[40] Ἐκείνου τοίνυν εὖ μὲν
πραττούσης τῆς πόλεως τίς εὐδαιμονέστερος ἢ θαυμαστότερος ἢ ζηλωτότερος ἦν τῶν
πολιτῶν, δυστυχησάσης δὲ τίς ἐλπίδων μειζόνων ἢ χρημάτων πλειόνων ἢ δόξης
καλλίονος ἐστερήθη; Οὐ τὸ τελευταῖον ἐπειδὴ κατέστησαν οἱ τριάκονθ' οἱ μὲν ἄλλοι τὴν
πόλιν ἔφυγον, ἐκεῖνος δὲ ἐξ ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος ἐξέπεσεν; Οὐ Λακεδαιμόνιοι καὶ
Λύσανδρος ὁμοίως ἔργον ἐποιήσαντ' ἐκεῖνον ἀποκτεῖναι καὶ τὴν ὑμετέραν καταλῦσαι
δύναμιν, οὐδεμίαν ἡγούμενοι πίστιν ἕξειν παρὰ τῆς πόλεως, εἰ τὰ τείχη καταβάλοιεν, εἰ
μὴ καὶ τὸν ἀναστῆσαι δυνάμενον ἀπολέσαιεν; <41> Ὥστ' οὐ μόνον ἐξ ὧν ὑμᾶς εὖ
πεποίηκεν ἀλλὰ καὶ ἐξ ὧν δι' ὑμᾶς κακῶς πέπονθε ῥᾴδιον γνῶναι τὴν εὔνοιαν τὴν
ἐκείνου. Φαίνεται γὰρ τῷ δήμῳ βοηθῶν, τῆς αὐτῆς πολιτείας ὑμῖν ἐπιθυμῶν, ὑπὸ τῶν
αὐτῶν κακῶς πάσχων, ἅμα τῇ πόλει δυστυχῶν, τοὺς αὐτοὺς ἐχθροὺς καὶ φίλους ὑμῖν
νομίζων, ἐκ παντὸς τρόπου κινδυνεύων τὰ μὲν ὑφ' ὑμῶν, τὰ δὲ δι' ὑμᾶς, <42> τὰ δ' ὑπὲρ
ὑμῶν, τὰ δὲ μεθ' ὑμῶν, ἀνόμοις πολίτης Χαρικλεῖ τῷ τούτου κηδεστῇ γεγενημένος, ὃς
τοῖς μὲν πολεμίοις δουλεύειν ἐπεθύμει, τῶν δὲ πολιτῶν ἄρχειν ἠξίου, καὶ φεύγων μὲν
ἡσυχίαν εἶχε, κατελθὼν δὲ κακῶς ἐποίει τὴν πόλιν. Καίτοι πῶς ἂν γένοιτ' ἢ φίλος
πονηρότερος ἢ ἐχθρὸς ἐλάττονος ἄξιος; <43> Εἶτα σὺ κηδεστὴς μὲν ὢν ἐκείνου,
βεβουλευκὼς δ' ἐπὶ τῶν τριάκοντα τολμᾷς ἑτέροις μνησικακεῖν, καὶ οὐκ αἰσχύνει τὰς
συνθήκας παραβαίνων δι' ἃς αὐτὸς οἰκεῖς τὴν πόλιν, οὐδ' ἐνθυμεῖ διότι, ὁπόταν δόξῃ
τῶν παρεληλυθότων τιμωρίαν ποιεῖσθαι, σοὶ καὶ προτέρῳ καὶ μᾶλλον ἢ 'μοὶ κινδυνεύειν
ὑπάρχει; <44> Οὐ γὰρ δήπου παρ' ἐμοῦ μὲν ὑπὲρ ὧν ὁ πατὴρ ἔπραξε δίκην λήψονται,
σοὶ δὲ καὶ ὧν αὐτὸς ἡμάρτηκας συγγνώμην ἕξουσιν. Ἀλλὰ μὴν οὐδ' ὁμοίας ἐκείνῳ
φανήσει τὰς προφάσεις ἔχων· οὐ γὰρ ἐκπεσὼν ἐκ τῆς πατρίδος ἀλλὰ
συμπολιτευόμενος, οὐδ' ἀναγκασθεὶς ἀλλ' ἑκών, οὐδ' ἀμυνόμενος ἀλλ' ὑπάρχων
ἠδίκεις αὐτούς, ὥστ' οὐδ' ἀπολογίας σοι προσήκει τυχεῖν παρ' αὐτῶν.
<45> Ἀλλὰ γὰρ περὶ μὲν τῶν Τεισίᾳ πεπολιτευμένων ἴσως πότ' ἐν τοῖς τούτου
κινδύνοις ἐγγενήσεται καὶ διὰ μακροτέρων εἰπεῖν· ὑμᾶς δ' ἀξιῶ μὴ προέσθαι με τοῖς
ἐχθροῖς μηδ' ἀνηκέστοις συμφοραῖς περιβαλεῖν. Ἱκανῶς γὰρ καὶ νῦν πεπείραμαι κακῶν,
ὃς εὐθὺς μὲν γενόμενος ὀρφανὸς κατελείφθην, τοῦ μὲν πατρὸς φυγόντος, τῆς δὲ
μητρὸς τελευτησάσης, οὔπω δὲ τέτταρ' ἔτη γεγονὼς διὰ τὴν τοῦ πατρὸς φυγὴν περὶ τοῦ
σώματος εἰς κίνδυνον κατέστην, <46> ἔτι δὲ παῖς ὢν ὑπὸ τῶν τριάκοντ' ἐκ τῆς πόλεως
ἐξέπεσον. Κατελθόντων δὲ τῶν ἐκ Πειραιῶς καὶ τῶν ἄλλων κομιζομένων τὰς οὐσίας
ἐγὼ μόνος τὴν γῆν, ἣν ἡμῖν ἀπέδωκεν ὁ δῆμος ἀντὶ τῶν δημευθέντων χρημάτων, διὰ
τὴν τῶν ἐχθρῶν δύναμιν ἀπεστερήθην. Τοσαῦτα δὲ προδεδυστυχηκὼς καὶ δὶς τὴν
οὐσίαν ἀπολωλεκὼς νυνὶ πέντε ταλάντων φεύγω δίκην. Καὶ τὸ μὲν ἔγκλημ' ἐστὶ περὶ
χρημάτων, ἀγωνίζομαι δ' εἰ χρὴ μετεῖναί μοι τῆς πόλεως. <47> Τῶν γὰρ αὐτῶν τιμημάτων
ἐπιγεγραμμένων οὐ περὶ τῶν αὐτῶν ἅπασιν ὁ κίνδυνός ἐστιν, ἀλλὰ τοῖς μὲν χρήματα
κεκτημένοις περὶ ζημίας, τοῖς δ' ἀπόρως ὥσπερ ἐγὼ διακειμένοις περὶ ἀτιμίας, ἣν ἐγὼ
φυγῆς μείζω συμφορὰν νομίζω· πολὺ γὰρ ἀθλιώτερον παρὰ τοῖς αὑτοῦ πολίταις
ἠτιμωμένον οἰκεῖν ἢ παρ' ἑτέροις μετοικεῖν. <48> Δέομαι δ' οὖν ὑμῶν βοηθῆσαί μοι καὶ μὴ
περιιδεῖν ὑπὸ τῶν ἐχθρῶν ὑβρισθέντα μηδὲ τῆς πατρίδος στερηθέντα μηδ' ἐπὶ τοιαύταις
τύχαις περίβλεπτον γενόμενον. Δικαίως δ' ἂν ὑφ' ὑμῶν ἐξ αὐτῶν τῶν ἔργων ἐλεηθείην,
εἰ καὶ τῷ λόγῳ τυγχάνω μὴ δυνάμενος ἐπὶ τοῦθ' ὑμᾶς ἄγειν, εἴπερ χρὴ τούτους ἐλεεῖν,
τοὺς ἀδίκως μὲν κινδυνεύοντας, περὶ δὲ τῶν μεγίστων ἀγωνιζομένους, ἀναξίως δ'
αὑτῶν καὶ τῶν προγόνων πράττοντας, πλείστων δὲ χρημάτων ἀπεστερημένους καὶ
μεγίστῃ μεταβολῇ τοῦ βίου κεχρημένους.
<49> Πολλὰ δ' ἔχων ἐμαυτὸν ὀδύρασθαι μάλιστ' ἐπὶ τούτοις ἀγανακτῶ, πρῶτον μὲν
εἰ τούτῳ δώσω δίκην παρ' οὗ λαβεῖν μοι προσήκει, δεύτερον δ' εἰ διὰ τὴν τοῦ πατρὸς
νίκην τὴν Ὀλυμπίασιν ἀτιμωθήσομαι, δι' ἣν τοὺς ἄλλους ὁρῶ δωρεὰς λαμβάνοντας, <50>
πρὸς δὲ τούτοις εἰ Τεισίας μὲν μηδὲν ἀγαθὸν ποιήσας τὴν πόλιν καὶ ἐν δημοκρατίᾳ καὶ
ἐν ὀλιγαρχίᾳ μέγα δυνήσεται, ἐγὼ δ' εἰ μηδετέρους ἀδικήσας ὑπ' ἀμφοτέρων κακῶς
πείσομαι, καὶ περὶ μὲν τῶν ἄλλων τἀναντία τοῖς τριάκοντα πράξετε, περὶ δ' ἐμοῦ τὴν
αὐτὴν ἐκείνοις γνώμην ἕξετε, καὶ τότε μὲν μεθ' ὑμῶν, νῦν δ' ὑφ' ὑμῶν τῆς πόλεως
στερήσομαι.
| [40] Or quel citoyen, au milieu des prospérités d'Athènes, a été plus
heureux, plus admiré, plus digne d'envie qu'Alcibiade ? Et lorsque la fortune nous a
été contraire, qui a vu s'évanouir de plus hautes espérances, disparaître plus de
richesses, une gloire plus éclatante ? Récemment, sous la domination des Trente,
quand les autres citoyens étaient seulement exilés de la ville, n'a-t-il pas été chassé de
la Grèce entière, et les Lacédémoniens aussi bien que Lysandre n'attachaient-ils pas
autant de prix à lui arracher la vie qu'à détruire votre puissance, regardant comme
impossible d'espérer aucune sécurité de la part de notre ville, même en détruisant ses
murailles, s'ils n'exterminaient pas celui qui pouvait les relever? <41> C'est donc par les
services qu'il vous a rendus, par les malheurs qu'il a supportés pour vous, que l'on
peut facilement reconnaître son dévouement à votre cause. Il est évident qu'il a
défendu le peuple, qu'il a désiré le même gouvernement que vous, qu'il a eu à souffrir
de la part des mêmes hommes, qu'il a été malheureux avec sa patrie, que vos
ennemis et vos amis ont été les siens, qu'il a couru des dangers de toute nature, les
uns de votre part, d'autres pour vous, <42> d'autres à cause de vous, d'autres avec
vous ; bien différent en cela de Chariclès, le parent de notre accusateur, qui a voulu se
faire l'esclave des ennemis de son pays, afin de commander à ses concitoyens; et qui,
resté dans l'inaction durant l'exil, a cherché aussitôt après son retour à nuire à sa
patrie. Où trouver un ami plus perfide, un ennemi plus méprisable ? <43> Et vous-même, Tisias, vous son parent, vous sénateur sous les Trente, vous osez rappeler
contre les autres des souvenirs de colère ; vous n'avez pas honte de violer les traités
qui vous permettent de vivre dans votre patrie, vous ne réfléchissez pas que, le jour où
l'on sévirait à l'égard des anciennes injures, vous vous verriez exposé avant moi et
plus que moi ? Les Athéniens sans doute ne me puniraient pas pour les actes de mon
père, tandis qu'ils vous pardonneraient les crimes que vous-même avez commis ! <44>
Vous ne pourriez pas d'ailleurs alléguer pour votre défense les mêmes excuses que
mon père; car ce n'est pas à une époque où vous étiez exilé, c'est lorsque vous
participiez au gouvernement de l'État ; ce n'est pas malgré vous, c'est de votre propre
mouvement; ce n'est pas en vous défendant, c'est comme agresseur, que vous avez
violé la justice à l'égard de vos. concitoyens; de sorte que vous n'auriez pas même le
droit d'obtenir de leur indulgence la faculté de vous disculper.
<45> 17. Relativement aux actes politiques de Tisias, j'aurai peut-être quelque jour
l'occasion de le traduire devant la justice et de m'étendre davantage. Maintenant je me
borne à vous demander de ne pas me livrer à mes ennemis, et de ne pas me plonger
dans des malheurs irrémédiables. J'ai éprouvé d'assez grandes infortunes, moi qui, à
cause de l'exil de mon père et de la mort de ma mère, suis resté orphelin, aussitôt
après ma naissance ; moi qui, n'ayant pas encore quatre ans, ai couru des dangers
pour ma vie à cause de l'absence d'Alcibiade, <46> et qui, encore enfant, me suis vu
expulsé de ma patrie par les Trente. Enfin, lorsque les citoyens revenaient du Pirée et
rentraient dans leurs possessions, moi seul, je me suis vu dépouillé, par la puissance
de nos ennemis, de la terre que le peuple nous avait donnée en échange de nos biens
confisqués. C'est donc après tant de malheurs, et c'est après avoir perdu deux fois ma
fortune, que je me débats aujourd'hui contre une condamnation à cinq talents. L'action
est dirigée contre ma fortune; mais, dans la réalité, je lutte aujourd'hui pour savoir si je
puis encore vivre au sein de ma patrie. <47> Les mêmes amendes sont inscrites dans
les lois; mais tous ne sont pas exposés au même péril ; pour les hommes qui
possèdent des richesses, il ne s'agit que d'une amende; mais pour ceux qui, comme
moi, sont réduits à la pauvreté, il s'agit du déshonneur, calamité plus grande, à mes
yeux, que l'exil; car, vivre déshonoré parmi ses concitoyens est une situation plus
cruelle que de vivre ailleurs au milieu des étrangers. <48> Je vous conjure donc de me
secourir, et de ne pas m'abandonner aux outrages de mes ennemis ; comme aussi de
ne pas permettre que, privé de ma patrie, je devienne, par un tel malheur, un objet
vers lequel se portent tous les regards. Les faits seuls devraient suffire pour émouvoir
votre compassion, si j'étais par mes paroles impuissant à la faire naître dans vos âmes
; car la compassion est un devoir envers ceux que menace un danger injuste ; qui
combattent pour les plus grands intérêts ; qui sont dans une situation indigne d'eux et
de leurs ancêtres ; qui sont déchus de la plus brillante fortune, et qui, dans leur
existence, ont éprouvé les plus cruels changements.
<49> Je pourrais, à beaucoup d'égards, déplorer ma destinée; mais ce qui
exciterait surtout mon indignation, ce serait, d'abord, d'être puni sur les poursuites de
celui que je devrais moi-même faire punir; ce serait, ensuite, d'être déshonoré à cause
de la victoire de mon père à Olympie, quand, pour le même motif, je vois accorder à
d'autres des récompenses ; <50> ce serait, en outre, la pensée que Tisias, qui n'a
jamais fait aucun bien à son pays, serait puissant sous la démocratie, puissant sous
l'oligarchie ; tandis que moi, qui n'ai jamais nui ni à l'un ni à l'autre de ces
gouvernements, je serais en butte aux persécutions de tous les deux ; ce serait, enfin,
lorsque toutes vos actions sont contraires à celles des Trente, que vous pussiez avoir,
à mon égard, des sentiments semblables aux leurs, et qu'aujourd'hui par vous, comme
alors avec vous, je fusse privé de ma patrie.
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