|
[6,10] οἳ μὲν δὴ ἔλεγον τάδε. τῶν δὲ Ἰώνων οἱ τύραννοι διέπεμπον νυκτὸς ἕκαστος ἐς
τοὺς ἑωυτοῦ ἐξαγγελλόμενος. οἱ δὲ Ἴωνες, ἐς τοὺς καὶ ἀπίκοντο αὗται αἱ ἀγγελίαι,
ἀγνωμοσύνῃ τε διεχρέωντο καὶ οὐ προσίεντο τὴν προδοσίην· ἑωυτοῖσι δὲ ἕκαστοι
ἐδόκεον μούνοισι ταῦτα τοὺς Πέρσας ἐξαγγέλλεσθαι.
| [6,10] Ainsi parlèrent les Perses. Dès que la nuit fut venue, les tyrans
d'Ionie envoyèrent chacun vers ses propres concitoyens, pour leur faire
part des résolutions du conseil. Mais ceux à qui ils s'adressèrent,
s'imaginant que les Perses ne faisaient ces propositions qu'à eux seuls,
les rejetèrent avec mépris, et ne voulurent point trahir la cause
commune. Ces choses se passèrent aussitôt après l'arrivée des Perses
à Milet.
| [6,11] ταῦτα μέν νυν ἰθέως ἀπικομένων ἐς τὴν Μίλητον τῶν Περσέων ἐγίνετο· μετὰ δὲ
τῶν Ἰώνων συλλεχθέντων ἐς τὴν Λάδην ἐγίνοντο ἀγοραί, καὶ δή κού σφι καὶ ἄλλοι
ἠγορόωντο, ἐν δὲ δὴ καὶ ὁ Φωκαεὺς στρατηγὸς Διονύσιος λέγων τάδε. (2) “ἐπὶ ξυροῦ
γὰρ ἀκμῆς ἔχεται ἡμῖν τὰ πρήγματα, ἄνδρες Ἴωνες, ἢ εἶναι ἐλευθέροισι ἢ δούλοισι,
καὶ τούτοισι ὡς δρηπέτῃσι· νῦν ὦν ὑμεῖς ἢν μὲν βούλησθε ταλαιπωρίας ἐνδέκεσθαι, τὸ
παραχρῆμα μὲν πόνος ὑμῖν ἔσται, οἷοί τε δὲ ἔσεσθε ὑπερβαλόμενοι τοὺς ἐναντίους
εἶναι ἐλεύθεροι· εἰ δὲ μαλακίῃ τε καὶ ἀταξίῃ διαχρήσησθε, οὐδεμίαν ὑμέων ἔχω
ἐλπίδα μὴ οὐ δώσειν ὑμέας δίκην βασιλέι τῆς ἀποστάσιος. (3) ἀλλ᾽ ἐμοί τε πείθεσθε
καὶ ἐμοὶ ὑμέας αὐτοὺς ἐπιτρέψατε· καὶ ὑμῖν ἐγώ, θεῶν τὰ ἴσα νεμόντων, ὑποδέκομαι ἢ
οὐ συμμίξειν τοὺς πολεμίους ἢ συμμίσγοντας πολλὸν ἐλασσωθήσεσθαι”.
| [6,11] Les Ioniens tinrent ensuite conseil à l'île de Lada, où ils s'étaient
assemblés. On y ouvrit plusieurs avis, et Denys entre autres,
commandant des Phocéens, y proposa le sien en ces termes : « Nos
affaires, Ioniens, sont suspendues sur le tranchant du rasoir. Il n'y a
point de milieu pour nous entre la liberté et l'esclavage, et même
l'esclavage le plus dur, celui où gémissent les esclaves fugitifs.
Maintenant donc, si vous voulez supporter les travaux et la fatigue, les
commencements vous paraîtront pénibles; mais, lorsque vous aurez
vaincu vos ennemis, vous pourrez jouir tranquillement de la liberté. Si,
au contraire, vous vous abandonnez à la mollesse, et si vous
n'observez aucun ordre, je n'espère point que vous puissiez vous
soustraire à la punition de votre révolte. Suivez mes conseils,
remettez-vous entre mes mains, et je vous réponds que, si les dieux
tiennent la balance égale, les Perses n'en viendront point aux mains
avec nous, ou que, s'ils nous attaquent, ils seront battus. »
| [6,12] ταῦτα ἀκούσαντες οἱ Ἴωνες ἐπιτρέπουσι σφέας αὐτοὺς τῷ Διονυσίῳ. ὁ δὲ
ἀνάγων ἑκάστοτε ἐπὶ κέρας τὰς νέας, ὅκως τοῖσι ἐρέτῃσι χρήσαιτο διέκπλοον
ποιεύμενος τῇσι νηυσὶ δι᾽ ἀλληλέων καὶ τοὺς ἐπιβάτας ὁπλίσειε, τὸ λοιπὸν τῆς ἡμέρης
τὰς νέας ἔχεσκε ἐπ᾽ ἀγκυρέων, παρεῖχέ τε τοῖσι Ἴωσι πόνον δι᾽ ἡμέρης. (2) μέχρι μέν
νυν ἡμερέων ἑπτὰ ἐπείθοντό τε καὶ ἐποίευν τὸ κελευόμενον· τῇ δὲ ἐπὶ ταύτῃσι οἱ
Ἴωνες, οἷα ἀπαθέες ἐόντες πόνων τοιούτων τετρυμένοι τε ταλαιπωρίῃσί τε καὶ ἡλίῳ,
ἔλεξαν πρὸς ἑωυτοὺς τάδε. (3) “τίνα δαιμόνων παραβάντες τάδε ἀναπίμπλαμεν;
οἵτινες παραφρονήσαντες καὶ ἐκπλώσαντες ἐκ τοῦ νόου ἀνδρὶ Φωκαέι ἀλαζόνι,
παρεχομένῳ νέας τρεῖς, ἐπιτρέψαντες ἡμέας αὐτοὺς ἔχομεν· ὁ δὲ παραλαβὼν ἡμέας
λυμαίνεται λύμῃσι ἀνηκέστοισι, καὶ δὴ πολλοὶ μὲν ἡμέων ἐς νούσους πεπτώκασι,
πολλοὶ δὲ ἐπίδοξοι τὠυτὸ τοῦτο πείσεσθαι εἰσί, πρό τε τούτων τῶν κακῶν ἡμῖν γε
κρέσσον καὶ ὅ τι ὦν ἄλλο παθεῖν ἐστι καὶ τὴν μέλλουσαν δουληίην ὑπομεῖναι ἥτις
ἔσται, μᾶλλον ἢ τῇ παρεούσῃ συνέχεσθαι. φέρετε, τοῦ λοιποῦ μὴ πειθώμεθα αὐτοῦ”.
(4) ταῦτα ἔλεξαν, καὶ μετὰ ταῦτα αὐτίκα πείθεσθαι οὐδεὶς ἤθελε, ἀλλ᾽ οἷα στρατιὴ
σκηνάς τε πηξάμενοι ἐν τῇ νήσῳ ἐσκιητροφέοντο καὶ ἐσβαίνειν οὐκ ἐθέλεσκον ἐς τὰς
νέας οὐδ᾽ ἀναπειρᾶσθαι.
| [6,12] Ce discours fit une telle impression sur les Ioniens, qu'ils
déférèrent à Denys le commandement de la flotte. Celui-ci faisait
avancer tous les jours les vaisseaux, présentant un front étroit sur
beaucoup de profondeur, et les faisait passer entre les rangs, et se
retirer ensuite promptement pour revenir après, afin d'exercer les
rameurs et de tenir en haleine les soldats. Le reste du jour il tenait les
vaisseaux à l'ancre, sans donner aux Ioniens, dans toute la
journée, un seul moment de relâche. Les Ioniens obéirent exactement
pendant sept jours; mais le jour après ceux-ci, accablés par la fatigue
et l'ardeur du soleil, comme des gens qui n'étaient pas accoutumés à
tant de travaux : « Quel dieu, se disaient-ils l'un à l'autre, avons-nous
donc offensé, pour essuyer tant de fatigues? Avons-nous donc perdu
le sens et la raison, pour nous remettre entre les mains d'un Phocéen
présomptueux qui nous maîtrise, quoiqu'il n'ait fourni, que trois
vaisseaux, et qui nous accable de travaux insupportables? Déjà
plusieurs d'entre nous ont éprouvé des maladies, beaucoup d'autres en
sont menacés. Tout autre mal est préférable à ceux-ci. La servitude qui
nous attend serait moins rude que celle que nous éprouvons
actuellement. Allons, Ioniens, ne lui obéissons plus. » Ils dirent, et
sur-le-champ personne ne voulut plus obéir. Ils dressèrent des tentes dans
l'île de Lada, comme une armée de terre, et se tinrent à l'ombre, sans
vouloir ni rentrer dans leurs vaisseaux, ni reprendre les exercices
militaires.
| [6,13] μαθόντες δὲ ταῦτα τὰ γινόμενα ἐκ τῶν Ἰώνων οἱ στρατηγοὶ τῶν Σαμίων
ἐνθαῦτα δὴ παρ᾽ Αἰάκεος τοῦ Συλοσῶντος κείνους τοὺς πρότερον ἔπεμπε λόγους ὁ
Αἰάκης κελευόντων τῶν Περσέων, δεόμενος σφέων ἐκλιπεῖν τὴν Ἰώνων συμμαχίην· οἱ
Σάμιοι ὦν ὁρῶντες ἐοῦσαν ἅμα μὲν ἀταξίην πολλὴν ἐκ τῶν Ἰώνων ἐδέκοντο τοὺς
λόγους, ἅμα δὲ κατεφαίνετό σφι εἶναι ἀδύνατα τὰ βασιλέος πρήγματα ὑπερβαλέσθαι,
εὖ δὲ ἐπιστάμενοι ὡς εἰ καὶ τὸ παρεὸν ναυτικὸν ὑπερβαλοίατο τὸν Δαρεῖον, ἄλλο σφι
παρέσται πενταπλήσιον. (2) προφάσιος ὦν ἐπιλαβόμενοι, ἐπείτε τάχιστα εἶδον τοὺς
Ἴωνας οὐ βουλομένους εἶναι χρηστούς, ἐν κέρδεϊ ἐποιεῦντο περιποιῆσαι τά τε ἱρὰ τὰ
σφέτερα καὶ τὰ ἴδια. ὁ δὲ Αἰάκης, παρ᾽ ὅτευ τοὺς λόγους ἐδέκοντο οἱ Σάμιοι, παῖς μὲν
ἦν Συλοσῶντος τοῦ Αἰάκεος, τύραννος δὲ ἐὼν Σάμου ὑπὸ τοὺ Μιλησίου Ἀρισταγόρεω
ἀπεστέρητο τὴν ἀρχὴν κατά περ οἱ ἄλλοι τῆς Ἰωνίης τύραννοι.
| [6,13] Les généraux samiens, instruits de la conduite des Ioniens, et
témoins oculaires du désordre, qui régnait parmi eux, acceptèrent les
offres d'Aeacès, fils de Syloson, qui les avait déjà fait prier de la part
des Perses de renoncer à la confédération des Ioniens. Ils le firent
d'autant plus volontiers, qu'il leur paraissait impossible de l'emporter
sur un prince aussi puissant que Darius, et qu'ils étaient bien assurés
que si la flotte des Perses était battue, il en viendrait une autre cinq
fois plus forte. Aussitôt, dis-je, qu'ils eurent remarqué la mauvaise
conduite des Ioniens, ils saisirent ce prétexte pour les abandonner, et
regardèrent la conservation de leurs édifices sacrés et profanes comme
un très grand avantage. Cet Aeacès, dont ils avaient accepté les
propositions, était fils de Syloson et petit-fils d'Aeacès. Il était tyran de
Samos, lorsque Aristagoras de Milet le dépouilla de sa souveraineté,
ainsi que les autres tyrans d'Ionie.
| [6,14] τότε ὦν ἐπεὶ ἐπέπλεον οἱ Φοίνικες, οἱ Ἴωνες ἀντανῆγον καὶ αὐτοὶ τὰς νέας ἐπὶ
κέρας. ὡς δὲ καὶ ἀγχοῦ ἐγίνοντο καὶ συνέμισγον ἀλλήλοισι, τὸ ἐνθεῦτεν οὐκ ἔχω
ἀτρεκέως συγγράψαι οἵτινες τῶν Ἰώνων ἐγίνοντο ἄνδρες κακοὶ ἢ ἀγαθοὶ ἐν τῇ
ναυμαχίῃ ταύτῃ· ἀλλήλους γὰρ καταιτιῶνται. (2) λέγονται δὲ Σάμιοι ἐνθαῦτα κατὰ τὰ
συγκείμενα πρὸς τὸν Αἰάκεα ἀειράμενοι τὰ ἱστία ἀποπλῶσαι ἐκ τῆς τάξιος ἐς τὴν
Σάμον, πλὴν ἕνδεκα νεῶν· τουτέων δὲ οἱ τριήραρχοι παρέμενον καὶ ἐναυμάχεον
ἀνηκουστήσαντες τοῖσι στρατηγοῖσι· (3) καί σφι τὸ κοινὸν τῶν Σαμίων ἔδωκε διὰ
τοῦτο τὸ πρῆγμα ἐν στήλῃ ἀναγραφῆναι πατρόθεν ὡς ἀνδράσι ἀγαθοῖσι γενομένοισι,
καὶ ἔστι αὕτη ἡ στήλη ἐν τῇ ἀγορῇ. ἰδόμενοι δὲ καὶ Λέσβιοι τοὺς προσεχέας φεύγοντας
τὠυτὸ ἐποίευν τοῖσι Σαμίοισι· ὣς δὲ καὶ οἱ πλεῦνες τῶν Ἰώνων ἐποίευν τὰ αὐτὰ ταῦτα.
| [6,14] Lorsque les Phéniciens firent avancer leurs vaisseaux contre les
Ioniens, ceux-ci allèrent aussi à leur rencontre, leurs vaisseaux en
ligne et sur un front étroit. Les deux flottes s'étant approchées, la
mêlée commença; mais depuis ce moment je ne puis assurer quels
furent ceux d'entre les Ioniens qui dans ce combat se déshonorèrent
par leur lâcheté, ou qui se signalèrent par leur valeur car ils s'accusent
réciproquement, et rejettent le blâme de leur défaite les uns sur les
autres. Mais on dit que les Samiens, ayant déployé leurs voiles,
quittèrent leurs rangs, comme ils en étaient convenus avec Aeacès, et
cinglèrent vers Samos, excepté onze vaisseaux, dont les capitaines,
refusant d'obéir à leurs chefs, restèrent et se battirent. Le conseil
général des Samiens ordonna qu'en mémoire de cette action on
élèverait une colonne où seraient gravés leurs noms avec ceux de leurs
ancêtres, comme un témoignage de leur valeur. Cette colonne est dans
la place publique. Les Lesbiens, voyant prendre la fuite aux Samiens
qui étaient près d'eux, s'enfuirent aussi, et leur exemple fut suivit par
un grand nombre d'Ioniens.
| | |