[350] ὄλοιτο τάδ´ εἴτε σίδαρος
351 εἴτ´ Ἔρις εἴτε πατὴρ ὁ σὸς αἴτιος,
352 εἴτε τὸ δαιμόνιον κατεκώμασε
353 δώμασιν Οἰδιπόδα·
354 πρὸς ἐμὲ γὰρ κακῶν ἔμολε τῶνδ´ ἄχη.
355 (ΧΟΡΟΣ) δεινὸν γυναιξὶν αἱ δι´ ὠδίνων γοναί,
356 καὶ φιλότεκνόν πως πᾶν γυναικεῖον γένος.
357 (ΠΟΛΥΝΕΙΚΗΣ) μῆτερ, φρονῶν εὖ κοὐ φρονῶν ἀφικόμην
358 ἐχθροὺς ἐς ἄνδρας· ἀλλ´ ἀναγκαίως ἔχει
359 πατρίδος ἐρᾶν ἅπαντας· ὃς δ´ ἄλλως λέγει
360 λόγοισι χαίρει, τὸν δὲ νοῦν ἐκεῖς´ ἔχει.
361 οὕτω δὲ τάρβους ἐς φόβον τ´ ἀφικόμην
362 μή τις δόλος με πρὸς κασιγνήτου κτάνηι,
363 ὥστε ξιφήρη χεῖρ´ ἔχων δι´ ἄστεως
364 κυκλῶν πρόσωπον ἦλθον. ἓν δέ μ´ ὠφελεῖ,
365 σπονδαί τε καὶ σὴ πίστις, ἥ μ´ ἐσήγαγεν
366 τείχη πατρῶια· πολύδακρυς δ´ ἀφικόμην,
367 χρόνιος ἰδὼν μέλαθρα καὶ βωμοὺς θεῶν
368 γυμνάσιά θ´ οἷσιν ἐνετράφην Δίρκης θ´ ὕδωρ·
369 ὧν οὐ δικαίως ἀπελαθεὶς ξένην πόλιν
370 ναίω, δι´ ὄσσων νᾶμ´ ἔχων δακρύρροον.
371 ἀλλ´, ἐκ γὰρ ἄλγους ἄλγος αὖ, σὲ δέρκομαι
372 κάρα ξυρῆκες καὶ πέπλους μελαγχίμους
373 ἔχουσαν· οἴμοι τῶν ἐμῶν ἐγὼ κακῶν,
374 ὡς δεινὸν ἔχθρα, μῆτερ, οἰκείων φίλων.
375 {καὶ δυσλύτους ἔχουσα τὰς διαλλαγάς.
376 τί γὰρ πατήρ μοι πρέσβυς ἐν δόμοισι δρᾶι,
377 σκότον δεδορκώς; τί δὲ κασίγνηται δύο;
378 ἦ που στένουσι τλήμονες φυγὰς ἐμάς;}
379 (ΙΟΚΑΣΤΗ) κακῶς θεῶν τις Οἰδίπου φθείρει γένος·
380 οὕτω γὰρ ἤρξατ´, ἄνομα μὲν τεκεῖν ἐμέ,
381 κακῶς δὲ γῆμαι πατέρα σὸν φῦναί τε σέ.
382 ἀτὰρ τί ταῦτα; δεῖ φέρειν τὰ τῶν θεῶν.
383 ὅπως δ´ ἔρωμαι, μή τι σὴν δάκω φρένα,
384 δέδοιχ´, ἃ χρήιζω· διὰ πόθου δ´ ἐλήλυθα.
385 (ΠΟΛΥΝΕΙΚΗΣ) ἀλλ´ ἐξερώτα, μηδὲν ἐνδεὲς λίπηις·
386 ἃ γὰρ σὺ βούληι, ταὔτ´ ἐμοί, μῆτερ, φίλα.
387 (ΙΟΚΑΣΤΗ) {καὶ δή ς´ ἐρωτῶ πρῶτον ὧν χρήιζω τυχεῖν·}
388 τί τὸ στέρεσθαι πατρίδος; ἦ κακὸν μέγα;
389 (ΠΟΛΥΝΕΙΚΗΣ) μέγιστον· ἔργωι δ´ ἐστὶ μεῖζον ἢ λόγωι.
390 (ΙΟΚΑΣΤΗ) τίς ὁ τρόπος αὐτοῦ; τί φυγάσιν τὸ δυσχερές;
391 (ΠΟΛΥΝΕΙΚΗΣ) ἓν μὲν μέγιστον· οὐκ ἔχει παρρησίαν.
392 (ΙΟΚΑΣΤΗ) δούλου τόδ´ εἶπας, μὴ λέγειν ἅ τις φρονεῖ.
393 (ΠΟΛΥΝΕΙΚΗΣ) τὰς τῶν κρατούντων ἀμαθίας φέρειν χρεών.
394 (ΙΟΚΑΣΤΗ) καὶ τοῦτο λυπρόν, συνασοφεῖν τοῖς μὴ σοφοῖς.
395 (ΠΟΛΥΝΕΙΚΗΣ) ἀλλ´ ἐς τὸ κέρδος παρὰ φύσιν δουλευτέον.
396 (ΙΟΚΑΣΤΗ) αἱ δ´ ἐλπίδες βόσκουσι φυγάδας, ὡς λόγος.
397 (ΠΟΛΥΝΕΙΚΗΣ) καλοῖς βλέπουσαί γ´ ὄμμασιν, μέλλουσι δέ.
398 (ΙΟΚΑΣΤΗ) οὐδ´ ὁ χρόνος αὐτὰς διεσάφης´ οὔσας κενάς;
399 (ΠΟΛΥΝΕΙΚΗΣ) ἔχουσιν Ἀφροδίτην τιν´, εὐδίαν κακῶν.
| [350] Périsse la cause de ces maux, quelle qu'elle soit, la guerre,
la discorde, le crime de ton père, ou le mauvais Génie
acharné contre la maison d'OEdipe! car c'est sur moi que
retombe le poids de ces infortunes.
(LE CHOEUR) Les femmes sont étrangement attachées aux
êtres qu'elles ont enfantés dans la douleur : toutes les mères
chérissent leurs enfants.
(POLYNICE) O ma mère, j'ai raison et j'ai tort de revenir au
milieu de mes ennemis. Mais un penchant irrésistible porte
tous les hommes à aimer leur patrie : celui qui soutient le
contraire se fait un jeu de parler ainsi, mais il pense en réalité
comme les autres. J'étais si inquiet en arrivant, j'éprouvais
une telle crainte de périr dans quelque embûche de
mon frère, que j'ai traversé la ville, une épée à la main, en
regardant de tous les côtés. Ce qui me rassure, c'est la trêve,
c'est ta parole, qui m'a décidé à entrer dans les murs de ma
patrie. Combien j'ai pleuré en revoyant, après si longtemps,
la maison paternelle, les autels des dieux, et les gymnases où
j'ai été élevé, et la fontaine de Dircè, ces lieux d'où l'on m'a
injustement banni, pour me condamner à habiter une ville
étrangère et à passer ma vie dans les larmes! Mais une douleur
nouvelle s'ajoute à mes douleurs, quand je vois ta tête
rasée, tes vêtements noirs. O surcroît d'infortune ! Est-il
rien de plus terrible, ô ma mère, que les haines domestiques?
{Qu'il est difficile de les apaiser, et de réconcilier les
familles! Et mon vieux père, que fait-il dans ce palais, où il
ne voit plus que la nuit? Et mes deux soeurs? sans doute
elles gémissent sur mon malheureux exil?}
(JOCASTE) Une divinité ennemie perd la race d'OEdipe : c'est
elle, pour commencer, qui a voulu ma criminelle maternité,
l'odieux hymen de ton père, ta naissance. Mais à quoi bon
rappeler ces souvenirs? Il faut subir les arrêts des dieux. Je
crains d'aigrir ta douleur en te demandant ce que je désire
savoir : j'ai pourtant grande envie de t'interroger.
(POLYNICE) Interroge-moi, n'omets rien. Ce que tu souhaites,
ma mère, m'agrée à moi-même.
(JOCASTE) Eh bien! je te fais d'abord la question qui me
tient au coeur. Qu'est-ce que l'exil ? est-ce un grand malheur?
(POLYNICE) Le plus grand de tous, et plus grand encore en
réalité qu'il ne le paraît.
(JOCASTE) En quoi consiste-t-il? de quoi souffrent les exilés?
(POLYNICE) De la pire des souffrances : ils n'ont pas la liberté
de parler.
(JOCASTE) C'est le sort des esclaves de ne pouvoir dire ce
qu'ils pensent.
(POLYNICE) Il leur faut supporter la sottise des puissants.
(JOCASTE) Dure nécessité, en effet : déraisonner avec ceux
qui ont perdu la raison!
(POLYNICE) Pourtant, si l'on y trouve son profit, on doit
faire violence à sa nature, et se comporter en esclave.
(JOCASTE) L'espérance, dit-on, nourrit l'exilé.
(POLYNICE) Oui, de riantes perspectives : mais elle le fait
bien attendre.
(JOCASTE) Et le temps n'a pas fini par t'en montrer la vanité?
(POLYNICE) Elle a je ne sais quel charme pour adoucir nos maux.
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