Texte grec :
[26] ΑΧΙΛΕΩΣ ΚΑΙ ΑΝΤΙΛΟΧΟΥ
<1> ΑΝΤΙΛΟΧΟΣ
Οἷα πρῴην͵ Ἀχιλλεῦ͵ πρὸς τὸν Ὀδυσσέα σοι εἴρηται περὶ τοῦ
θανάτου͵ ὡς ἀγεννῆ καὶ ἀνάξια τοῖν διδασκάλοιν ἀμφοῖν͵ Χείρωνός τε καὶ
Φοίνικος. ἠκροώμην γάρ͵ ὁπότε ἔφης βούλεσθαι ἐπάρουρος ὢν θητεύειν
παρά τινι τῶν ἀκλήρων͵ ᾧ μὴ βίοτος πολὺς εἴη͵ μᾶλλον ἢ πάντων
ἀνάσσειν τῶν νεκρῶν. ταῦτα μὲν οὖν ἀγεννῆ τινα Φρύγα δειλὸν καὶ πέρα
τοῦ καλῶς ἔχοντος φιλόζῳον ἴσως ἐχρῆν λέγειν͵ τὸν Πηλέως δὲ υἱόν͵ τὸν
φιλοκινδυνότατον ἡρώων ἁπάντων͵ ταπεινὰ οὕτω περὶ αὑτοῦ διανοεῖσθαι
πολλὴ αἰσχύνη καὶ ἐναντιότης πρὸς τὰ πεπραγμένα σοι ἐν τῷ βίῳ͵ ὃς ἐξὸν
ἀκλεῶς ἐν τῇ Φθιώτιδι πολυχρόνιον βασιλεύειν͵ ἑκὼν προείλου τὸν μετὰ
τῆς ἀγαθῆς δόξης θάνατον.
ΑΧΙΛΛΕΥΣ
<2> Ὦ παῖ Νέστορος͵ ἀλλὰ τότε μὲν ἄπειρος ἔτι τῶν ἐνταῦθα ὢν καὶ
τὸ βέλτιον ἐκείνων ὁπότερον ἦν ἀγνοῶν τὸ δύστηνον ἐκεῖνο δοξάριον
προετίμων τοῦ βίου͵ νῦν δὲ συνίημι ἤδη ὡς ἐκείνη μὲν ἀνωφελής͵ εἰ καὶ
ὅτι μάλιστα οἱ ἄνω ῥαψῳδήσουσιν. μετὰ νεκρῶν δὲ ὁμοτιμία͵ καὶ οὔτε τὸ
κάλλος ἐκεῖνο͵ ὦ Ἀντίλοχε͵ οὔτε ἡ ἰσχὺς πάρεστιν͵ ἀλλὰ κείμεθα ἅπαντες
ὑπὸ τῷ αὐτῷ ζόφῳ ὅμοιοι καὶ κατ΄ οὐδὲν ἀλλήλων διαφέροντες͵ καὶ οὔτε
οἱ τῶν Τρώων νεκροὶ δεδίασίν με οὔτε οἱ τῶν Ἀχαιῶν θεραπεύουσιν͵
ἰσηγορία δὲ ἀκριβὴς καὶ νεκρὸς ὅμοιος͵ ἠμὲν κακὸς ἠδὲ καὶ ἐσθλός. ταῦτά
με ἀνιᾷ καὶ ἄχθομαι͵ ὅτι μὴ θητεύω ζῶν.
ΑΝΤΙΛΟΧΟΣ
<3> Ὅμως τί οὖν ἄν τις πάθοι͵ ὦ Ἀχιλλεῦ; ταῦτα γὰρ ἔδοξε τῇ φύσει͵
πάντως ἀποθνήσκειν ἅπαντας͵ ὥστε χρὴ ἐμμένειν τῷ νόμῳ καὶ μὴ
ἀνιᾶσθαι τοῖς διατεταγμένοις. ἄλλως τε ὁρᾷς τῶν ἑταίρων ὅσοι περὶ σέ
ἐσμεν οἵδε· μετὰ μικρὸν δὲ καὶ Ὀδυσσεὺς ἀφίξεται πάντως. φέρει δὲ
παραμυθίαν καὶ ἡ κοινωνία τοῦ πράγματος καὶ τὸ μὴ μόνον αὐτὸν
πεπονθέναι. ὁρᾷς τὸν Ἡρακλέα καὶ τὸν Μελέαγρον καὶ ἄλλους
θαυμαστοὺς ἄνδρας͵ οἳ οὐκ ἂν οἶμαι δέξαιντο ἀνελθεῖν͵ εἴ τις αὐτοὺς
ἀναπέμψειε θητεύσοντας ἀκλήροις καὶ ἀβίοις ἀνδράσιν.
ΑΧΙΛΛΕΥΣ
<4> Ἑταιρικὴ μὲν ἡ παραίνεσις͵ ἐμὲ δὲ οὐκ οἶδ΄ ὅπως ἡ μνήμη τῶν
παρὰ τὸν βίον ἀνιᾷ͵ οἶμαι δὲ καὶ ὑμῶν ἕκαστον· εἰ δὲ μὴ ὁμολογεῖτε͵ ταύτῃ
χείρους ἐστὲ καθ΄ ἡσυχίαν αὐτὸ πάσχοντες.
ΑΝΤΙΛΟΧΟΣ
Οὔκ͵ ἀλλ΄ ἀμείνους͵ ὦ Ἀχιλλεῦ· τὸ γὰρ ἀνωφελὲς τοῦ λέγειν ὁρῶμεν·
σιωπᾶν γὰρ καὶ φέρειν καὶ ἀνέχεσθαι δέδοκται ἡμῖν͵ μὴ καὶ γέλωτα
ὄφλωμεν ὥσπερ σὺ τοιαῦτα εὐχόμενος.
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Traduction française :
[26] ACHILLE ET ANTILOQUE.
1. ANTILOQUE. Quels propos, Achille, tu tenais avant-hier à
Ulysse au sujet de la mort ! Qu'ils étaient bas et indignes
de tes maîtres, Chiron et Phénix ! Je t'ai entendu dire que
tu aimerais mieux travailler à la terre, comme un
mercenaire, auprès de quelque colon indigent, que de
régner sur tous les morts. Un lâche et vil Phrygien, attaché
moins à la vertu qu'à la vie, pourrait tenir un semblable
langage ; mais que le fils de Pélée, le plus intrépide de tous
les héros, conçoive d'aussi basses pensées, c'est le comble
de la honte ; c'est un démenti donné à ta vie tout entière,
puisque pouvant régner sans gloire pendant de longs jours
en Phthiotide, tu préféras un trépas glorieux.
2. ACHILLE. Hélas ! fils de Nestor, je ne savais pas ce que
sont les enfers ; et ne pouvant juger lequel des deux vaut
le mieux, j'ai préféré une misérable gloriole à la vie.
Aujourd'hui je sais ce qu'il en est, combien cette gloire est
inutile ; et malgré ce que chantent là-haut tous ces
rhapsodes, les morts sont tous égaux. Notre beauté,
Antiloque, notre force ne nous suit pas ici ; nous sommes
campés, tous semblables dans les mêmes ténèbres, sans
que rien nous distingue. Les ombres des Troyens ne me
craignent plus, celles des Grecs ne s’inclinent plus devant
moi ; l'égalité est complète, et un mort est semblable à un
mort, qu'il ait été lâche ou brave. Voilà ce qui me chagrine,
voilà ce qui me réduit au désespoir et me fait désirer de
vivre mercenaire.
3. ANTILOQUE. Et rependant qu'y faire, Achille ? Telle est la
loi de la nature, tous les hommes meurent. Le plus simple
est d'obéir à cette loi, et de ne point se chagriner des
ordres du destin. D'ailleurs, tu nous vois ici, nous tous tes
amis : Ulysse nécessairement y viendra bientôt. C'est une
consolation de partager le même sort et de n'être pas seul
à le subir. Tu vois Hercule, Méléagre et tous les autres
héros : je suis convaincu que nul d'entre eux ne
consentirait à remonter là-haut, si on les y renvoyait
mercenaires chez des gens misérables et sans avoir.
ACHILLE. Le conseil est d'un ami : cependant je ne sais
pourquoi le souvenir de la vie me chagrine, et je crois que
chacun de vous éprouve le même chagrin. Si vous n'en
convenez pas, c’est que vous êtes pires que moi, puisque
vous souffrez sans vous plaindre.
ANTILOQUE. Non ; mais nous valons mieux que toi, Achille.
Nous voyons qu'il est inutile de rien dire, et alors nous
prenons le parti de nous taire, de nous résigner et de souffrir afin
de ne pas prêter à rire, comme toi, en formant de pareils vœux.
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