[2,1]
Ἕωθεν προλέγειν ἑαυτῷ· συντεύξομαι περιέργῳ, ἀχαρίστῳ, ὑβριστῇ,
δολερῷ, βασκάνῳ, ἀκοινωνήτῳ· πάντα ταῦτα συμβέβηκεν ἐκείνοις παρὰ
τὴν ἄγνοιαν τῶν ἀγαθῶν καὶ κακῶν. Ἐγὼ δὲ τεθεωρηκὼς τὴν φύσιν τοῦ
ἀγαθοῦ ὅτι καλόν, καὶ τοῦ κακοῦ ὅτι αἰσχρόν, καὶ τὴν αὐτοῦ τοῦ
ἁμαρτάνοντος φύσιν ὅτι μοι συγγενής, οὐχὶ αἵματος ἢ σπέρματος τοῦ
αὐτοῦ ἀλλὰ νοῦ καὶ θείας ἀπομοίρας μέτοχος, οὔτε βλαβῆναι ὑπό τινος
αὐτῶν δύναμαι· αἰσχρῷ γάρ με οὐδεὶς περιβαλεῖ· οὔτε ὀργίζεσθαι τῷ
συγγενεῖ δύναμαι οὔτε ἀπέχθεσθαι αὐτῷ. Γεγόναμεν γὰρ πρὸς συνεργίαν
ὡς πόδες, ὡς χεῖρες, ὡς βλέφαρα, ὡς οἱ στοῖχοι τῶν ἄνω καὶ τῶν κάτω
ὀδόντων. Τὸ οὖν ἀντιπράσσειν ἀλλήλοις παρὰ φύσιν· ἀντιπρακτικὸν δὲ τὸ
ἀγανακτεῖν καὶ ἀποστρέφεσθαι.
| [2,1]
Le matin, dès qu’on s’éveille, il faut se prémunir pour la journée en se
disant : « Je pourrai bien rencontrer aujourd’hui un fâcheux, un ingrat, un
insolent, un fripon, un traître, qui nuit à l’intérêt commun ; mais si tous ces
gens-là sont affligés de tant de vices, c’est par simple ignorance de ce que
c’est que le bien et le mal. » Quant à moi, considérant la nature du bien qui
se confond avec le beau et celle du mal qui se confond avec le laid ;
considérant en même temps que celui qui se met en faute à mon égard se
trouve, par le décret de la nature, être de ma famille, non pas qu’il vienne
d’un même sang et d’une même souche, mais parce qu’il participe aussi
bien que moi à l’intelligence et à l’héritage divin, je me dis deux choses :
d’abord que nul d’entre ces gens ne peut me faire le moindre tort, puisque
aucun ne peut me faire tomber dans le mal et le laid ; et en second lieu,
que je ne puis éprouver ni de la colère ni de la haine contre un membre de
la famille à laquelle j’appartiens moi-même. Nous sommes tous faits pour
concourir à une œuvre commune, comme dans notre corps y concourent
les pieds, les mains, les yeux, les rangées de nos dents en haut et en bas de
la mâchoire. Agir les uns contre les autres est donc certainement manquer
à l’ordre naturel. Or, c’est agir en ennemi que de se laisser aller à son dépit
et à son aversion contre un de ses semblables.
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