[60] Τοσούτῳ δὲ μᾶλλον προτετίμηται τὸ κάλλος παρ' ἐκείνοις
ἢ παρ' ἡμῖν ὥστε καὶ ταῖς γυναιξὶ ταῖς αὑτῶν ὑπὸ τούτου κρατουμέναις συγγνώμην
ἔχουσι, καὶ πολλὰς ἄν τις ἐπιδείξειε τῶν ἀθανάτων, αἳ θνητοῦ κάλλους ἡττήθησαν, ὧν
οὐδεμία λαθεῖν τὸ γεγενημένον ὡς αἰσχύνην ἔχον ἐζήτησεν, ἀλλ' ὡς καλῶν ὄντων τῶν
πεπραγμένων ὑμνεῖσθαι μᾶλλον ἢ σιωπᾶσθαι περὶ αὐτῶν ἠβουλήθησαν. Μέγιστον δὲ τῶν
εἰρημένων τεκμήριον. Πλείους γὰρ ἂν εὕροιμεν διὰ τὸ κάλλος ἀθανάτους γεγενημένους ἢ
διὰ τὰς ἄλλας ἀρετὰς ἁπάσας.
(61) Ὧν Ἑλένη τοσούτῳ πλέον ἔσχεν, ὅσῳ περ καὶ τὴν ὄψιν αὐτῶν διήνεγκεν. Οὐ γὰρ
μόνον ἀθανασίας ἔτυχεν, ἀλλὰ καὶ τὴν δύναμιν ἰσόθεον λαβοῦσα πρῶτον μὲν τοὺς
ἀδελφοὺς ἤδη κατεχομένους ὑπὸ τῆς πεπρωμένης εἰς θεοὺς ἀνήγαγε, βουλομένη δὲ
πιστὴν ποιῆσαι τὴν μεταβολὴν οὕτως οὕτως αὐτοῖς τὰς τιμὰς ἐναργεῖς ἔδωκεν ὥσθ'
ὁρωμένους ὑπὸ τῶν ἐν τῇ θαλάττῃ κινδυνευόντων σῴζειν, οἵτινες ἂν αὐτοὺς εὐσεβῶς
κατακαλέσωνται. (62) Μετὰ δὲ ταῦτα τοσαύτην Μενελάω χάριν ἀπέδωκεν ὑπὲρ τῶν πόνων
καὶ τῶν κινδύνων οὓς δι' ἐκείνην ὑπέμεινεν, ὥστε τοῦ γένους ἅπαντος τοῦ Πελοπιδῶν
διαφθαρέντος καὶ κακοῖς ἀνηκέστοις περιπεσόντος οὐ μόνον αὐτὸν τῶν συμφορῶν τούτων
ἀπήλλαξεν ἀλλὰ καὶ θεὸν ἀντὶ θνητοῦ ποιήσασα σύνοικον αὑτῇ καὶ πάρεδρον εἰς ἅπαντα
τὸν αἰῶνα κατεστήσατο. (63) Καὶ τούτοις ἔχω τὴν πόλιν τὴν Σπαρτιατῶν τὴν μάλιστα τὰ
παλαιὰ διασῴζουσαν ἔργῳ παρασχέσθαι μαρτυροῦσαν· ἔτι γὰρ καὶ νῦν ἐν Θεράπναις τῆς
Λακωνικῆς θυσίας αὐτοῖς ἁγίας καὶ πατρίας ἀποτελοῦσιν οὐχ ὡς ἥρωσιν ἀλλ' ὡς θεοῖς
ἀμφοτέροις οὖσιν.
(64) Ἐνεδείξατο δὲ καὶ Στησιχόρῳ τῷ ποιητῇ τὴν αὑτῆς δύναμιν· ὅτε μὲν γὰρ
ἀρχόμενος τῆς ᾠδῆς ἐβλασφήμησέ τι περὶ αὐτῆς, ἀνέστη τῶν ὀφθαλμῶν ἐστερημένος,
ἐπειδὴ δὲ γνοὺς τὴν αἰτίαν τῆς συμφορᾶς τὴν καλουμένην παλινῳδίαν ἐποίησε, πάλιν
αὐτὸν εἰς τὴν αὐτὴν φύσιν κατέστησεν. (65) Λέγουσι δέ τινες καὶ τῶν Ὁμηριδῶν ὡς
ἐπιστᾶσα τῆς νυκτὸς Ὁμήρῳ προσέταξε ποιεῖν περὶ τῶν στρατευσαμένων ἐπὶ Τροίαν,
βουλομένη τὸν ἐκείνων θάνατον ζηλωτότερον ἢ τὸν βίον τὸν τῶν ἄλλων καταστῆσαι· καὶ
μέρος μέν τι καὶ διὰ τὴν Ὁμήρου τέχνην, μάλιστα δὲ διὰ ταύτην οὕτως ἐπαφρόδιτον καὶ
παρὰ πᾶσιν ὀνομαστὴν αὐτοῦ γενέσθαι τὴν ποίησιν.
(66) Ὡς οὖν καὶ δίκην λαβεῖν καὶ χάριν ἀποδοῦναι δυναμένην, τοὺς μὲν τοῖς χρήμασι
προέχοντας ἀναθήμασι καὶ θυσίαις καὶ ταῖς ἄλλαις προσόδοις ἱλάσκεσθαι καὶ τιμᾶν αὐτὴν
χρή, τοὺς δὲ φιλοσόφους πειρᾶσθαί τι λέγειν περὶ αὐτῆς ἄξιον τῶν ὑπαρχόντων ἐκείνῃ·
τοῖς γὰρ πεπαιδευμένοις πρέπει τοιαύτας ποιεῖσθαι τὰς ἀπαρχάς.
(67) Πολὺ δὲ πλείω τὰ παραλελειμμένα τῶν εἰρημένων ἐστίν. Χωρὶς γὰρ τεχνῶν καὶ
φιλοσοφιῶν καὶ τῶν ἄλλων ὠφελειῶν, ἃς ἔχοι τις ἂν εἰς ἐκείνην καὶ τὸν πόλεμον τὸν
Τρωϊκὸν ἀνενεγκεῖν, δικαίως ἂν καὶ τοῦ μὴ δουλεύειν ἡμᾶς τοῖς βαρβάροις Ἑλένην αἰτίαν
εἶναι νομίζοιμεν. Εὑρήσομεν γὰρ τοὺς Ἕλληνας δι' αὐτὴν ὁμονοήσαντας καὶ κοινὴν
στρατείαν ἐπὶ τοὺς βαρβὰρους ποιησαμένους, καὶ τότε πρῶτον τὴν Εὐρώπην τῆς Ἀσίας
τρόπαιον στήσασαν· (68) ἐξ ὧν τοσαύτης μεταβολῆς ἐτύχομεν ὥστε τὸν μὲν ἐπέκεινα
χρόνον οἱ δυστυχοῦντες ἐν τοῖς βαρβάροις τῶν Ἑλληνίδων πόλεων ἄρχειν ἠξίουν, καὶ
Δαναὸς μὲν ἐξ Αἰγύπτου φυγὼν Ἄργος κατέσχε, Κάδμος δὲ Σιδώνιος Θηβῶν ἐβασίλευσε,
Κᾶρες δὲ τὰς νήσους κατῴκουν, Πελοποννήσου δὲ συμπάσης ὁ Ταντάλου Πέλοψ
ἐκράτησεν, μετὰ δ' ἐκεῖνον τὸν πόλεμον τοσαύτην ἐπίδοσιν τὸ γένος ἡμῶν ἔλαβεν ὥστε καὶ
πόλεις μεγάλας καὶ χώραν πολλὴν ἀφελέσθαι τῶν βαρβάρων. (69) Ἢν οὖν τινὲς βούλωνται
ταῦτα διεργάζεσθαι καὶ μηκύνειν, οὐκ ἀπορήσουσιν ἀφορμῆς, ὅθεν Ἑλένην ἔξω τῶν
εἰρημένων ἕξουσιν ἐπαινεῖν, ἀλλὰ πολλοῖς καὶ καινοῖς λόγοις ἐντεύξονται περὶ αὐτῆς.
| [60] La beauté est encore plus honorée
chez les dieux que chez les hommes; elle l'est à un tel point que les premiers
pardonnent même à leurs compagnes de se laisser vaincre par elle : et nous pourrions
nommer ici un grand nombre de déesses qui ont été subjuguées par la beauté d'un
mortel, sans qu'aucune ait jamais cherché à cacher sa défaite comme un acte honteux.
Que dis-je? toutes ont voulu que la poésie célébrât leurs entraînements comme des faits
glorieux, plutôt que de les ensevelir dans le silence. La preuve la plus grande de la vérité
de mes assertions, c'est que la beauté a fait obtenir le don de l'immortalité à un plus
grand nombre de mortels que tous les autres avantages.
(61) 27. Ces avantages, Hélène les a possédés dans un degré proportionné à la
supériorité de ses charmes. Elle n'a pas seulement obtenu l'immortalité pour elle-même,
mais, exerçant une puissance égale à celle de la divinité, elle a d'abord placé parmi les
dieux ses frères, qui avaient déjà subi l'arrêt de la destinée; et, voulant assurer à leur
apothéose une ferme croyance, elle leur a donné des privilèges si manifestes qu'aperçus
au milieu des dangers de la mer, ils sauvent ceux qui les invoquent avec une piété
sincère. (62) Elle a ensuite montré envers Ménélas une si grande reconnaissance pour
les travaux et les périls qu'il avait affrontés pour elle, que, la race de Pélops ayant
succombé tout entière, précipitée dans des malheurs irrémédiables, non seulement
Hélène l'a préservé du destin funeste de sa famille , mais, de mortel, l'élevant au rang des
dieux, elle a fait de lui pour jamais son compagnon et son époux. (63) Et je puis produire,
comme témoin de ces faits extraordinaire, la ville de Sparte elle-même, cette ville si
attentive à conserver les traditions antiques. Encore aujourd'hui, à Thérapné, au sein de
la Laconie, se conformant à l'usage de leurs ancêtres, les Lacédémoniens offrent, au nom
de la patrie, aux deux époux, de religieux sacrifices, non comme à des héros, mais
comme à des dieux.
(64) 28. Hélène a aussi montre au poète Stésichorus l'étendue de sa puissance. Il
avait placé au début d'une ode quelques traits acérés contre elle : il se lève, privé tout à
coup de la lumière des cieux ; et, lorsqu'ensuite, ayant connu la cause de son infortune, il
fit un de ces ouvrages que l'on nomme palinodies, Hélène le rétablit dans ses facultés
premières. (65) Quelques auteurs, et même des disciples d'Homère, disent qu'Hélène lui
apparut une nuit, et lui ordonna de faire un poème destine à célébrer les héros qui avaient
combattu pour elle sous les murs de Troie, voulant montrer que leur mort était plus digne
d'envie que l'existence des autres hommes. Si donc les poésies d'Homère offrent un
charme si doux, et si leur renommée a rempli l'univers, c'est à son génie, sans doute, qu'il
faut en partie l'attribuer; mais c'est surtout aux inspirations d'Hélène que l'honneur en
appartient.
(66) 29. Hélène ayant la puissance de punir et de récompenser, il est juste que ceux
qui possèdent des richesses lui rendent un culte et l'apaisent par des offrandes , des
sacrifices et de pieuses supplications ; mais le devoir des philosophes est d'essayer de lui
donner des louanges dignes de ses perfections : car c'est aux maîtres de la science qu'il
appartient d'offrir de semblables hommages.
(67) 30. Les faits que nous passons sous silence sont en beaucoup plus grand
nombre que ceux dont nous avons parlé. Car, sans rappeler ici les arts, les sciences, les
institutions utiles, dont l'origine peut se rapporter à Hélène et à la guerre de Troie, la
justice nous oblige à reconnaître que nous devons à Hélène d'avoir échappé au joug des
Barbares. C'est à cause d'elle que les Grecs, réunis dans un même sentiment, ont fait en
commun une expédition contre les Barbares, et que, pour la première fois, l'Europe a
élevé un trophée sur l'Asie. (68) Le changement qui s'est opéré parmi nous, à partir de
cette époque , a été si grand que, dans les temps antérieurs, les Barbares qui
éprouvaient dans leur pays les rigueurs de la fortune se croyaient appelés à commander
aux villes de la Grèce ; qu'ainsi Danaüs, fuyant d'Égypte, s'établissait dans Argos ;
Cadmus, sorti de Sidon , fondait un royaume à Thèbes ; les peuples de la Carie
envoyaient des colonies dans nos îles, et Pélops, fils de Tantale, soumettait le
Péloponnèse entier; mais, depuis la guerre de Troie, on a vu notre nation prendre un tel
accroissement que nous avons conquis sur les Barbares des villes considérables et un
immense territoire. (69) Si donc quelques orateurs veulent traiter et développer ce sujet,
les ressources ne leur manqueront pas : ils pourront louer Hélène, en dehors de ce que
nous avons dit, et composer à sa louange des discours éloquents et nombreux.
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