[14,8] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ηʹ.
Περὶ Καρνεάδου τοῦ τὴν τρίτην Ἀκαδημίαν ὑποστησαμένου. Ἀπὸ τοῦ αὐτοῦ
« Καρνεάδης δὲ ἐκδεξάμενος παρ´ Ἡγησίνου, χρεὼν φυλάξαι ὅσα ἀκίνητα καὶ
ὅσα κεκινημένα ἦν, τούτου μὲν ἠμέλει, εἰς δ´ Ἀρκεσίλαον, εἴτ´ οὖν ἀμείνω
εἴτε καὶ φαυλότερα ἦν, ἐπανενεγκὼν διὰ μακροῦ τὴν μάχην ἀνενέαζε.»
Καὶ ἑξῆς ἐπιλέγει·
« Ἦγε δ´ οὖν καὶ οὗτος καὶ ἀπέφερεν ἀντιλογίας τε καὶ στροφὰς λεπτολόγους
συνέφερε τῇ μάχῃ ποικίλλων ἐξαρνητικός τε καὶ καταφατικός τε ἦν
κἀμφοτέρωθεν ἀντιλογικός· εἴ τε που ἔδει τι καὶ θαῦμα ἐχόντων λόγων,
ἐξηγείρετο λάβρος οἷον ποταμὸς ῥοώδης, σφοδρῶς ῥέων, πάντα καταπιμπλὰς τὰ
τῇδε καὶ τἀκεῖθι, καὶ εἰσέπιπτε καὶ συνέσυρε τοὺς ἀκούοντας διὰ θορύβου.
Τοιγαροῦν ἀπάγων τοὺς ἄλλους αὐτὸς ἔμενεν ἀνεξαπάτητος, ὃ μὴ προσῆν τῷ
Ἀρκεσιλάῳ. Ἐκεῖνος μέν γε περιερχόμενος τῇ φαρμάξει τοὺς συγκορυβαντιῶντας
ἔλαθεν ἑαυτὸν πρῶτον ἐξηπατηκὼς μὴ ᾐσθῆσθαι, πεπεῖσθαι δ´ ἀληθῆ εἶναι, ἃ
λέγει, διὰ τῆς ἁπαξαπάντων ἀναιρέσεως χρημάτων. Κακὸν δὲ ἦν ἂν κακῷ
ἐπανακείμενον, ὁ Καρνεάδης τῷ Ἀρκεσιλάῳ, μὴ χαλάσας τι σμικρόν, ὑφ´ οὗ οὐκ
ἄπρακτοι ἔμελλον ἔσεσθαι, κατὰ τὰς ἀπὸ τοῦ πιθανοῦ λεγομένας αὐτῷ θετικάς
τε καὶ ἀρνητικὰς φαντασίας τοῦ εἶναι τόδε τι ζῷον ἢ μὴ ζῷον εἶναι. Τοῦτο
οὖν ὑπανείς, ὥσπερ οἱ ἀναχάζοντες θῆρες βιαιότερον καὶ μᾶλλον ἑαυτοὺς
ἱεῖσιν εἰς τὰς αἰχμὰς καὐτὸς ἐνδοὺς δυνατώτερον ἐπῆλθεν· ἐπεί τε ὑποσταίη
τε καὶ εὖ τύχοι, τηνικαῦτα ἤδη καὶ οὗ προὐδέδοκτο ἑκὼν ἠμέλει καὶ οὐκ
ἐμέμνητο. Τὸ γὰρ ἀληθές τε καὶ τὸ ψεῦδος ἐν τοῖς πράγμασιν ἐνεῖναι
συγχωρῶν, ὥσπερ ξυνεργαζόμενος τῆς ζητήσεως τρόπῳ παλαιστοῦ δεινοῦ λαβὴν
δοὺς περιεγίγνετο ἔνθεν. Κατὰ γὰρ τὴν τοῦ πιθανοῦ ῥοπὴν ἑκάτερον παρασχὼν
οὐδέτερον εἶπε βεβαίως καταλαμβάνεσθαι. Ἦν γοῦν λῃστὴς καὶ γόης σοφώτερος.
Παραλαβὼν γὰρ ἀληθεῖ μὲν ὅμοιον ψεῦδος, καταληπτικῇ δὲ φαντασίᾳ καταληπτὸν
ὅμοιον καὶ ἀγαγὼν εἰς τὰς ἴσας, οὐκ εἴασεν οὔτε τὸ ἀληθὲς εἶναι οὔτε τὸ
ψεῦδος, ἢ οὐ μᾶλλον τὸ ἕτερον τοῦ ἑτέρου ἢ μᾶλλον ἀπὸ τοῦ πιθανοῦ. Ἦν οὖν
ὀνείρατα ἀντὶ ὀνειράτων, διὰ τὸ ὁμοίας φαντασίας ἀληθέσιν εἶναι τὰς
ψευδεῖς, ὡς ἀπὸ ᾠοῦ κηρίνου πρὸς τὸ ἀληθινὸν ᾠόν. Συνέβαινεν οὖν τὰ κακὰ
καὶ πλείω. Καὶ μέντοι λέγων ὁ Καρνεάδης ἐψυχαγώγει καὶ ἠνδραποδίσατο. Ἦν
δὲ κλέπτων μὲν ἀφανής, φαινόμενος δὲ λῃστής, αἱρῶν καὶ δόλῳ καὶ βίᾳ τοὺς
καὶ πάνυ σφόδρα παρεσκευασμένους. Πᾶσα γοῦν Καρνεάδου διάνοια ἐνίκα καὶ
οὐδεμία ἡτισοῦν ἄλλων, ἐπεὶ καὶ οἷς προσεπολέμει ἦσαν εἰπεῖν ἀδυνατώτεροι.
Ἀντίπατρος γοῦν ὁ κατ´ αὐτὸν γενόμενος ἔμελλε μὲν καὶ ἀγωνιᾶν τι γράφειν,
πρὸς δ´ οὖν τοὺς ἀπὸ Καρνεάδου καθ´ ἡμέραν ἀποφερομένους λόγους οὔποτε
ἐδημοσίευσεν, οὐκ ἐν ταῖς διατριβαῖς, οὐκ ἐν τοῖς περιπάτοις οὐδὲ εἶπεν
οὐδὲ ἐφθέγξατο οὐδ´ ἤκουσέ τις αὐτοῦ, φασίν, οὐδὲ γρῦ· ἀντιγραφὰς δὲ
ἐπανετείνετο καὶ γωνίαν λαβὼν βιβλία κατέλιπε γράψας τοῖς ὕστερον, οὔτε
νῦν δυνάμενα καὶ τότε ἦν ἀδυνατώτερα πρὸς οὕτως ἄνδρα ὑπέρμεγαν φανέντα
καὶ καταδόξαντα εἶναι τοῖς τότε ἀνθρώποις τὸν Καρνεάδην. Ὅμως δέ, καίτοι
καὐτὸς ὑπὸ τῆς Στωϊκῆς φιλονεικίας εἰς τὸ φανερὸν κυκῶν, πρός γε τοὺς
ἑαυτοῦ ἑταίρους δι´ ἀπορρήτων ὡμολόγει τε καὶ ἠλήθευε καὶ ἀπεφαίνετο ἃ κἂν
ἄλλος τῶν ἐπιτυχόντων.»
Εἶτα ἑξῆς φησι·
« Καρνεάδου δὲ γίνεται γνώριμος Μέντωρ μὲν πρῶτον, οὐ μὴν διάδοχος· ἀλλ´
ἔτι ζῶν Καρνεάδης ἐπὶ παλλακῇ μοιχὸν εὑρών, οὐχ ὑπὸ πιθανῆς φαντασίας οὐδ´
ὡς μὴ κατειληφώς, ὡς δὲ μάλιστα πιστεύων τῇ ὄψει καὶ καταλαβὼν παρῃτήσατο
τῆς διατριβῆς. Ὁ δὲ ἀποστὰς ἀντεσοφίστευε καὶ ἀντίτεχνος ἦν, ἐλέγχων αὐτοῦ
τὴν ἐν τοῖς λόγοις ἀκαταληψίαν. »
Καὶ πάλιν ἐπιφέρει λέγων·
« Ὁ δὲ Καρνεάδης, οἷον ἀντεστραμμένα φιλοσοφῶν, τοῖς ψεύμασιν
ἐκαλλωπίζετο καὶ ὑπ´ αὐτοῖς τὰ ἀληθῆ ἠφάνιζε. Παραπετάσμασιν οὖν ἐχρῆτο
τοῖς ψεύμασι καὶ ἠλήθευεν ἔνδον λανθάνων καπηλικώτερον. Ἔπασχεν οὖν πάθημα
ὀσπρίων, ὧν τὰ μὲν κενὰ ἐπιπολάζει τε τῷ ὕδατι καὶ ὑπερέχει, τὰ χρηστὰ δὲ
αὐτῶν ἐστι κάτω καὶ ἐν ἀφανεῖ. »
Ταῦτα καὶ περὶ Καρνεάδου λέγεται. Διάδοχος δ´ αὐτοῦ τῆς διατριβῆς
καθίσταται Κλειτόμαχος, μεθ´ ὃν Φίλων, οὗ πέρι ὁ Νουμήνιος μνημονεύει ταῦτα·
| [14,8] CHAPITRE VIII.
DE CARNÉADE FONDATEUR DE LA TROISIÈME ACADÉMIE.
TIRÉ DU MÊME AUTEUR.
«Carnéade ayant pris la direction de cette école, lorsque son devoir
était de conserver ce qui était resté intact et même de défendre ce qu'on
avait cherché à ébranler (dans la philosophie de Platon); il n'en prit
aucun soin, ne remontant qu'à Arcésilas; et, sans chercher à distinguer ce
qui était mieux de ce qui était pire, il renouvela un combat suspendu
depuis longtemps.»
Il continue plus bas :
«Il apportait et retirait ensuite ; et, diversifiant sa manière de
combattre, il opposait des réfutations, des revirements pleins de finesse
: il niait, il affirmait : tout son art consistait en antilogies. Si,
parfois, il fallait produire de l'effet, il se réveillait impétueux comme
un fleuve rapide, coulant à pleins bords, remplissant toutes ses rives de
droite et de gauche ; tombant avec force sur ses auditeurs, il les
entraînait dans le trouble de son action. Toutefois, en imprimant aux
autres un mouvement aussi violent, il restait maître de lui-même, ne se
laissant point égarer par ses sophismes: ce qui n'était pas le cas chez
Arcésilas. Celui-ci, enivré lui-même par le poison qu'il versait aux
compagnons de son délire, ne s'apercevait pas qu'il était sa première dupe
et se persuadait que les paroles qu'il disait, lesquelles tendaient à
réduire tout au néant, étaient la vérité même. Aussi Carnéade était un
nouveau mal enté sur le mal d'Arcésilas. Il ne relâchait pas un seul
moment, pour ne laisser aucun repos à ses auditeurs ; en faisant sortir du
persuasif ces imaginations appelées par lui g-phantasiai g-apo g-pithanou, soit
affirmatives, soit négatives, prouvant que ceci est ou que ceci n'est pas
un animal. Puis, battant en retraite, comme les animaux qu'on
attaque, qui ensuite reviennent avec plus de furie se précipiter sur les
épieux, après un moment de concession, il recommençait l'attaque avec plus
de force. Lorsque le calme était revenu et qu'il triomphait, alors il
négligeait volontairement ce dont il avait fait le principe de sa preuve
et ne s'en souvenait plus; parce qu'en accordant qu'il y eût, en effet,
une vérité et une erreur essentielles dans les choses, puis, faisant
semblant de venir aider ceux qui cherchent la démonstration de cette
proposition, il eut donné prise; et, à la manière des habiles lutteurs, il
gagnait l'avantage par le moyen de ce stratagème. C'est à l'aide de
l'inclinaison alterne qu'il imprimait au persuasif (g-to g-pithanon) qu'il
amenait celte conclusion, qu'on ne peut rien concevoir avec certitude.
C'était le filou et le joueur de tours le plus délié qu'il y eût; car en
admettant que l'erreur est de pair avec la vérité, que la compréhension
est égale à l'imagination compréhensive, en établissant une égalité
parfaite entre ces choses il ne permettait plus de dire ni qu'il y eût une
vérité, ni qu'il y eût un mensonge, ni que l'un fût plus certain que
l'autre ou plus propre à être persuadé. C'était donc songe pour songe
puisque les imaginations fausses ne différaient pas plus des réelles qu'un
œuf de cire d'un œuf véritable ; et, cependant Carnéade entraînait par le
charme de son éloquence et asservissait son auditoire. C'était un voleur
qui s'introduisait à la dérobée, el puis se montrait comme franc voleur,
dépouillant par ruse ou par violence ceux même qui étaient mieux préparés
à lui tenir tête. Aussi les doctrines de Carnéade l'emportaient
généralement, et aucune autre ne pouvait tenir contre elles: tous ceux qui
osaient le combattre lui étaient très inférieurs pour l'éloquence. Il est
vrai qu'Antipatre, qui fut son contemporain, conçut l'idée d'écrire pour
le réfuter; mais jamais il ne fit paraître rien contre les discours
improvisés, chaque jour, par Carnéade, dans les écoles, dans les lieux de
promenades ; n'ouvrant jamais la bouche : seulement, il se contentait de
composer ses réfutations, en se cachant dans les coins les plus reculés.
C'est ainsi qu'il légua à la postérité les livres qu'il avait écrits qui,
même aujourd'hui, n'ont pas une grande valeur; mais qui alors, auraient
été bien moins forts contre un homme qui comme Carnéade, s'était montré si
grand et qui avait tellement fasciné tous ses contemporains.
Cependant, cet homme qui confondait tout, en public, par sa rivalité
contre les Stoïciens, dans les confidences secrètes à ses amis, rendait
hommage à la vérité, et s'exprimait comme l'aurait fait le premier venu. »
Plus bas, il dit encore :
«Mentor fut bien le premier disciple de Carnéade ; mais il ne fut pas son
successeur, parce que Carnéade, de son vivant, l'ayant surpris dans un
commerce adultère avec sa concubine, non par l'effet d'une persuasion
imaginaire (g-pithaneh g-phantasia), ni comme privé de la faculté compréhensible
: mais s'en rapportant beaucoup plus à sa vue; et, l'ayant bien clairement
convaincu, il le chassa de son école. Le déserteur se mit à opposer une
école de sophismes à celle de Carnéade et à rivaliser de talent avec lui,
prouvant l'erreur de son système d'incompréhensibilité, bornée aux discours. »
Puis il ajoute :
«Carnéade professant les opinions opposées, dans sa philosophie, se
faisait gloire des mensonges qu'il soutenait, et d'avoir éclipsé la vérité
sous leur prestige : il faisait étalage de mensonges (comme d'un rideau de
théâtre), en cachant, derrière, la vérité, à la manière des charlatans. Il
avait le sort des légumes dont ceux qui sont vides surnagent et se
montrent, tandis que les bons restent en dessous et demeurent cachés. »
C'est ainsi qu'il parle de Carnéade. Clitomaque prit sa place en qualité
de successeur, après lequel vint Philon que Numénius nous dépeint ainsi
qu'il suit :
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