαντο· ἄβουλον γὰρ θεὸν οὐδὲ ἐπινοῆσαι ῥᾴδιον, κακοποιῆσαι δέ με διὰ τίνα αἰτίαν ἔμελλον ὁρμᾶν; Τί γὰρ αὐτοῖς τῷ κοινῷ, οὗ μάλιστα προνοοῦνται, ἐκ τούτου περιεγένετο; Εἰ δὲ μὴ ἐβουλεύσαντο κατ ἰδίαν περὶ ἐμοῦ, περί γε τῶν κοινῶν πάντως ἐβουλεύσαντο, οἷς κατ ἐπακολούθησιν καὶ ταῦτα συμβαίνοντα ἀσπάζεσθαι καὶ στέργειν ὀφείλω. Εἰ δ ἄρα περὶ μηδενὸς βουλεύονται (πιστεύειν μὲν οὐχ ὅσιον μηδὲ θύωμεν μηδὲ εὐχώμεθα μηδὲ ὀμνύωμεν μηδὲ τὰ ἄλλα πράσσωμεν παῤ ἕκαστα ὡς πρὸς παρόντας καὶ συμβιοῦντας τοὺς θεοὺς πράσσομεν), εἰ δ ἄρα περὶ μηδενὸς τῶν καθ ἡμᾶς βουλεύονται, ἐμοὶ μὲν ἔξεστι περὶ ἐμαυτοῦ βουλεύεσθαι, ἐμοὶ δέ ἐστι σκέψις περὶ τοῦ συμφέροντος. Συμφέρει δὲ ἑκάστῳ τὸ κατὰ τὴν ἑαυτοῦ κατασκευὴν καὶ φύσιν, δὲ ἐμὴ φύσις λογικὴ καὶ πολιτική. Πόλις καὶ πατρὶς ὡς μὲν Ἀντωνίνῳ μοι Ῥώμη, ὡς δὲ ἀνθρώπῳ κόσμος. Τὰ ταῖς πόλεσιν οὖν ταύταις ὠφέλιμα μόνα ἐστί μοι ἀγαθά. 45. Ὅσα ἑκάστῳ συμβαίνει, ταῦτα τῷ ὅλῳ συμφέρει· ἤρκει τοῦτο. Ἀλλ ἔτι ἐκεῖνο ὡς ἐπίπαν ὄψει παραφυλάξας, ὅσα ἀνθρώπῳ, καὶ ἑτέροις ἀνθρώποις. Κοινότερον δὲ νῦν τὸ συμφέρον ἐπὶ τῶν μέσων λαμβανέσθω. 46. Ὥσπερ προσίσταταί σοι τὰ ἐν τῷ ἀμφιθεάτρῳ καὶ τοῖς τοιούτοις χωρίοις ὡς ἀεὶ τὰ αὐτὰ ὁρώμενα, καὶ τὸ ὁμοειδὲς προσκορῆ τὴν θέαν ποιεῖ, τοῦτο καὶ ἐπὶ ὅλου τοῦ βίου πάσχεις· πάντα γὰρ ἄνω κάτω τὰ αὐτὰ καὶ ἐκ τῶν αὐτῶν. Μέχρι τίνος οὖν; 47. Ἐννόει συνεχῶς παντοίους ἀνθρώπους καὶ παντοίων μὲν ἐπιτηδευμάτων, παντοδαπῶν δὲ ἐθνῶν τεθνεῶτας, ὥστε κατιέναι τοῦτο μέχρι Φιλιστίωνος καὶ Φοίβου καὶ Ὀριγανίωνος. Μέτιθι νῦν ἐπὶ τὰ ἄλλα φῦλα· ἐκεῖ δὴ μεταβαλεῖν ἡμᾶς δεῖ ὅπου τοσοῦτοι μὲν δεινοὶ ῥήτορες, τοσοῦτοι δὲ σεμνοὶ φιλόσοφοι, Ἡράκλειτος, Πυθαγόρας, Σωκράτης, τοσοῦτοι δὲ ἥρωες πρότερον, τοσοῦτοι δὲ ὕστερον στρατηγοί, τύραννοι· ἐπὶ τούτοις δὲ Εὔδοξος, Ἵππαρχος, Ἀρχιμήδης, ἄλλαι φύσεις ὀξεῖαι, μεγαλόφρονες, φιλόπονοι, πανοῦργοι, αὐθάδεις, αὐτῆς τῆς ἐπικήρου καὶ ἐφημέρου τῶν ἀνθρώπων ζωῆς χλευασταί, οἷον Μένιππος καὶ ὅσοι τοιοῦτοι. Περὶ πάντων τούτων ἐννόει ὅτι πάλαι κεῖνται· τί οὖν τοῦτο δεινὸν αὐτοῖς; Τί δαὶ τοῖς μηδ ὀνομαζομένοις ὅλως; Ἓν ὧδε πολλοῦ ἄξιον, τὸ μετ ἀληθείας καὶ δικαιοσύνης εὐμενῆ τοῖς ψεύσταις καὶ ἀδίκοις διαβιοῦν. 48. Ὅταν εὐφρᾶναι σεαυτὸν θέλῃς, ἐνθυμοῦ τὰ προτερήματα τῶν συμβιούντων· οἷον τοῦ μὲν τὸ δραστήριον, τοῦ δὲ τὸ αἰδῆμον, τοῦ δὲ τὸ εὐμετάδοτον, ἄλλου δὲ ἄλλο τι. Οὐδὲν γὰρ οὕτως εὐφραίνει ὡς τὰ ὁμοιώματα τῶν ἀρετῶν ἐμφαινόμενα τοῖς ἤθεσι τῶν συζώντων καὶ ἀθρόα ὡς οἷόν τε συμπίπτοντα. Διὸ καὶ πρόχειρα αὐτὰ ἑκτέον. 49. Μήτι δυσχεραίνεις ὅτι τοσῶνδέ τινων λιτρῶν εἶ καὶ οὐ τριακοσίων; Οὕτω δὴ καὶ ὅτι μέχρι τοσῶνδε ἐτῶν βιωτέον σοι καὶ οὐ μέχρι πλείονος; Ὥσπερ γὰρ τῆς οὐσίας ὅσον ἀφώρισταί σοι στέργεις, οὕτως καὶ ἐπὶ τοῦ χρόνου. [6,40] XL. Un instrument, un outil, un appareil quelconque, quand il remplit la fonction pour laquelle il a été conçu, est parfait ; et cependant celui qui l’a fabriqué en est absent. Mais pour les choses qu’a créées la nature et qu’elle renferme, la force ordonnatrice est à leur intérieur, et elle y persiste. C’est là pour toi un motif de l’adorer encore davantage, en reconnaissant que, si tu vis et te conduis conformément à sa volonté, tout alors se règle en toi sur l’intelligence. Or, il en est de même pour l’univers ; et tout ce qui s’y passe se règle sur l’intelligence qui l’anime. XLI. Quand pour des choses qui ne relèvent pas de ta libre préférence, tu t’imagines qu’elles sont ou un bien ou un mal pour toi, il faut nécessairement, lorsque ce mal vient à te frapper ou lorsque ce bien t’échappe ; que tu t’en prennes aux Dieux, ou que tu détestes les hommes, qui sont les auteurs réels, ou que tu soupçonnes d’être les auteurs, de tes mécomptes ou de ta souffrance. Dans tout cela, nous rie sommes si souvent injustes qu’à cause de l’importance que nous y attachons. Si les choses qui ne dépendent que de nous étaient les seules qui nous parussent borines ou mauvaises, il ne nous resterait plus le moindre prétexte, ni d’accuser Dieu, ni de faire à l’homme la guerre acharnée d’un ennemi. XLII. Nous concourons tous à l’accomplissement d’une seule et même œuvre, les uns avec pleine connaissance et avec pleine docilité ; les autres, dans une ignorance absolue. C’est ainsi que, même en dormant, comme le disait, je crois, Héraclite, on travaille et l’on coopère à ce qui se passe dans le monde. Chacun y concourt dans une sphère différente ; et par surcroît, celui-là même y concourt qui critique le plus amèrement les choses, et qui essaye de remonter le courant et d’anéantir la réalité. C’est que le monde avait besoin de cette résistance même. Comprends donc enfin dans quels rangs tu veux te placer ; car Celui qui ordonne toutes choses se servira toujours de toi admirablement bien, et il t’accueillera dans le nombre de ceux qui travaillent à son œuvre et qui le secondent. Seulement, toi, ne va pas te faire une partie de l’ensemble analogue à ce vers plat et ridicule qui, dans la pièce, tient la place dont Chrysippe a parlé. XLIII. Est-ce que le soleil veut jouer le rôle de la pluie ? Est-ce le rôle de la Terre, « mère des fruits, » que prétend jouer Esculape ? Est-ce que chacun des astres, tout différents qu’ils sont entre eux, ne concourent pas tous au même but ? XLIV. Si les Dieux ont décrété ce que je dois être et tout ce qui doit m’arriver dans cette vie, leurs décrets sont admirables ; car un Dieu sans sagesse, ce n’est pas même chose facile à se figurer. Et par quel motif imaginable les Dieux pourraient-ils jamais songer à me faire du mal ? Que pourrait-il leur en revenir, soit pour eux d’abord, soit pour cette universelle communauté des choses, qui est le plus cher objet de leur providence ? Si l’on me dit qu’ils ne se sont pas occupés de moi en particulier, du moins ils se sont occupés bien certainement de l’ordre général, lequel doit me faire accueillir et aimer tout ce qui m’arrive comme sa conséquence nécessaire. Croire que les Dieux ne s’occupent en rien de nous, c’est une impiété ; car alors nous n’avons plus à leur offrir ni sacrifices, ni prières, ni serments ; il n’y a plus aucun sens à tant d’autres actes que nous faisons, et qui supposent toujours que les Dieux sont présents et qu’ils partagent notre vie. Mais, que si à toute force les Dieux ne s’occupent en rien de ce qui nous regarde, il m’est du moins permis de m’occuper de moi-même ; je puis réfléchir à ce qui importe à chacun de nous. Or ce qui importe à chacun de nous, c’est de se conduire selon son organisation et sa nature. Mais ma nature est essentiellement raisonnable et sociable. La cité, la patrie, pour moi comme pour Antonin, c’est Rome ; mais en tant que je suis un être humain, ma patrie, c’est le monde ; il n’y a de choses bonnes pour moi que celles qui sont utiles aux cités diverses dont je fais partie. XLV. Ce qui nous arrive est toujours pour le bien de l’ensemble. Il ne nous en faudrait pas déjà davantage. Mais en y regardant de plus près, tu verras que le plus généralement ce qui est utile à un individu l’est en même temps à bien d’autres. Et ici l’utile s’étend d’autant plus loin qu’il concerne les choses indifférentes et moyennes de la vie. XLVI. C’est comme les spectacles de l’amphithéâtre et les autres amusements de cette sorte, dont on se dégoûte à force de voir toujours les mêmes choses, et où l’uniformité rend la répétition des mêmes objets intolérable. On éprouve aussi une répugnance analogue durant le cours de la vie ; car, du haut jusqu’en bas, les choses sont les mêmes, et elles ont les mêmes causes. Ainsi donc, jusques à quand ? XLVII. Songe sans cesse à cette prodigieuse diversité d’hommes qui sont morts forts dès longtemps, de mœurs si différentes, de peuples si divers ; et descends, si tu le veux, jusqu’à un Philistion, un Phœbus, un Origanion. Passe ensuite à d’autres classes de gens ; et dis-toi que c’est là qu’il faut un jour aussi nous rendre, là où sort déjà tant d’habiles orateurs, tant de graves philosophes, Héraclite, Pythagore, Socrate ; tant de héros des âges antérieurs, tant d’hommes de guerre venus après eux, tant de tyrans. Ajoute à tous ces noms un Eudoxe, un Hipparque, un Archimède, et une foule de tant d’autres natures d’esprits, ceux-ci pénétrants, magnanimes, laborieux, ceux-là capables de tout, égoïstes, railleurs impitoyables de la vie même de l’homme, si mêlée, si éphémère, un Ménippe par exemple, et tous ceux de son espèce. Compte un peu depuis combien de temps ils gisent en terre. Qu’y a-t-il donc là de si terrible pour eux ? A plus forte raison, quel malheur est-ce donc pour ceux dont le nom n’a pas même survécu ? Ainsi, il n’y a vraiment qu’une seule chose qui soit digne du plus grand prix : c’est de traverser la vie, dévoué à la vérité et à la justice, et doux envers les hommes, bien qu’ils soient trompeurs et méchants. XLVIII. Quand tu veux te ménager quelque joie, tu n’as qu’à songer aux qualités éminentes de ceux qui vivent avec toi, à l’activité de l’un, à la modestie de l’autre ; à la générosité d’un troisième, et à tant d’autres perfections que plusieurs possèdent. Il n’est pas de plus grand plaisir que de contempler ces images de la vertu, brillant dans le caractère ou la conduite de nos amis, multipliées et se répétant aussi souvent qu’il le faut. C’est ainsi qu’on peut les avoir présentes à l’esprit toutes les fois qu’on le veut. XLIX. Est-ce que tu t’affliges de ne peser que tant de livres et de n’en point peser trois cents ? Ne t’afflige donc pas non plus de m’avoir à vivre que tarit d’années et non davantage. Et de même que tu te contentes du poids qui a été assigné à ton corps, de même aussi sache te contenter du temps qui t’est accordé.


Recherches | Texte | Lecture | Liste du vocabulaire | Index inverse | Menu | Site de Philippe Remacle |

 
UCL | FLTR | Hodoi Elektronikai | Itinera Electronica | Bibliotheca Classica Selecta (BCS) |
Ingénierie Technologies de l'Information : B. Maroutaeff - C. Ruell - J. Schumacher

Dernière mise à jour : 25/02/2010