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[21] (ΕΡΜΗΣ)
Ὦ μακάριε, οὐκ οἶσθα ὅπως αὐτοὺς ἡ ἄγνοια
καὶ ἡ ἀπάτη διατεθείκασιν, ὡς μηδ´ ἂν τρυπάνῳ
ἔτι διανοιχθῆναι αὐτοῖς τὰ ὦτα, τοσούτῳ κηρῷ
ἔβυσαν αὐτά, οἷόν περ ὁ Ὀδυσσεὺς τοὺς ἑταίρους
ἔδρασε δέει τῆς Σειρήνων ἀκροάσεως. πόθεν οὖν
ἂν ἐκεῖνοι δυνηθεῖεν ἀκοῦσαι, ἢν καὶ σὺ κεκραγὼς
διαρραγῇς; ὅπερ γὰρ παρ´ ὑμῖν ἡ Λήθη δύναται,
τοῦτο ἐνταῦθα ἡ ἄγνοια ἐργάζεται. πλὴν ἀλλὰ
εἰσὶν αὐτῶν ὀλίγοι οὐ παραδεδεγμένοι τὸν κηρὸν
ἐς τὰ ὦτα, πρὸς τὴν ἀλήθειαν ἀποκλίνοντες, ὀξὺ
δεδορκότες ἐς τὰ πράγματα καὶ κατεγνωκότες οἷά ἐστιν.
(ΧΑΡΩΝ)
Οὐκοῦν ἐκείνοις γοῦν ἐμβοήσωμεν.
(ΕΡΜΗΣ)
Περιττὸν καὶ τοῦτο, λέγειν πρὸς αὐτοὺς ἃ
ἴσασιν. ὁρᾷς ὅπως ἀποσπάσαντες τῶν πολλῶν
καταγελῶσι τῶν γιγνομένων καὶ οὐδαμῆ οὐδαμῶς
ἀρέσκονται αὐτοῖς, ἀλλὰ δῆλοί εἰσι δρασμὸν ἤδη
βουλεύοντες παρ´ ὑμᾶς ἀπὸ τοῦ βίου. καὶ γὰρ καὶ
μισοῦνται ἐλέγχοντες αὐτῶν τὰς ἀμαθίας.
(ΧΑΡΩΝ)
Εὖ γε, ὦ γεννάδαι· πλὴν πάνυ ὀλίγοι εἰσίν, ὦ Ἑρμῆ.
(ΕΡΜΗΣ)
Ἱκανοὶ καὶ οὗτοι. ἀλλὰ κατίωμεν ἤδη.
| [21] MERCURE. Mon cher, tu ne sais pas à quel point ils en sont
d'ignorance et d'erreur. Une tarière ne pourrait pas leur percer les oreilles,
tant elles sont bouchées avec de la cire, comme Ulysse ferma celles de ses
compagnons, afin qu'ils n'entendissent pas les Sirènes. Comment alors
entendraient-ils ta voix, lors même que tu crierais à te rompre ? Ce que fait
chez nous le Léthé, l'ignorance le produit chez eux. À peine y en a-t-il
quelques-uns qui, n'ayant pas mis de cire dans leurs oreilles, se dirigent
vers la vérité, voient clairement les objets et reconnaissent ce qui en est.
CHARON. Eh bien ! crions pour ceux-là !
MERCURE. Peine inutile ! à quoi bon leur dire ce qu'ils savent ! Regarde :
placés à l'écart, ils rient de tout ce qu'ils voient faire et n'en approuvent rien.
Il est même évident qu'ils songent à quelque moyen de sortir de la vie et de
venir chez nous. On les déteste, en effet, parce qu'ils reprochent aux autres
leur ignorance.
CHARON. Courage, cœurs généreux ! mais ils ne sont pas nombreux, Mercure.
MERCURE. Ils sont en nombre suffisant. Maintenant descendons.
| [22] (ΧΑΡΩΝ)
Ἓν ἔτι ἐπόθουν, ὦ Ἑρμῆ, εἰδέναι, καί μοι δείξας
αὐτὸ ἐντελῆ ἔσῃ τὴν περιήγησιν πεποιημένος, τὰς
ἀποθήκας τῶν σωμάτων, ἵνα κατορύττουσι, θεάσασθαι.
(ΕΡΜΗΣ)
Ἠρία, ὦ Χάρων, καὶ τύμβους καὶ τάφους
καλοῦσι τὰ τοιαῦτα. πλὴν τὰ πρὸ τῶν πόλεων
ἐκεῖνα τὰ χώματα ὁρᾷς καὶ τὰς στήλας καὶ πυραμίδας;
ἐκεῖνα πάντα νεκροδοχεῖα καὶ σωματοφυλάκιά ἐστιν.
(ΧΑΡΩΝ)
Τί οὖν ἐκεῖνοι στεφανοῦσι τοὺς λίθους καὶ
χρίουσι μύρῳ; οἱ δὲ καὶ πυρὰν νήσαντες πρὸ τῶν
χωμάτων καὶ βόθρον τινὰ ὀρύξαντες καίουσί τε
ταυτὶ τὰ πολυτελῆ δεῖπνα καὶ εἰς τὰ ὀρύγματα
οἶνον καὶ μελίκρατον, ὡς γοῦν εἰκάσαι, ἐγχέουσιν;
(ΕΡΜΗΣ)
Οὐκ οἶδα, ὦ πορθμεῦ, τί ταῦτα πρὸς τοὺς ἐν
Ἅιδου· πεπιστεύκασι δ´ οὖν τὰς ψυχὰς ἀναπεμπομένας
κάτωθεν δειπνεῖν μὲν ὡς οἷόν τε περιπετομένας
τὴν κνῖσαν καὶ τὸν καπνόν, πίνειν δὲ
ἀπὸ τοῦ βόθρου τὸ μελίκρατον.
(ΧΑΡΩΝ)
Ἐκείνους ἔτι πίνειν ἢ ἐσθίειν, ὧν τὰ κρανία
ξηρότατα; καίτοι γελοῖός εἰμι σοὶ λέγων ταῦτα
ὁσημέραι κατάγοντι αὐτούς. οἶσθα οὖν εἰ δύναιντ´
ἂν ἔτι ἀνελθεῖν ἅπαξ ὑποχθόνιοι γενόμενοι. ἐπεί
τοι καὶ παγγέλοια ἄν, ὦ Ἑρμῆ, ἔπασχον, οὐκ
ὀλίγα πράγματα ἔχων, εἰ ἔδει μὴ κατάγειν μόνον
αὐτούς, ἀλλὰ καὶ αὖθις ἀνάγειν πιομένους. ὦ
μάταιοι, τῆς ἀνοίας, οὐκ εἰδότες ἡλίκοις ὅροις
διακέκριται τὰ νεκρῶν καὶ τὰ ζώντων πράγματα
"καὶ οἷα τὰ παρ´ ἡμῖν ἐστι καὶ ὅτι
κάτθαν´ ὁμῶς ὅ τ´ ἄτυμβος ἀνὴρ ὅς τ´ ἔλλαχε τύμβου,
ἐν δὲ ἰῇ τιμῇ Ἶρος κρείων τ´ Ἀγαμέμνων·
Θερσίτῃ δ´ ἶσος Θέτιδος παῖς ἠϋκόμοιο
πάντες δ´ εἰσὶν ὁμῶς νεκύων ἀμενηνὰ κάρηνα,
γυμνοί τε ξηροί τε κατ´ ἀσφοδελὸν λειμῶνα".
| [22] CHARON. Ah ! Mercure, je voudrais encore savoir une chose ; lorsque
tu me l'auras apprise, ta description sera parfaite : montre-moi les lieux où
ils déposent les morts, où ils les enfouissent.
MERCURE. Ils appellent cela, Charon, des monuments, des tombeaux, des
sépulcres. Vois-tu, à l'entrée des villes, ces amas de terre, ces colonnes,
ces pyramides ? Ce sont les endroits destinés à recevoir les morts et à
garder les cadavres.
CHARON. Pourquoi donc couronnent-ils ces pierres et les frottent-ils de
parfums, tandis que d'autres, élevant un bûcher près des tombes, creusent
des fosses, y font cuire des mets splendides et y versent, si je ne me
trompe, du vin et de l'hydromel.
MERCURE. Je ne sais pas, nocher, à quoi cela peut servir, quand on est
chez Pluton. Ils s'imaginent peut-être que les âmes volent d'en bas vers les
dîners qu'on leur présente, qu'elles se régalent de la fumée des viandes et
qu'elles boivent l'hydromel répandu sur les fosses.
CHARON. Eux ! boire et manger, des crânes tout secs ! Tu te rirais de moi,
si je te parlais de cette façon, à toi qui les conduis ici tous les jours. Tu sais,
en effet, s'ils peuvent revenir, une fois descendus sous la terre. Certes, ce
serait amusant pour toi, Mercure, qui as déjà tant à faire, d'être obligé non
seulement de les amener, mais de les reconduire quand ils veulent boire.
Fous que vous êtes ! mortels insensés, qui ne voyez pas quel immense
abîme il y a entre les affaires des vivants et celles des morts, et comment
se gouverne notre empire !
"Les morts sont tous égaux, ensevelis ou non,
Qu'ils s'appellent Irus ou bien Agamemnon ;
Quoique Achille soit fils d'une belle déesse,
À côté de Thersite il se perd dans la presse;
Cadavres décharnés, tous les morts confondus,
Dans le pré d'Asphodèle errent pâles et nus".
| [23] (ΕΡΜΗΣ)
Ἡράκλεις, ὡς πολὺν τὸν Ὅμηρον ἐπαντλεῖς.
ἀλλ´ ἐπείπερ ἀνέμνησας, ἐθέλω σοι δεῖξαι τὸν
τοῦ Ἀχιλλέως τάφον. ὁρᾷς τὸν ἐπὶ τῇ θαλάττῃ;
Σίγειον μὲν ἐκεῖθέν ἐστι τὸ Τρωϊκόν· ἀντικρὺ
δὲ ὁ Αἴας τέθαπται ἐν τῷ Ῥοιτείῳ.
(ΧΑΡΩΝ)
Οὐ μεγάλοι, ὦ Ἑρμῆ, οἱ τάφοι. τὰς πόλεις δὲ
τὰς ἐπισήμους δεῖξόν μοι ἤδη, ἃς κάτω ἀκούομεν,
τὴν Νίνον τὴν Σαρδαναπάλλου καὶ Βαβυλῶνα
καὶ Μυκήνας καὶ Κλεωνὰς καὶ τὴν Ἴλιον αὐτήν·
πολλοὺς γοῦν μέμνημαι διαπορθμεύσας ἐκεῖθεν,
ὡς δέκα ὅλων ἐτῶν μὴ νεωλκῆσαι μηδὲ διαψῦξαι
τὸ σκαφίδιον.
(ΕΡΜΗΣ)
Ἡ Νίνος μέν, ὦ πορθμεῦ, ἀπόλωλεν ἤδη καὶ
οὐδὲ ἴχνος ἔτι λοιπὸν αὐτῆς, οὐδ´ ἂν εἴποις ὅπου
ποτὲ ἦν· ἡ Βαβυλὼν δέ σοι ἐκείνη ἐστὶν ἡ
εὔπυργος, ἡ τὸν μέγαν περίβολον, οὐ μετὰ πολὺ
καὶ αὐτὴ ζητηθησομένη ὥσπερ ἡ Νίνος· Μυκήνας
δὲ καὶ Κλεωνὰς αἰσχύνομαι δεῖξαί σοι, καὶ μάλιστα
τὸ Ἴλιον. ἀποπνίξεις γὰρ εὖ οἶδ´ ὅτι τὸν
Ὅμηρον κατελθὼν ἐπὶ τῇ μεγαληγορίᾳ τῶν ἐπῶν.
πλὴν ἀλλὰ πάλαι μὲν ἦσαν εὐδαίμονες, νῦν δὲ
τεθνᾶσι καὶ αὗται· ἀποθνήσκουσι γάρ, ὦ πορθμεῦ,
καὶ πόλεις ὥσπερ ἄνθρωποι, καὶ τὸ παραδοξότατον,
καὶ ποταμοὶ ὅλοι· Ἰνάχου γοῦν οὐδὲ
τάφος ἔτι ἐν Ἄργει καταλείπεται.
(ΧΑΡΩΝ)
Παπαὶ τῶν ἐπαίνων, Ὅμηρε, καὶ τῶν ὀνομάτων,
Ἴλιος ἱρὴ καὶ εὐρυάγυια καὶ ἐϋκτίμεναι Κλεωναί.
| [23] MERCURE. Par Hercule ! comme tu nous débites ton Homère ! Mais
puisque tu m'y fais songer, je veux te montrer le tombeau d'Achille.
Regarde, c'est cette éminence près de la mer, au promontoire de Sigée,
voisine de Troie. En face est le tombeau d'Ajax, sur le Rhétée.
CHARON. Bien petits tombeaux, Mercure ! Maintenant montre-moi ces
villes célèbres que nous avons entendu vanter aux Enfers, la Ninive de
Sardanapale, Babylone, Mycènes, Cléones, et surtout Ilion. Je me
souviens d'avoir passé beaucoup de morts qui venaient de ce pays-là, et
pendant dix ans je n'ai eu le temps ni de relâcher ni de radouber ma barque.
MERCURE. Ninive, cher nocher, est entièrement détruite. Il n’en reste
pas la moindre trace, et l'on ne peut dire où elle était. Babylone est ce que
tu vois, environnée de tours et s étendant sur un immense espace. Bientôt
on la cherchera dans ses ruines comme Ninive. Quant à Mycènes et
Cléones, j'aurais honte de te les faire voir, et surtout Ilion. De retour aux
Enfers, tu étranglerais peut-être Homère, pour l'exagération poétique de
ses vers. Villes autrefois florissantes, aujourd'hui elles sont mortes, car les
villes meurent, nocher, aussi bien que les hommes. Que dis-je ? Les
fleuves mêmes disparaissent, et l'on ne peut plus trouver à Argos le lit de l'Inachus.
CHARON. Pourquoi donc, Homère, ces éloges, ces épithètes pompeuses :
Ilion la divine, Ilion aux larges rues, Cléones aux beaux édifices?
| [24] ἀλλὰ μεταξὺ λόγων, τίνες ἐκεῖνοί εἰσιν
οἱ πολεμοῦντες ἢ ὑπὲρ τίνος ἀλλήλους φονεύουσιν;
(ΕΡΜΗΣ)
Ἀργείους ὁρᾷς, ὦ Χάρων, καὶ Λακεδαιμονίους
καὶ τὸν ἡμιθνῆτα ἐκεῖνον στρατηγὸν Ὀθρυάδαν
τὸν ἐπιγράφοντα τὸ τρόπαιον τῷ αὑτοῦ αἵματι.
(ΧΑΡΩΝ)
Ὑπὲρ τίνος δ´ αὐτοῖς, ὦ Ἑρμῆ, ὁ πόλεμος;
(ΕΡΜΗΣ)
Ὑπὲρ τοῦ πεδίου αὐτοῦ, ἐν ᾧ μάχονται.
(ΧΑΡΩΝ)
Ὢ τῆς ἀνοίας, οἵ γε οὐκ ἴσασιν ὅτι, κἂν ὅλην
τὴν Πελοπόννησον ἕκαστος αὐτῶν κτήσωνται,
μόγις ἂν ποδιαῖον λάβοιεν τόπον παρὰ τοῦ
Αἰακοῦ· τὸ δὲ πεδίον τοῦτο ἄλλοτε ἄλλοι γεωργήσουσι
πολλάκις ἐκ βάθρων τὸ τρόπαιον ἀνασπάσαντες
τῷ ἀρότρῳ.
(ΕΡΜΗΣ)
Οὕτω μὲν ταῦτα ἔσται· ἡμεῖς δὲ καταβάντες
ἤδη καὶ κατὰ χώραν εὐθετήσαντες αὖθις τὰ ὄρη
ἀπαλλαττώμεθα, ἐγὼ μὲν καθ´ ἃ ἐστάλην, σὺ δὲ
ἐπὶ τὸ πορθμεῖον· ἥξω δέ σοι καὶ αὐτὸς μετ´
ὀλίγον νεκροστολῶν.
(ΧΑΡΩΝ)
Εὖ γε ἐποίησας, ὦ Ἑρμῆ· εὐεργέτης εἰς ἀεὶ
ἀναγεγράψῃ, ὠνάμην γάρ τι διὰ σὲ τῆς ἀποδημίας.
—οἷά ἐστι τὰ τῶν κακοδαιμόνων ἀνθρώπων
πράγματα—βασιλεῖς, πλίνθοι χρυσαῖ, ἐπιτύμβια,
μάχαι· Χάρωνος δὲ οὐδεὶς λόγος.
| [24] Mais pendant que nous causons, quels sont ces gens qui se battent ?
pourquoi veulent-ils s’entr'égorger ?
MERCURE. Ce sont, Charon, les Argiens et les Lacédémoniens. Voici
Othryade, général de Sparte, qui, à moitié mort, inscrit de son sang sa
victoire sur un trophée.
CHARON. Et pourquoi se battent-ils, Mercure ?
MERCURE. Pour le champ même sur lequel ils combattent.
CHARON. Les fous ! Ils ne savent pas que, quand chacun d'eux
posséderait tout le Péloponnèse, à peine obtiendra-t-il d'Éaque un pied de
terre. D'autres laboureront ce champ, et la charrue détruira complètement le trophée.
MERCURE. Voilà, Charon, ce que c'est que le monde ! Redescendons
maintenant. Remettons ces montagnes à leur place, et retirons-nous. Moi,
je vais remplir ma commission. Toi, tu retournes à ta barque. Je ne tarderai
pas à te faire visite, et je t'amènerai des morts.
CHARON. Tu m'as rendu un grand service, Mercure. Je t'inscris au rang de
mes bienfaiteurs. Grâce à toi, j'ai fait un voyage utile. Pauvres humains ! Ce
ne sont chez eux que rois, briques d'or, hécatombes, combats ! Et de
Charon, pas un mot !
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