[14,21] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΚΑʹ.
Πρὸς τοὺς κατ´ Ἐπίκουρον ἡδονὴν τέλος ὁριζομένους. Ἀπὸ τοῦ αὐτοῦ
« Ἐπειδή ἐστι γνῶσις διττή, ἡ μὲν τῶν ἔξω πραγμάτων, ἡ δὲ τῶν ἡμῖν αἱρετῶν
καὶ φευκτῶν, ἔνιοί φασι τῆς αἱρέσεως καὶ φυγῆς ἀρχὴν καὶ κριτήριον ἔχειν
ἡμᾶς τὴν ἡδονὴν καὶ τὸν πόνον· ἔτι γέ τοι καὶ νῦν τοιαῦτά τινα λέγουσιν οἱ
περὶ τὸν Ἑπίκουρον· ἀναγκαίως οὖν ἔχει καὶ περὶ τούτου σκέψασθαι. Τοσούτου
τοίνυν ἔγωγε δέω λέγειν ἀρχὴν εἶναι καὶ κανόνα τῶν ἀγαθῶν καὶ τῶν κακῶν τὸ
πάθος, ὥστε ἔμοιγε δοκεῖ τοῦτο αὐτὸ κριτηρίου δεῖσθαι. Διότι μὲν γὰρ
ἔστιν, ἑαυτὸ δείκνυσιν, ὁποῖον δ´ ἐστὶν ἑτέρου δεῖ τοῦ κρινοῦντος. Εἰ μὲν
γὰρ οἰκεῖον ἢ ἀλλότριον, ἡ αἴσθησις λέγει, πότερον δ´ αἱρετὸν ἢ φευκτόν, ὁ
λόγος. Αὐτοί γέ τοί φασιν οὐ πᾶσαν ἡδονὴν ἀσπάζεσθαι καὶ πάντα πόνον
ἐκτρέπεσθαι. Τοῦτο δὲ συμβέβηκε καὶ μάλα εἰκότως. Τὰ μὲν γὰρ κριτήρια καὶ
ἑαυτὰ δείκνυσι καὶ τὰ κρινόμενα, τὸ μέντοι πάθος ἑαυτὸ μόνον. Ὅτι δ´ οὕτως
ἔχει, μαρτυροῦσιν αὐτοί. Καίπερ γὰρ ἀξιοῦντες ἅπασαν ἡδονὴν ἀγαθὸν εἶναι
καὶ πᾶσαν ἀλγηδόνα κακόν, ὅμως οὐκ ἀεί φασι δεῖν τὴν μὲν αἱρεῖσθαι, τὴν δὲ
φεύγειν· μετρεῖσθαι γὰρ αὐτὰ τῷ ποσῷ, εἰ καὶ οὐ τῷ ποιῷ. Δῆλον οὖν ὡς τό
γε ποσὸν οὐδὲν ἀλλ´ ἢ ὁ λόγος κρίνει· τὸ γὰρ
« Ἂμεινόν ἐστιν ὑπομεῖναι τούσδε τινὰς τοὺς πόνους, ὅπως ἡσθείημεν ἡδονὰς
μείζους »
καὶ τὸ
« Συμφέρει τῶνδέ τινων ἀπέχεσθαι τῶν ἡδονῶν, ἵνα μὴ ἀλγῶμεν ἀλγηδόνας
χαλεπωτέρας »
καὶ πάντα τὰ τοιαῦτα λόγος ὁ κρίνων ἐστίν. Τὸ δ´ ὅλον, αἱ μὲν αἰσθήσεις
καὶ αἱ φαντασίαι καθαπερεὶ κάτοπτρα καὶ εἰκόνες ἐοίκασι τῶν πραγμάτων
εἶναι· τὰ μέντοι πάθη καὶ αἱ ἡδοναὶ καὶ οἱ πόνοι τροπαὶ καὶ ἀλλοιώσεις
ἡμῶν αὐτῶν. Ταύτη δὲ αἰσθανόμενοι μὲν καὶ φαντασιούμενοι πρὸς τὰ ἔξω
βλέπομεν, ἡδόμενοι δὲ καὶ ἀλγοῦντες ἐπιστρέφομεν ἐπὶ μόνους ἑαυτούς. Τὰς
μὲν γὰρ αἰσθήσεις ἡμῶν τὰ ἔξω ποιεῖ καὶ ὁποῖα ἂν ᾖ ἐκεῖνα, τοιαύτας
ἀπεργάζεται καὶ τὰς φαντασίας, τὰ δὲ πάθη ποιὰ ἄττα γίνεται δι´ ἡμᾶς καὶ
ὡς ἂν ἡμεῖς ἔχωμεν. Διὸ ταῦτα ποτὲ μὲν ἡδέα, ποτὲ δ´ ἀηδῆ φαίνεται καὶ
ἔσθ´ ὅτε μὲν μᾶλλον, ἔσθ´ ὅτε δὲ ἧττον. Ὧν οὕτως ἐχόντων εὑρήσομεν, εἰ
ἐθέλοιμεν σκοπεῖν, ἄριστα τὰς τῆς γνώσεως ἀρχὰς ὑποτιθεμένους ὁπόσοι καὶ
τὰς αἰσθήσεις καὶ τὸν νοῦν παραλαμβάνουσιν. Ἔοικε δ´ ἡ μὲν αἴσθησις ταῖς
ἄρκυσι καὶ τοῖς δικτύοις καὶ τοῖς ἄλλοις τοῖς τοιούτοις θηράτροις, ὁ δὲ
νοῦς καὶ ὁ λόγος τοῖς κυσὶ τοῖς στιβεύουσι καὶ μεταθέουσιν. Αὐτῶν μέντοι
τούτων ἄμεινον φιλοσοφεῖν οἴεσθαι χρὴ τοὺς μήτε ταῖς αἰσθήσεσιν ὡς ἔτυχε
χρωμένους μήτε τὰ πάθη παραλαμβάνοντας ἐπὶ τὴν τἀληθοῦς διάγνωσιν. Ἢ
δεινόν γ´ ἂν εἴη πεφυκότας ἀνθρώπους ἡδοναῖς καὶ πόνοις ἀλόγοις ἐπιτρέπειν
ἑαυτούς, ἀφέντας τὸν θειότατον κριτὴν νοῦν.»
Ταῦτα ἀπὸ τῶν Ἀριστοκλέους.
| [14,21] CHAPITRE XXI.
CONTRE LES ÉPICURIENS QUI ÉTABLISSENT COMME LA FIN QUE NOUS DEVONS NOUS PROPOSER, LA VOLUPTÉ : TIRÉ DU MÊME.
«Comme notre science est double, l'une provenant des choses extérieures,
l'autre, de celles que nous devons rechercher et éviter, certains
philosophes disent que c'est le plaisir et la peine qui doivent nous
guider comme principe et comme critérium pour savoir ce que nous devons
désirer et ce que nous devons fuir. Cette opinion règne encore aujourd'hui
dans l'école d'Épicure; il est donc nécessaire d'en discuter la solidité.
Je suis tellement éloigné de reconnaître que le principe et la règle du
bien soient la souffrance, dans les deux acceptions contraires,
qu'elle me semble tout à fait avoir, elle-même besoin d'une règle qui nous
la fasse juger. La sensation nous dit bien si la souffrance vient de nous
ou du dehors, mais c'est la raison qui enseigne si nous devons la
rechercher ou la fuir: ces philosophes eux-mêmes reconnaissant que toute
volupté n'est pas de nature à ce qu'on l'embrasse imprudemment, ni toute
peine à ce qu'on s'en détourne aussitôt ; et cette manière de penser est
fort sage. Ce que nous nommons critérium ou discernement se déclare de
soi-même et fait aussi connaître les objets soumis à son jugement; tandis
que le pathos ou souffrance ne fait connaître que soi. Je prends ces
philosophes eux-mêmes en témoignage de cette assertion ; car en professant
que toute volupté est le bien par excellence et que toute douleur est le
mal suprême, ils disent que l'on ne doit pas toujours accueillir la
première, ni toujours fuir la dernière ; mais qu'on doit les mesurer
d'après la quantité, si ce n'est pas d'après la qualité. Or, il est clair
que c'est la raison seule qui juge celle quantité ; car
«il est préférable d'endurer certaines peines pour en obtenir des
voluptés infiniment plus grandes, » de même qu'il
« est avantageux de se priver de certaines voluptés pour n'avoir pas à
ressentir à leur suite des douleurs beaucoup plus cuisantes, »
et c'est la raison qui juge toutes ces choses. Dans leur ensemble, les
sensations et les imaginations que nous en obtenons, sont comme des
miroirs et des peintures qui nous reflètent les choses : au lieu que les
souffrances, soit plaisirs, soit peines, sont des manières d'être et des
modifications de nous-mêmes ; ce qui fait que, par les sensations et les
imaginations, nous sommes simples spectateurs du dehors; par les voluptés
ou les douleurs, nous sommes rappelés en nous. Les objets extérieurs,
quels qu'ils soient, par leur nature, donnent naissance aux sensations
telles que nous les percevons, et aux images qui les suivent : les
souffrances, quelles qu'elles soient, ne viennent que de nous, et suivant
la manière dont nous sommes préparés à les recevoir; car tantôt elles nous
flattent agréablement, tantôt elles nous répugnent invinciblement : elles
sont plus ou moins bien venues, suivant les occurrences. Les choses étant
telles, nous reconnaîtrons, pour peu que nous veuillions y faire
attention, que la supposition la plus raisonnable sur le principe de nos
connaissances, est celle qui unit les sensations à l'intelligence. On peut
comparer la sensation aux panneaux et aux lacets ainsi qu'aux autres
instruments de chasse ; l'esprit et la raison, aux chiens qui suivent la
trace du gibier et le poursuivent. On doit donc regarder comme ayant
adopté une meilleure philosophie ceux qui n'accordent pas une confiance
aveugle aux sensations telles qu'elles leur arrivent, ni aux souffrances
telles qu'ils les ressentent, pour la diagnostique de la vérité. Il serait
déplorable, en effet, pour les hommes, du s'abandonner sans réserve aux
plaisirs ou aux peines qui sont dépourvues de raison, en écartant le juge
le plus divin, qui est l'esprit. »
Tous ces extraits sont tirés d'Aristoclès.
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