[0] ΙΣΟΚΡΑΤΟΥΣ ΠPΟΣ ΕΥΘΥΝΟΥΝ.
(1) Οὐ προφάσεως ἀπορῶ δι' ἥντινα λέγω ὑπὲρ Νικίου τουτουί· καὶ γὰρ φίλος ὤν μοι τυγχάνει καὶ δεόμενος καὶ ἀδικούμενος καὶ ἀδύνατος εἰπεῖν, ὥστε διὰ ταῦτα πάντα ὑπὲρ αὐτοῦ λέγειν ἀναγκάζομαι.
(2) (2) Ὅθεν οὖν τὸ συμβόλαιον αὐτῷ πρὸς Εὐθύνουν γεγένηται, διηγήσομαι ὑμῖν ὡς ἂν δύνωμαι διὰ βραχυτάτων.
Νικίας γὰρ οὑτοσὶ, ἐπειδὴ οἱ τριάκοντα κατέστησαν καὶ αὐτὸν οἱ ἐχθροὶ ἐκ μὲν τῶν μετεχόντων τῆς πολιτείας ἐξήλειφον, εἰς δὲ τὸν μετὰ Λυσάνδρου κατάλογον ἐνέγραφον, δεδιὼς τὰ παρόντα πράγματα τὴν μὲν οἰκίαν ὑπέθηκε, τοὺς δ' οἰκέτας ἔξω τῆς γῆς ἐξέπεμψε, τὰ δ' ἔπιπλα ὡς ἐμὲ ἐκόμισε, τρία δὲ τάλαντα ἀργυρίου Εὐθύνῳ φυλάττειν ἔδωκεν, αὐτὸς δ' εἰς ἀγρὸν ἐλθὼν διῃτᾶτο.
(3) Οὐ πολλῷ δὲ χρόνῳ ὕστερον βουλόμενος ἐκπλεῖν ἀπῄτησε τἀργύριον· Εὐθύνους δὲ τὰ μὲν δύο τάλαντα ἀποδίδωσι, τοῦ δὲ τρίτου ἔξαρνος γίγνεται. Ἄλλο μὲν οὖν οὐδὲν εἶχε Νικίας ἐν τῷ τότε χρόνῳ ποιῆσαι, προσιὼν δὲ πρὸς τοὺς ἐπιτηδείους ἐνεκάλει καὶ ἐμέμφετο καὶ ἔλεγεν ἃ πεπονθὼς εἴη. Καίτοι οὕτω τοῦτόν τε περὶ πολλοῦ ἐποιεῖτο καὶ τὰ καθεστῶτα ἐφοβεῖτο, ὥστε πολὺ ἂν θᾶττον ὀλίγων στερηθεὶς ἐσιώπησεν ἢ μηδὲν ἀπολέσας ἐνεκάλεσεν.
(4) Τὰ μὲν οὖν γεγενημένα ταῦτ' ἐστίν. Ἀπόρως δ' ἡμῖν ἔχει τὸ πρᾶγμα. Νικίᾳ γὰρ οὔτε παρακατατιθεμένῳ τὰ χρήματα οὔτε κομιζομένῳ οὐδεὶς οὔτ' ἐλεύθερος οὔτε δοῦλος παρεγένετο, ὥστε μήτ' ἐκ βασάνων μήτ' ἐκ μαρτύρων οἷόν τ' εἶναι γνῶναι περὶ αὐτῶν, ἀλλ' ἀνάγκη ἐκ τεκμηρίων καὶ ἡμᾶς διδάσκειν καὶ ὑμᾶς δικάζειν, ὁπότεροι τἀληθῆ λέγουσιν.
(5) Οἶμαι οὖν ἁπάντας εἰδέναι ὅτι μάλιστα συκοφαντεῖν ἐπιχειροῦσιν οἱ λέγειν μὲν δεινοὶ, ἔχοντες δὲ μηδὲν, τοὺς ἀδυνάτους μὲν εἰπεῖν, ἱκανοὺς δὲ χρήματα τελεῖν. Νικίας τοίνυν Εὐθύνου πλείω μὲν ἔχει, ἧττον δὲ δύναται λέγειν· ὥστε οὐκ ἔστι δι' ὅτι ἂν ἐπήρθη ἀδίκως ἐπ' Εὐθύνουν ἐλθεῖν.
(6) Ἀλλὰ μὴν καὶ ἐξ αὐτοῦ ἄν τις τοῦ πράγματος γνοίη, ὅτι πολὺ μᾶλλον εἰκὸς ἦν Εὐθύνουν λαβόντα ἐξαρνεῖσθαι ἢ Νικίαν μὴ δόντα αἰτιᾶσθαι. Δῆλον γὰρ ὅτι πάντες κέρδους ἕνεκ' ἀδικοῦσιν. Οἱ μὲν οὖν ἀποστεροῦντες ὧνπερ ἕνεκ' ἀδικοῦσιν ἔχουσιν, οἱ δ' ἐγκαλοῦντες οὐδ' εἰ λήψεσθαι μέλλουσιν ἴσασιν.
(7) Πρὸς δὲ τούτοις, ἀκαταστάτως ἐχόντων τῶν ἐν τῇ πόλει καὶ δικῶν οὐκ οὐσῶν τῷ μὲν οὐδὲν ἦν πλέον ἐγκαλοῦντι, τῷ δὲ οὐδὲν ἦν δέος ἀποστεροῦντι. Ὥστε τὸν μὲν οὐδὲν ἦν θαυμαστὸν, ὅτε καὶ οἱ μετὰ μαρτύρων δανεισάμενοι ἐξηρνοῦντο, τότε ἃ μόνος παρὰ μόνου ἔλαβεν ἀποστερῆσαι· τὸν δ' οὐκ εἰκὸς, ὅτε οὐδ' οἷς δικαίως ὠφείλετο οἷόν τ' ἦν πράττεσθαι, τότε ἀδίκως ἐγκαλοῦντα οἴεσθαί τι λήψεσθαι.
(8) Ἔτι δ' εἰ καὶ μηδὲν αὐτὸν ἐκώλυεν, ἀλλὰ καὶ ἐξῆν καὶ ἐβούλετο συκοφαντεῖν, ὡς οὐκ ἂν ἐπ' Εὐθύνουν ἦλθε, ῥᾴδιον γνῶναι. Οἱ γὰρ τοιαῦτα πράττειν ἐπιθυμοῦντες οὐκ ἀπὸ τῶν φίλων ἄρχονται, ἀλλὰ μετὰ τούτων ἐπὶ τοὺς ἄλλους ἔρχονται, καὶ τούτοις ἐγκαλοῦσιν οὓς ἂν μήτ' αἰσχύνωνται μήτε δεδίωσι, καὶ οὓς ἂν ὁρῶσι πλουσίους μὲν, ἐρήμους δὲ καὶ ἀδυνάτους πράττειν.
(9) Εὐθύνῳ τοίνυν τἀναντία τούτων ὑπάρχει· ἀνεψιὸς γὰρ ὢν Νικίου τυγχάνει, λέγειν δὲ καὶ πράττειν μᾶλλον δύναται τούτου, ἔτι δὲ χρήματα μὲν ὀλίγα, φίλους δὲ πολλοὺς κέκτηται. Ὥστ' οὐκ ἔστιν ἐφ' ὅντινα ἂν ἧττον ἢ ἐπὶ τοῦτον ἦλθεν· ἐπεὶ ἔμοιγε δοκεῖ, εἰδότι τὴν τούτων οἰκειότητα, οὐδ' ἂν Εὐθύνους Νικίαν ἀδικῆσαι, εἰ ἐξῆν ἄλλον τινὰ τοσαῦτα χρήματα ἀποστερῆσαι·
| [0] DISCOURS CONTRE EUTHYNUS.
1. (1) Je ne manque pas de motifs pour prendre la parole en faveur de Nicias, qui est ici devant vous. Nicias est mon ami ; il m'a demandé mon appui ; il est victime d'une injustice; il n'a pas la possibilité de s'exprimer en public. Toutes ces raisons m'imposent le devoir de défendre ses intérêts.
2. Je vous exposerai le plus brièvement possible l'origine de l'action que Nicias a intentée contre Euthynus.
3. Nicias, ici présent, lorsque les Trente eurent établi leur puissance, que ses ennemis l'eurent effacé du nombre des citoyens qui participaient aux droits politiques, et qu'ils l'eurent inscrit sur le catalogue de Lysandre, effrayé des dangers de la situation, engagea ses propriétés, envoya ses esclaves hors de l'Attique, fit porter ses meubles chez moi, confia à Euthynus trois talents d'argent (2) pour les lui garder, et se retira à la campagne, où il vécut. (3) Peu de temps après, désirant s'embarquer, il redemanda ses fonds à Euthynus ; Euthynus lui remit deux talents et nia le troisième. Nicias, n'ayant pas d'autres ressources pour le moment, se rend auprès des parents d'Euthynus, l'accuse, lui fait des reproches, et expose le tort qu'il a éprouvé de sa part. Il avait, toutefois, une si grande affection pour Euthynus, et de plus il redoutait tellement l'état de choses existant, qu'il aima mieux faire un léger sacrifice et se condamner au silence, que de ne rien perdre, en attaquant Euthynus devant la justice. Voilà le résumé des faits.
4. (4) L'affaire, en ce qui nous concerne, présente de grandes difficultés. Aucune personne, soit libre, soit esclave, n'était auprès de Nicias lorsqu'il a déposé ou lorsqu'il a retiré ses fonds, de sorte qu'il est impossible de rien constater par la torture, non plus que par des témoins, et qu'il y a nécessité pour nous de montrer, et pour vous de décider, d'après des probabilités, quels sont ceux qui disent la vérité.
5. (5) Je crois que personne n'ignore que ce sont principalement les hommes puissants par leur éloquence, et privés de fortune, qui poursuivent de leurs calomnies ceux qui ne possèdent pas le don de la parole, mais qui ont la faculté de donner de l'argent. Or Nicias est plus riche qu'Euthynus, et il est moins éloquent; de telle sorte qu'il n'existe aucun motif qui ait pu porter Nicias à attaquer Euthynus injustement.
6. (6) On peut aussi reconnaître, par le fait considéré en lui-même, qu'il est beaucoup plus vraisemblable qu'Euthynus nie le dépôt, après l'avoir reçu, qu'il ne l'est que Nicias réclame l'argent sans l'avoir donné. Il est évident que tous ceux qui manquent à la probité le font par amour du gain. Or ceux qui retiennent le bien des autres ont dans leurs mains ce qui les engage à violer la justice, tandis que ceux qui demandent ne savent s'ils obtiendront l'objet de leur réclamation.
7. (7) Ajoutons que, tout étant bouleversé dans notre ville, et les tribunaux ne rendant plus d'arrêts, celui qui réclamait n'avait rien à espérer, tandis que le spoliateur n'avait rien à craindre. De sorte qu'il n'est pas étonnant qu'à une époque où ceux-là mêmes qui avaient emprunté devant témoins niaient leurs dettes, celui qui avait traité seul à seul commît une spoliation frauduleuse; de même qu'il n'est pas probable que, dans un temps où les créanciers véritables ne pouvaient rien obtenir, celui qui aurait réclamé injustement ait pu concevoir l'espérance de le faire avec succès.
8. (8) Il est facile ensuite de reconnaître que, lors même qu'aucun obstacle ne s'y serait opposé, et en admettant que Nicias eût pu, qu'il eût voulu intenter une accusation calomnieuse, il ne se serait pas adressé à Euthynus. Ceux qui veulent commettre des actes de cette nature ne commencent pas par attaquer leurs amis ; ils s'entourent, au contraire, de leurs amis pour attaquer les autres, et, de plus, ils accusent des hommes qui ne leur inspirent ni respect ni crainte, des hommes qu'ils voient riches, mais isolés et hors d'état de se défendre.
9. (9) Or, relativement à Euthynus, la situation est complètement opposée. Il est le cousin de Nicias ; il est plus puissant que lui, soit pour parler, soit pour agir ; en outre, il a peu de fortune, et il a un grand nombre d'amis. Il n'est donc personne que Nicias eût moins voulu attaquer qu'Euthynus ; et il me semble, à moi, qui ai connu leurs rapports intimes, qu'Euthynus n'aurait pas cherché à spolier Nicias s'il eût été en son pouvoir d'enlever à un autre qu'à lui une somme aussi importante.
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