[9,250] αὐτὰρ ἐπεὶ δὴ σπεῦσε πονησάμενος τὰ ἃ ἔργα,
καὶ τότε πῦρ ἀνέκαιε καὶ εἴσιδεν, εἴρετο δ᾽ ἡμέας·
" ᾽ὦ ξεῖνοι, τίνες ἐστέ; πόθεν πλεῖθ᾽ ὑγρὰ κέλευθα;
ἦ τι κατὰ πρῆξιν ἦ μαψιδίως ἀλάλησθε,
οἷά τε ληιστῆρες, ὑπεὶρ ἅλα, τοί τ᾽ ἀλόωνται
255 ψυχὰς παρθέμενοι κακὸν ἀλλοδαποῖσι φέροντες;"
"ὣς ἔφαθ᾽, ἡμῖν δ᾽ αὖτε κατεκλάσθη φίλον ἦτορ,
δεισάντων φθόγγον τε βαρὺν αὐτόν τε πέλωρον.
ἀλλὰ καὶ ὥς μιν ἔπεσσιν ἀμειβόμενος προσέειπον·
" ᾽ἡμεῖς τοι Τροίηθεν ἀποπλαγχθέντες Ἀχαιοὶ
260 παντοίοις ἀνέμοισιν ὑπὲρ μέγα λαῖτμα θαλάσσης,
οἴκαδε ἱέμενοι, ἄλλην ὁδὸν ἄλλα κέλευθα
ἤλθομεν· οὕτω που Ζεὺς ἤθελε μητίσασθαι.
λαοὶ δ᾽ Ἀτρεΐδεω Ἀγαμέμνονος εὐχόμεθ᾽ εἶναι,
τοῦ δὴ νῦν γε μέγιστον ὑπουράνιον κλέος ἐστί·
265 τόσσην γὰρ διέπερσε πόλιν καὶ ἀπώλεσε λαοὺς
πολλούς. ἡμεῖς δ᾽ αὖτε κιχανόμενοι τὰ σὰ γοῦνα
ἱκόμεθ᾽, εἴ τι πόροις ξεινήιον ἠὲ καὶ ἄλλως
δοίης δωτίνην, ἥ τε ξείνων θέμις ἐστίν.
ἀλλ᾽ αἰδεῖο, φέριστε, θεούς· ἱκέται δέ τοί εἰμεν,
270 Ζεὺς δ᾽ ἐπιτιμήτωρ ἱκετάων τε ξείνων τε,
ξείνιος, ὃς ξείνοισιν ἅμ᾽ αἰδοίοισιν ὀπηδεῖ.᾽
ὣς ἐφάμην, ὁ δέ μ᾽ αὐτίκ᾽ ἀμείβετο νηλέι θυμῷ·
"νήπιός εἰς, ὦ ξεῖν᾽, ἢ τηλόθεν εἰλήλουθας,
ὅς με θεοὺς κέλεαι ἢ δειδίμεν ἢ ἀλέασθαι·
275 οὐ γὰρ Κύκλωπες Διὸς αἰγιόχου ἀλέγουσιν
οὐδὲ θεῶν μακάρων, ἐπεὶ ἦ πολὺ φέρτεροί εἰμεν·
οὐδ᾽ ἂν ἐγὼ Διὸς ἔχθος ἀλευάμενος πεφιδοίμην
οὔτε σεῦ οὔθ᾽ ἑτάρων, εἰ μὴ θυμός με κελεύοι.
ἀλλά μοι εἴφ᾽ ὅπῃ ἔσχες ἰὼν ἐυεργέα νῆα,
280 ἤ που ἐπ᾽ ἐσχατιῆς, ἦ καὶ σχεδόν, ὄφρα δαείω.᾽
"ὣς φάτο πειράζων, ἐμὲ δ᾽ οὐ λάθεν εἰδότα πολλά,
ἀλλά μιν ἄψορρον προσέφην δολίοις ἐπέεσσι·
" ᾽νέα μέν μοι κατέαξε Ποσειδάων ἐνοσίχθων
πρὸς πέτρῃσι βαλὼν ὑμῆς ἐπὶ πείρασι γαίης,
285 ἄκρῃ προσπελάσας· ἄνεμος δ᾽ ἐκ πόντου ἔνεικεν·
αὐτὰρ ἐγὼ σὺν τοῖσδε ὑπέκφυγον αἰπὺν ὄλεθρον.᾽
"ὣς ἐφάμην, ὁ δέ μ᾽ οὐδὲν ἀμείβετο νηλέι θυμῷ,
ἀλλ᾽ ὅ γ᾽ ἀναΐξας ἑτάροις ἐπὶ χεῖρας ἴαλλε,
σὺν δὲ δύω μάρψας ὥς τε σκύλακας ποτὶ γαίῃ
290 κόπτ᾽· ἐκ δ᾽ ἐγκέφαλος χαμάδις ῥέε, δεῦε δὲ γαῖαν.
τοὺς δὲ διὰ μελεϊστὶ ταμὼν ὡπλίσσατο δόρπον·
ἤσθιε δ᾽ ὥς τε λέων ὀρεσίτροφος, οὐδ᾽ ἀπέλειπεν,
ἔγκατά τε σάρκας τε καὶ ὀστέα μυελόεντα.
ἡμεῖς δὲ κλαίοντες ἀνεσχέθομεν Διὶ χεῖρας,
295 σχέτλια ἔργ᾽ ὁρόωντες, ἀμηχανίη δ᾽ ἔχε θυμόν.
αὐτὰρ ἐπεὶ Κύκλωψ μεγάλην ἐμπλήσατο νηδὺν
ἀνδρόμεα κρέ᾽ ἔδων καὶ ἐπ᾽ ἄκρητον γάλα πίνων,
κεῖτ᾽ ἔντοσθ᾽ ἄντροιο τανυσσάμενος διὰ μήλων.
τὸν μὲν ἐγὼ βούλευσα κατὰ μεγαλήτορα θυμὸν
| [9,250] Quand il eut achevé tout son travail,
en diligence il alluma le feu, nous vit et nous interrogea :
« Étrangers, qui êtes-vous? D'où venez-vous, sur les
chemins humides? Faites-vous quelque commerce, ou
bien avez-vous erré à l'aventure, comme les pirates qui
vont risquer leur vie sur la mer et portent le malheur
aux gens d'autres pays? »
Ainsi parlait-il; et nous, nous avions le coeur brisé
d'épouvante par sa voix rauque et sa taille monstrueuse.
Pourtant je lui répondis en ces termes : « Nous sommes
des Achéens, qui venons de Troade, et que toutes sortes
de vents ont égarés sur le grand abîme de la mer; nous
voulions nous en retourner chez nous; mais nous sommes
venus ici par une autre route, d'autres chemins. C'est,
sans doute que Zeus avait un autre dessein. Nous nous
vantons d'être des gens d'Agamemnon, fils d'Atrée,
dont la gloire est grande à présent sous le ciel; si puissante
était la ville qu'il a mise à sac et si nombreux les
peuples qu'il a détruits. Nous, nous sommes arrivés ici,
et nous touchons tes genoux, espérant que tu hébergeras
tes hôtes, et leur feras en outre un présent, ce
qui est la loi de l'hospitalité. Très puissant, respecte
les dieux; nous venons à toi, en suppliants; Zeus est
le vengeur des suppliants et des hôtes; c'est le dieu
de l'hospitalité; il accompagne les étrangers qui le révèrent. »
Ainsi parlais-je; il me repartit sur-le-champ d'un
coeur impitoyable : « Tu n'es qu'un niais, étranger, ou
tu arrives de loin, pour me conseiller de craindre ou
d'éviter les dieux! Les Cyclopes ne se soucient pas de
Zeus qui tient l'égide, ni des dieux bienheureux, car
nous leur sommes, certes, bien supérieurs. Moi-même,
je ne saurais, pour éviter la haine de Zeus, t'épargner
ni toi, ni tes compagnons, à moins que mon coeur ne
m'y pousse. Mais, dis-moi, où as-tu en arrivant, amarré
ta nef solide? Est-ce au bout de l'île, ou près d'ici? Je
voudrais le savoir! »
Il parlait ainsi pour m'éprouver; mais je m'en aperçus
et j'en savais long; je lui répondis par d'astucieuses
paroles : « Posidon, l'Ébranleur de la terre, a brisé mon
vaisseau, qu'il a jeté contre des roches au bout de votre
terre, en l'approchant d'un cap; le vent l'avait porté là
de la haute mer; mais moi et ceux-ci, nous avons échappé
à la brusque mort. »
Je dis; et lui, d'un coeur impitoyable, ne me répondait
rien; mais, s'étant élancé il porta les mains sur mes compagnons;
il en saisit deux ensemble et les frappa contre
terre comme de petits chiens; leur cervelle coulait sur
le sol et arrosait la terre; puis, ayant découpé leurs
membres, il prépara son souper. Il les mangeait comme
un lion nourri sur les monts; il n'en laissa pas entrailles,
chairs, os pleins de moelle. Nous, en pleurant, élevions
nos mains vers Zeus, témoins de ces actes monstrueux,
et notre coeur ne savait rien résoudre. Ensuite, quand
le Cyclope eut rempli son large ventre en mangeant
cette chair humaine et buvant par-dessus du lait pur,
il se coucha au fond de l'antre tout de son long au milieu
de ses brebis. Alors je méditai en mon coeur magnanime
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