HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

LUCIEN, Contre un ignorant bibliomane

Chapitre 26-30

  Chapitre 26-30

[26] τὸ δ´ ἕτερον ῥᾴδιον, τὸ μηκέτι ὠνεῖσθαι βιβλία. ἱκανῶς πεπαίδευσαι, ἅλις σοι τῆς σοφίας. μόνον οὐκ ἐπ´ ἄκρου τοῦ χείλους ἔχεις τὰ παλαιὰ πάντα. πᾶσαν μὲν ἱστορίαν οἶσθα, πάσας δὲ λόγων τέχνας καὶ κάλλη αὐτῶν καὶ κακίας καὶ ὀνομάτων χρῆσιν τῶν Ἀττικῶν· πάνσοφόν τι χρῆμα καὶ ἄκρον ἐν παιδείᾳ γεγένησαι διὰ τὸ πλῆθος τῶν βιβλίων. κωλύει γὰρ οὐδὲν κἀμέ σοι ἐνδιατρίβειν, ἐπειδὴ χαίρεις ἐξαπατώμενος. [26] Mon second conseil est facile à suivre : n'achète plus de livres ; tu es assez savant, assez érudit ; tu as bientôt toute l'antiquité sur le bord des lèvres : tu sais toute l'histoire, tous les secrets du langage, beautés et défauts, emploi des termes attiques. Tu es devenu un miracle de sagesse et de science, grâce à ton déluge de livres : rien n'empêche, en effet, que je ne m'amuse un peu avec toi, puisque tu aimes si fort qu'on t'en impose.
[27] Ἡδέως δ´ ἂν καὶ ἐροίμην σε, τὰ τοσαῦτα βιβλία ἔχων τί μάλιστα ἀναγιγνώσκεις αὐτῶν; τὰ Πλάτωνος; τὰ Ἀντισθένους; τὰ Ἀρχιλόχου; τὰ Ἱππώνακτος; τούτων μὲν ὑπερφρονεῖς, ῥήτορες δὲ μάλιστά σοι διὰ χειρός; εἰπέ μοι, καὶ Αἰσχίνου τὸν κατὰ Τιμάρχου λόγον ἀναγιγνώσκεις; ἐκεῖνά γε πάντα οἶσθα καὶ γιγνώσκεις αὐτῶν ἕκαστον, τὸν δὲ Ἀριστοφάνην καὶ τὸν Εὔπολιν ὑποδέδυκας; ἀνέγνως καὶ τοὺς Βάπτας, τὸ δρᾶμα ὅλον; εἶτ´ οὐδέν σου τἀκεῖ καθίκετο, οὐδ´ ἠρυθρίασας γνωρίσας αὐτά; τοῦτο γοῦν καὶ μάλιστα θαυμάσειεν ἄν τις, τίνα ποτὲ ψυχὴν ἔχων ἅπτῃ τῶν βιβλίων, ὁποίαις αὐτὰ χερσὶν ἀνελίττεις. πότε δὲ ἀναγιγνώσκεις; μεθ´ ἡμέραν; ἀλλ´ οὐδεὶς ἑώρακε τοῦτο ποιοῦντα. ἀλλὰ νύκτωρ; πότερον ἐπιτεταγμένος ἤδη ἐκείνοις πρὸ τῶν λόγων; ἀλλὰ πρὸς Κότυος μηκέτι μὴ τολμήσῃς τοιοῦτο μηδέν, [27] J'apprendrai pourtant volontiers quels sont, parmi tes livres, ceux que tu lis le plus souvent. Sont-ce les écrits de Platon ou ceux d'Antisthène ? les vers d'Archiloque ou ceux d'Hipponax ? Ou bien, dédaignant ces ouvrages, prends-tu de préférence les orateurs ? Lis-tu quelquefois le discours d'Eschine contre Timarque ? Mais tu connais tout cela, n'est-ce pas. Il n'en est rien qui ne te soit familier ? Tu as lu quelque scène d'Eupolis ou d'Aristophane ? Tu as lu toute la comédie des Baptes ? Chacun des traits qui s'y trouvent ne t'a-t-il pas frappé. N'as-tu pas rougi en t'y reconnaissant ? Ce qui doit, sans doute étonner davantage, c'est qu'avec une âme comme la tienne, tu oses toucher aux livres, et avec quelles mains ? Quand lis-tu donc ? Le jour ? Jamais personne ne te l'a vu faire. La nuit ? Est-ce possible, quand tu es tendu ailleurs ? Est-ce avant qu'on allume les flambeaux, quand vient le soir ? Tu n'oserais plus alors rien faire de semblable.
[28] ἄφες δὲ τὰ βιβλία καὶ μόνα ἐργάζου τὰ σαυτοῦ. καίτοι ἐχρῆν μηκέτι μηδὲ ἐκεῖνα, αἰδεσθῆναι δὲ τὴν τοῦ Εὐριπίδου Φαίδραν καὶ ὑπὲρ τῶν γυναικῶν ἀγανακτοῦσαν καὶ λέγουσαν, οὐδὲ σκότον φρίσσουσι τὸν συνεργάτην τέρεμνά τ´ οἴκων μή ποτε φθογγὴν ἀφῇ. εἰ δὲ πάντως ἐμμένειν τῇ ὁμοίᾳ νόσῳ διέγνωσται, ἴθι, ὠνοῦ μὲν βιβλία καὶ οἴκοι κατακλείσας ἔχε καὶ καρποῦ τὴν δόξαν τῶν κτημάτων. ἱκανόν σοι καὶ τοῦτο. προσάψῃ δὲ μηδέποτε μηδὲ ἀναγνῷς μηδὲ ὑπαγάγῃς τῇ γλώττῃ παλαιῶν ἀνδρῶν λόγους καὶ ποιήματα μηδὲν δεινόν σε εἰργασμένα. Οἶδα ὡς μάτην ταῦτά μοι λελήρηται καὶ κατὰ τὴν παροιμίαν Αἰθίοπα σμήχειν ἐπιχειρῶ· σὺ γὰρ ὠνήσῃ καὶ χρήσῃ εἰς οὐδὲν καὶ καταγελασθήσῃ πρὸς τῶν πεπαιδευμένων, οἷς ἀπόχρη ὠφελεῖσθαι οὐκ ἐκ τοῦ κάλλους τῶν βιβλίων οὐδ´ ἐκ τῆς πολυτελείας αὐτῶν, ἀλλ´ ἐκ τῆς φωνῆς καὶ τῆς γνώμης τῶν γεγραφότων. [28] Laisse-moi donc les livres, et vaque à ce que tu sais bien. Et pourtant il vaudrait mieux t'en abstenir et respecter la Phèdre d'Euripide, qui s'écrie, dans son courroux contre les femmes : Elles ne craignent point les ténèbres complices, Ni des murs indignes les voix accusatrices. Si cependant tu es décidé à ne pas te guérir de cette maladie, suis ta route, achète des livres, enferme-les à clef dans ta maison, et mets ta gloire à les posséder. Cela te suffit. Mais n'y touche pas, ne lis jamais, n'applique point ta langue aux discours, aux poèmes des grands hommes de l'antiquité, qui ne t'ont fait aucun mal. Je sais bien que mes avis sont en pure perte, et, comme dit le proverbe, j'entreprends de blanchir un Éthiopien. Tu continueras d'acheter des livres, tu ne t'en serviras pas, et tu seras la risée des hommes instruits qui n'estiment pas seulement un livre pour sa beauté extérieure et sa magnificence, mais en raison du style et du sens de l'ouvrage.
[29] σὺ δὲ οἴει θεραπεύσειν τὴν ἀπαιδευσίαν καὶ ἐπικαλύψειν τῇ δόξῃ ταύτῃ καὶ ἐκπλήξειν τῷ πλήθει τῶν βιβλίων, οὐκ εἰδὼς ὅτι καὶ οἱ ἀμαθέστατοι τῶν ἰατρῶν τὸ αὐτὸ σοὶ ποιοῦσιν, ἐλεφαντίνους νάρθηκας καὶ σικύας ἀργυρᾶς ποιούμενοι καὶ σμίλας χρυσοκολλήτους· ὁπόταν δὲ καὶ χρήσασθαι τούτοις δέῃ, οἱ μὲν οὐδὲ ὅπως χρὴ μεταχειρίσασθαι αὐτὰ ἴσασιν· παρελθὼν δέ τις εἰς τὸ μέσον τῶν μεμαθηκότων φλεβότομον εὖ μάλα ἠκονημένον ἔχων ἰοῦ τἄλλα μεστὸν ἀπήλλαξε τῆς ὀδύνης τὸν νοσοῦντα. ἵνα δὲ καὶ γελοιοτέρῳ τινὶ τὰ σὰ εἰκάσω, τοὺς κουρέας τούτους ἐπίσκεψαι, καὶ ὄψει τοὺς μὲν τεχνίτας αὐτῶν ξυρὸν καὶ μαχαιρίδας καὶ κάτοπτρον σύμμετρον ἔχοντας, τοὺς δὲ ἀμαθεῖς καὶ ἰδιώτας πλῆθος μαχαιρίδων προτιθέντας καὶ κάτοπτρα μεγάλα, οὐ μὴν λήσειν γε διὰ ταῦτα οὐδὲν εἰδότας. ἀλλὰ τὸ γελοιότατον ἐκεῖνο πάσχουσιν, ὅτι κείρονται μὲν οἱ πολλοὶ παρὰ τοῖς γείτοσιν αὐτῶν, πρὸς δὲ τὰ ἐκείνων κάτοπτρα προσελθόντες τὰς κόμας εὐθετίζουσιν. [29] Tu crois, sans doute, remédier à ton ignorance, la déguiser sous l'apparence de l'érudition, nous imposer par le nombre de tes livres ; mais tu ne sais pas que les médecins les plus ignorants usent du même expédient que toi. Ils se font faire des bottes d'ivoire, des cucurbites d'argent, des lancettes historiées d'or ; puis, quand il faut s'en servir, ils ne savent pas comment les manier, tandis que le premier praticien venu, avec une lancette bien affilée, quoique couverte de rouille, délivre le malade de ses souffrances. Faisons une comparaison plus plaisante encore ; regarde-moi les barbiers : tu vois que les habiles ont un rasoir, quelques petits couteaux et un miroir à l'avenant : les ignorants, au contraire, font un grand étalage de couteaux et de miroirs énormes. Malgré cela leur maladresse n'est un secret pour personne, et ce qu'il y a d'amusant, ma foi, on va se faire raser chez leurs voisins, puis on revient se mirer dans leurs miroirs et y arranger sa coiffure.
[30] καὶ σὺ τοίνυν ἄλλῳ μὲν δεηθέντι χρήσειας ἂν τὰ βιβλία, χρήσασθαι δὲ αὐτὸς οὐκ ἂν δύναιο. καίτοι οὐδὲ ἔχρησάς τινι βιβλίον πώποτε, ἀλλὰ τὸ τῆς κυνὸς ποιεῖς τῆς ἐν τῇ φάτνῃ κατακειμένης, οὔτε αὐτὴ τῶν κριθῶν ἐσθίει οὔτε τῷ ἵππῳ δυναμένῳ φαγεῖν ἐπιτρέπει. Ταῦτα τό γε νῦν εἶναι ὑπὲρ μόνων τῶν βιβλίων παρρησιάζομαι πρὸς σέ, περὶ δὲ τῶν ἄλλων ὅσα κατάπτυστα καὶ ἐπονείδιστα ποιεῖς, αὖθις ἀκούσῃ πολλάκις. [30] Ainsi tu peux prêter des livres à d'autres, mais tu n'en saurais faire usage. Et cependant tu n'en as jamais prêté à qui que ce soit: tu es comme le chien qui, couché dans l'écurie, et ne pouvant manger d'orge, ne permet pas au cheval d'en prendre, lui qui peut en manger. Voilà, pour l'instant, ce que j'avais à te dire franchement au sujet de tes livres; quant au reste, à tes actes bas et méprisables, je t'en parlerai plus d'une fois encore.


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Dernière mise à jour : 6/10/2005