HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

LUCIEN, Comment faut-il écrire l'histoire?

ἐπὶ



Texte grec :

[38] Μάλιστα δὲ καὶ πρὸ τῶν πάντων ἐλεύθερος ἔστω τὴν γνώμην καὶ μήτε φοβείσθω μηδένα μήτε ἐλπιζέτω μηδέν, (50) ἐπεὶ ὅμοιος ἔσται τοῖς φαύλοις δικασταῖς πρὸς χάριν ἢ πρὸς ἀπέχθειαν ἐπὶ μισθῷ δικάζουσιν. Ἀλλὰ μὴ μελέτω αὐτῷ μήτε Φίλιππος ἐκκεκομμένος τὸν ὀφθαλμὸν ὑπὸ Ἀστέρος τοῦ Ἀμφιπολίτου τοῦ τοξότου ἐν Ὀλύνθῳ, ἀλλὰ τοιοῦτος οἷος ἦν δειχθήσεται• μήτ᾽ εἰ Ἀλέξανδρος ἀνιάσεται ἐπὶ τῇ Κλείτου σφαγῇ ὠμῶς ἐν τῷ συμποσίῳ γενομένῃ, εἰ σαφῶς ἀναγράφοιτο• οὐδὲ Κλέων αὐτὸν φοβήσει μέγα ἐν τῇ ἐκκλησίαι δυνάμενος καὶ κατέχων τὸ βῆμα, ὡς μὴ εἰπεῖν ὅτι ὀλέθριος καὶ μανικὸς ἄνθρωπος οὗτος ἦν• οὐδὲ ἡ σύμπασα πόλις τῶν Ἀθηναίων, ἢν τὰ ἐν Σικελίᾳ κακὰ ἱστορῇ καὶ τὴν Δημοσθένους λῆψιν (51) καὶ τὴν Νικίου τελευτὴν καὶ ὡς ἐδίψων καὶ οἷον τὸ ὕδωρ ἔπιναν καὶ ὡς ἐφονεύοντο πίνοντες οἱ πολλοί, ἡγήσεται γὰρ — ὅπερ δικαιότατον — ὑπ᾽ οὐδενὸς τῶν νοῦν ἐχόντων αὐτὸς ἕξειν τὴν αἰτίαν, ἢν τὰ δυστυχῶς ἢ ἀνοήτως γεγενημένα ὡς ἐπράχθη διηγῆται• οὐ γὰρ ποιητὴς αὐτῶν, ἀλλὰ μηνυτὴς ἦν. Ὥστε κἂν καταναυμαχῶνται τότε, οὐκ ἐκεῖνος ὁ καταδύων ἐστί, κἂν φεύγωσιν, οὐκ ἐκεῖνος ὁ διώκων, ἐκτὸς εἰ μή, εὔξασθαι δέον, παρέλειπεν• ἐπεί τοί γε εἰ σιωπήσας αὐτὰ ἢ πρὸς τοὐναντίον εἰπὼν ἐπανορθώσασθαι ἐδύνατο, ῥᾷστον ἦν ἑνὶ καλάμῳ λεπτῷ τὸν Θουκυδίδην ἀνατρέψαι μὲν τὸ ἐν ταῖς Ἐπιπολαῖς παρατείχισμα, (52) καταδῦσαι δὲ τὴν Ἑρμοκράτους τριήρη καὶ τὸν κατάρατον Γύλιππον διαπεῖραι μεταξὺ ἀποτειχίζοντα καὶ ἀποταφρεύοντα τὰς ὁδούς, καὶ τέλος Συρακουσίους μὲν ἐς τὰς λιθοτομίας ἐμβαλεῖν, τοὺς δὲ Ἀθηναίους περιπλεῖν Σικελίαν καὶ Ἰταλίαν μετὰ τῶν πρώτων τοῦ Ἀλκιβιάδου ἐλπίδων. Ἀλλ᾽, οἶμαι, τὰ μὲν πραχθέντα οὐδὲ Κλωθὼ ἂν ἔτι ἀνακλώσειεν οὐδὲ Ἄτροπος μετατρέψειε.

Traduction française :

[38] Mais il faut, avant tout, que l'historien soit libre dans ses opinions, qu'il ne craigne personne, qu'il n'espère rien. Autrement, il ressemblerait à ces juges corrompus qui, pour un salaire, prononcent des arrêts dictés par la faveur ou la haine. Qu'il ne s'embarrasse pas de ce que Philippe a eu l'oeil crevé par Aster, archer d'Amphipolis, sous les murs d'Olynthe, mais qu'il nous le montre borgne comme il était. Il ne doit pas s'attendrir s'il représente au vif Alexandre tuant cruellement Clitus à l'issue d'un festin. Il n'aura pas peur de dire que Cléon, ce souverain des assemblées, ce maître absolu de la tribune, était un homme dangereux et forcené. Il ne redoutera pas la République entière d'Athènes, s'il raconte les désastres de Sicile, la captivité de Démosthène, la mort de Nicias, comment les soldats eurent soif, comment ils se mirent à boire, comment, en buvant, une foule d'entre eux furent taillés en pièces. En effet, il doit croire, ce qui est juste, que nul homme sensé ne lui reprochera de raconter, telle qu'elle a eu lieu, une entreprise malheureuse ou mal concertée. L'historien n'est pas poète, il est narrateur, et, lorsque les Athéniens sont vaincus dans un combat naval, ce n'est pas lui qui coule les vaisseaux. S'ils prennent la fuite, ce n'est pas lui qui les poursuit. Tout au plus lui reprocherait-on de n'avoir pas fait de voeux, l'occasion s'en étant offerte. Cependant, s'il était permis à l'historien de taire les événements malheureux ou de les corriger à son gré, il eût été facile à Thucydide de renverser d'un trait de plume la fortification des Epipoles, de couler la galère d'Hermocrate, et de transpercer l'infâme Gylippe au moment où il interceptait les passages et coupait les communications. Enfin, il pouvait jeter les Syracusains dans les arrières et faire voyager les Athéniens autour de la Sicile et de l'Italie, pour réaliser les espérances d'Alcibiade. Mais je ne crois pas que Clotho puisse dévider de nouveau le passé, ni qu'Atropos en reprenne le fil.





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Dernière mise à jour : 15/07/2005