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[0] ΔΙΣ ΚΑΤΗΓΟΡΟΥΜΕΝΟΣ.
| [0] LA DOUBLE ACCUSATION OU LES JUGEMENTS.
| [1] ΖΕΥΣ.
Ἀλλ´ ἐπιτριβεῖεν ὁπόσοι τῶν φιλοσόφων
παρὰ μόνοις τὴν εὐδαιμονίαν φασὶν εἶναι τοῖς
θεοῖς. εἰ γοῦν ᾔδεσαν ὁπόσα τῶν ἀνθρώπων ἕνεκα
πάσχομεν, οὐκ ἂν ἡμᾶς τοῦ νέκταρος ἢ τῆς
ἀμβροσίας ἐμακάριζον Ὁμήρῳ πιστεύσαντες
ἀνδρὶ τυφλῷ καὶ γόητι, μάκαρας ἡμᾶς καλοῦντι
καὶ τὰ ἐν οὐρανῷ διηγουμένῳ, ὃς οὐδὲ τὰ ἐν τῇ
γῇ καθορᾶν ἐδύνατο. αὐτίκα γέ τοι ὁ μὲν Ἥλιος
οὑτοσὶ ζευξάμενος τὸ ἅρμα πανήμερος τὸν οὐρανὸν
περιπολεῖ πῦρ ἐνδεδυκὼς καὶ τῶν ἀκτίνων
ἀποστίλβων, οὐδ´ ὅσον κνήσασθαι τὸ οὖς, φασί,
σχολὴν ἄγων· ἢν γάρ τι κἂν ὀλίγον ἐπιρρᾳθυμήσας
λάθῃ, ἀφηνιάσαντες οἱ ἵπποι καὶ τῆς ὁδοῦ
παρατραπόμενοι κατέφλεξαν τὰ πάντα. ἡ Σελήνη
δὲ ἄγρυπνος καὶ αὐτὴ περίεισιν φαίνουσα
τοῖς κωμάζουσιν καὶ τοῖς ἀωρὶ ἀπὸ τῶν δείπνων
ἐπανιοῦσιν. ὁ Ἀπόλλων τε αὖ πολυπράγμονα τὴν
τέχνην ἐπανελόμενος ὀλίγου δεῖν τὰ ὦτα ἐκκεκώφηται
πρὸς τῶν ἐνοχλούντων κατὰ χρείαν τῆς
μαντικῆς, καὶ ἄρτι μὲν αὐτῷ ἐν Δελφοῖς ἀναγκαῖον
εἶναι, μετ´ ὀλίγον δὲ εἰς Κολοφῶνα θεῖ,
κἀκεῖθεν εἰς Ξάνθον μεταβαίνει καὶ δρομαῖος
αὖθις εἰς Δῆλον ἢ εἰς Βραγχίδας· καὶ ὅλως ἔνθα
ἂν ἡ πρόμαντις πιοῦσα τοῦ ἱεροῦ νάματος καὶ
μασησαμένη τῆς δάφνης καὶ τὸν τρίποδα διασείσασα
κελεύῃ παρεῖναι, ἄοκνον χρὴ αὐτίκα
μάλα παρεστάναι συνείροντα τοὺς χρησμοὺς ἢ
οἴχεσθαί οἱ τὴν δόξαν τῆς τέχνης. ἐῶ γὰρ
λέγειν ὁπόσα ἐπὶ πείρᾳ τῆς μαντικῆς ἐπιτεχνῶνται
αὐτῷ ἄρνεια κρέα καὶ χελώνας εἰς τὸ αὐτὸ
ἕψοντες, ὥστε εἰ μὴ τὴν ῥῖνα ὀξὺς ἦν, κἂν
ἀπῆλθεν αὐτοῦ ὁ Λυδὸς καταγελῶν. ὁ μὲν γὰρ
Ἀσκληπιὸς ὑπὸ τῶν νοσούντων ἐνοχλούμενος
"ὁρῇ τε δεινὰ θιγγάνει τε ἀηδέων ἐπ´ ἀλλοτρίῃσί
τε συμφορῇσιν ἰδίας καρποῦται λύπας." τί γὰρ
ἂν ἢ τοὺς Ἀνέμους φυτουργοῦντας λέγοιμι καὶ
παραπέμποντας τὰ πλοῖα καὶ τοῖς λικμῶσιν
ἐπιπνέοντας, ἢ τὸν Ὕπνον ἐπὶ πάντας πετόμενον,
ἢ τὸν Ὄνειρον μετὰ τοῦ Ὕπνου διανυκτερεύοντα
καὶ ὑποφητεύοντα αὐτῷ; πάντα γὰρ ταῦτα ὑπὸ
φιλανθρωπίας οἱ θεοὶ πονοῦσιν, πρὸς τὸν ἐπὶ τῆς
γῆς βίον ἕκαστος συντελοῦντες.
| [1] JUPITER. Mais on n'écrasera donc pas tous ces
philosophes qui prétendent qu'il n'y a de bonheur que pour les
dieux ? S'ils avaient tous nos ennuis à propos des hommes, ils
ne nous croiraient pas si heureux avec notre nectar et notre
ambroisie ; ils ne s'en rapporteraient pas à Homère, vieillard
aveugle, espèce d'enchanteur qui nous appelle bienheureux,
raconte tout ce qui se passe dans le ciel, et ne voyait rien de
ce qui a lieu sur la terre. Cependant le Soleil n'a pas plus tôt
attelé son char, qu'il est occupé toute la journée à faire le tour
du ciel : revêtu de feux, il lance continuellement ses rayons, et
n'a pas le temps, comme on dit, de se gratter l'oreille. Si, en
effet, dans un moment d'oubli, il se relâchait de sa vigilance,
ses chevaux, emportés et jetés hors de la voie, mettraient le
feu partout. La Lune, qui ne dort jamais, entre à son tour dans
la carrière pour éclairer ceux qui se livrent à la débauche ou
qui reviennent de souper à une heure indue. D'un autre côté,
Apollon, grâce à la profession compliquée qu'il a choisie, a les
oreilles presque rompues par tous les importuns qui viennent
lui demander des oracles. Tantôt il faut qu'il se trouve à
Delphes ; un instant après il court à Colophon ; de là il
passe à Xanthe, puis il galope à Claros, à Délos ou chez les
Branchides ; partout, en un mot, où la prêtresse, après avoir bu
l'eau sacrée et mâché le laurier, s'agite sur le trépied et
ordonne au dieu de paraître, il doit arriver sans se faire
attendre et mettre bout à bout ses oracles, sous peine de
compromettre tout le crédit de son métier. Je ne parle pas de
toutes les embûches qu'on lui tend pour éprouver son talent
divinatoire ; des chairs de mouton qu'on fait cuire avec des
tortues, de sorte que, s'il n'avait eu le nez fin, le Lydien s'en
allait en se moquant de lui, Esculape, assourdi par les
malades, ne voit, ne touche qu'objets rebutants et
désagréables : l'intérêt qu'il prend aux maux d'autrui ne lui
produit que des chagrins personnels. Que dirai-je des
Vents, occupés à faire pousser les plantes, à faire avancer les
navires, à souffler pour aider les vanneurs ? Parlerai-je du
Sommeil, qui vole vers tous les hommes ; du Songe qui
chaque nuit, accompagne le Sommeil et lui fournit un présage ?
Tels sont, pourtant, tous les travaux que les dieux endurent
par philanthropie et pour faciliter la vie terrestre à chacun des
hommes.
| [2] Καίτοι τὰ μὲν τῶν ἄλλων μέτρια· ἐγὼ δὲ αὐτὸς
ὁ πάντων βασιλεὺς καὶ πατὴρ ὅσας μὲν ἀηδίας
ἀνέχομαι, ὅσα δὲ πράγματα ἔχω πρὸς τοσαύτας
φροντίδας διῃρημένος· ᾧ πρῶτα μὲν τὰ τῶν
ἄλλων θεῶν ἔργα ἐπισκοπεῖν ἀναγκαῖον ὁπόσοι
τι ἡμῖν συνδιαπράττουσι τῆς ἀρχῆς, ὡς μὴ βλακεύωσιν
ἐν αὐτοῖς, ἔπειτα δὲ καὶ αὐτῷ μυρία
ἄττα πράττειν καὶ σχεδὸν ἀνέφικτα ὑπὸ λεπτότητος·
οὐ γὰρ μόνον τὰ κεφάλαια ταῦτα τῆς
διοικήσεως, ὑετοὺς καὶ χαλάζας καὶ πνεύματα
καὶ ἀστραπὰς αὐτὸς οἰκονομησάμενος καὶ διατάξας
πέπαυμαι τῶν ἐπὶ μέρους φροντίδων ἀπηλλαγμένος,
ἀλλά με δεῖ καὶ ταῦτα μὲν ποιεῖν
ἀποβλέπειν δὲ κατὰ τὸν αὐτὸν χρόνον ἁπανταχόσε
καὶ πάντα ἐπισκοπεῖν ὥσπερ τὸν ἐν τῇ Νεμέᾳ
βουκόλον, τοὺς κλέπτοντας, τοὺς ἐπιορκοῦντας,
τοὺς θύοντας, εἴ τις ἔσπεισε, πόθεν ἡ κνῖσα καὶ
ὁ καπνὸς ἀνέρχεται, τίς νοσῶν ἢ πλέων ἐκάλεσεν,
καὶ τὸ πάντων ἐπιπονώτατον, ὑφ´ ἕνα καιρὸν ἔν
τε Ὀλυμπίᾳ τῇ ἑκατόμβῃ παρεῖναι καὶ ἐν Βαβυλῶνι
τοὺς πολεμοῦντας ἐπισκοπεῖν καὶ ἐν
Γέταις χαλαζᾶν καὶ ἐν Αἰθίοψιν εὐωχεῖσθαι.
Τὸ δὲ μεμψίμοιρον οὐδὲ οὕτω διαφυγεῖν ῥᾴδιον,
ἀλλὰ πολλάκις οἱ μὲν ἄλλοι θεοί τε καὶ ἀνέρες
ἱπποκορυσταὶ εὕδουσι παννύχιοι, τὸν Δία δὲ ἐμὲ
οὐκ ἔχει νήδυμος ὕπνος· ἢν γάρ τί που καὶ
μικρὸν ἐπινυστάσωμεν, ἀληθὴς εὐθὺς ὁ Ἐπίκουρος,
ἀπρονοήτους ἡμᾶς ἀποφαίνων τῶν ἐπὶ γῆς
πραγμάτων. καὶ ὁ κίνδυνος οὐκ εὐκαταφρόνητος
εἰ ταῦτα οἱ ἄνθρωποι πιστεύσουσιν αὐτῷ, ἀλλ´
ἀστεφάνωτοι μὲν ἡμῖν οἱ ναοὶ ἔσονται, ἀκνίσωτοι
δὲ αἱ ἀγυιαί, ἄσπονδοι δὲ οἱ κρατῆρες, ψυχροὶ δὲ
οἱ βωμοί, καὶ ὅλως ἄθυτα καὶ ἀκαλλιέρητα
πάντα καὶ ὁ λιμὸς πολύς. τοιγαροῦν ὥσπερ οἱ
κυβερνῆται ὑψηλὸς μόνος ἐπὶ τῆς πρύμνης
ἕστηκα τὸ πηδάλιον ἔχων ἐν ταῖν χεροῖν, καὶ οἱ
μὲν ἐπιβάται μεθύοντες εἰ τύχοι ἐγκαθεύδουσιν,
ἐγὼ δὲ ἄγρυπνος καὶ ἄσιτος ὑπὲρ ἁπάντων
"μερμηρίζω κατὰ φρένα καὶ κατὰ θυμὸν" μόνῳ
τῷ δεσπότης εἶναι δοκεῖν τετιμημένος.
| [2] Mais ces occupations ne sont rien, comparées aux miennes.
Souverain et père de l'univers, que de désagréments n'ai-je
pas à supporter ! Que d'affaires sur les bras ! Que de soucis
m'accablent ! D'abord, il est nécessaire que je veille sur la
besogne des autres dieux qui gouvernent avec moi quelque
partie de mon empire, afin qu'ils ne négligent pas leurs devoirs ;
puis viennent mille affaires que je dois faire par moi-même, et
que leur minutie rend presque impossibles. En effet, quand j'ai
vaqué aux soins de la haute administration, dispensé et réglé
les pluies, les grêles, les vents, les éclairs, je ne suis point
encore tranquille ni délivré des occupations qui m'incombent : il
faut encore que je m'y astreigne, que je jette les yeux de tous
les côtés à la fois, que j'examine tout, comme le berger de
Némée, les voleurs, les parjures, les sacrificateurs, si l'on
fait une libation, d'où vient l'odeur de la graisse, par où monte
la fumée, qui m'appelle, un malade ou un matelot ? Mais le
plus fatigant, c'est, dans le même moment, d'assister à une
hécatombe à Olympie, de regarder des combattants à
Babylone, de grêler chez les Gètes et de banqueter chez les
Éthiopiens. Encore n'est-il pas aisé de se dérober par là aux
reproches.
"Les dieux peuvent dormir durant la nuit entière"
Ainsi que les guerriers au panache ondoyant ;
Mais, moi, le doux sommeil fuit loin de ma paupière,
Et Jupiter ne peut reposer un instant.
Car si j'avais le malheur de clore l'œil une seule minute, le
véridique Épicure ne manquerait pas de démontrer que notre
providence ne règle pas les choses de la terre. Or, ce n'est pas
un petit danger, si les hommes viennent à le croire : nos
temples cessent d'être couronnés de fleurs ; les rues ne
sentent plus la graisse ; les coupes ne versent plus de libations
; les autels sont froids ; plus de victimes, plus d'offrandes ;
famine complète ! C'est pour éviter ce malheur qu'en bon pilote
je suis assis, seul debout, à la poupe, le gouvernail en main.
Les autres passagers s'enivrent, s'il leur plaît, ou dorment
tranquilles ; moi, l'œil toujours ouvert et le ventre vide,
"J'ai l'esprit et le cœur en proie aux noirs soucis"
le tout pour paraître honoré comme un maître.
| [3] ὥστε ἡδέως ἂν ἐροίμην τοὺς φιλοσόφους, οἳ μόνους
τοὺς θεοὺς εὐδαιμονίζουσιν, πότε καὶ σχολάζειν
ἡμᾶς τῷ νέκταρι καὶ τῇ ἀμβροσίᾳ νομίζουσι μυρία
ὅσα ἔχοντας πράγματα.
Ἰδού γέ τοι ὑπ´ ἀσχολίας τοσαύτας ἑώλους
δίκας φυλάττομεν ἀποκειμένας ὑπ´ εὐρῶτος ἤδη
καὶ ἀραχνίων διεφθαρμένας, καὶ μάλιστα ὁπόσαι
ταῖς ἐπιστήμαις καὶ τέχναις πρὸς ἀνθρώπους
τινὰς συνεστᾶσιν, πάνυ παλαιὰς ἐνίας αὐτῶν.
οἱ δὲ κεκράγασιν ἁπανταχόθεν καὶ ἀγανακτοῦσιν
καὶ τὴν δίκην ἐπιβοῶνται κἀμὲ τῆς βραδυτῆτος
αἰτιῶνται, ἀγνοοῦντες ὡς οὐκ ὀλιγωρίᾳ τὰς κρίσεις
ὑπερημέρους συνέβη γενέσθαι, ἀλλ´ ὑπὸ τῆς
εὐδαιμονίας ᾗ συνεῖναι ἡμᾶς ὑπολαμβάνουσιν.
τοῦτο γὰρ τὴν ἀσχολίαν καλοῦσιν.
| [3] Je demanderais donc volontiers à ces philosophes, qui
prêtent aux dieux un bonheur imaginaire, s'ils pensent que
nous avons le temps de nous amuser au nectar et à
l'ambroisie, avec ces milliers d'occupations. Aussi, le peu de
loisir qui me reste est cause que j'ai là en réserve un tas de
vieux procès, tout moisis et abîmés de toiles d'araignées. La
plupart, et ce sont les plus anciens, ont été intentés par les arts
et les sciences contre quelques mortels. Cependant on crie
après moi de toutes parts ; on se fâche, on demande justice,
on m'accuse de lenteur, et l'on ne sait pas que, si le jugement
a été différé, ce n'est point à ma paresse qu'il faut l'imputer,
mais à la félicité qu'on nous reproche, car c'est ainsi qu'on
appelle nos occupations.
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