[24] Scène XXIV – vers 1317-1419
(ΜΗΔΕΙΑ) τί τάσδε κινεῖς κἀναμοχλεύεις πύλας͵
νεκροὺς ἐρευνῶν κἀμὲ τὴν εἰργασμένην;
παῦσαι πόνου τοῦδ΄. εἰ δ΄ ἐμοῦ χρείαν ἔχεις͵
1320 λέγ΄͵ εἴ τι βούλῃ͵ χειρὶ δ΄ οὐ ψαύσεις ποτέ.
τοιόνδ΄ ὄχημα πατρὸς ῞Ηλιος πατὴρ
δίδωσιν ἡμῖν͵ ἔρυμα πολεμίας χερός.
(ΙΑΣΩΝ) ὦ μῖσος͵ ὦ μέγιστον ἐχθίστη γύναι
θεοῖς τε κἀμοὶ παντί τ΄ ἀνθρώπων γένει͵
ἥτις τέκνοισι σοῖσιν ἐμβαλεῖν ξίφος
ἔτλης τεκοῦσα͵ κἄμ΄ ἄπαιδ΄ ἀπώλεσας·
καὶ ταῦτα δράσασ΄ ἥλιόν τε προσβλέπεις
καὶ γαῖαν͵ ἔργον τλᾶσα δυσσεβέστατον·
ὄλοι΄· ἐγὼ δὲ νῦν φρονῶ͵ τότ΄ οὐ φρονῶν͵
1330 ὅτ΄ ἐκ δόμων σε βαρβάρου τ΄ ἀπὸ χθονὸς
Ἕλλην΄ ἐς οἶκον ἠγόμην͵ κακὸν μέγα͵
πατρός τε καὶ γῆς προδότιν ἥ σ΄ ἐθρέψατο.
τὸν σὸν δ΄ ἀλάστορ΄ εἰς ἔμ΄ ἔσκηψαν θεοί·
κτανοῦσα γὰρ δὴ σὸν κάσιν παρέστιον
τὸ καλλίπρῳρον εἰσέβης Ἀργοῦς σκάφος.
ἤρξω μὲν ἐκ τοιῶνδε· νυμφευθεῖσα δὲ
παρ΄ ἀνδρὶ τῷδε καὶ τεκοῦσά μοι τέκνα͵
εὐνῆς ἕκατι καὶ λέχους σφ΄ ἀπώλεσας.
οὐκ ἔστιν ἥτις τοῦτ΄ ἂν Ἑλληνὶς γυνὴ
1340 ἔτλη ποθ΄͵ ὧν γε πρόσθεν ἠξίουν ἐγὼ
γῆμαι σέ͵ κῆδος ἐχθρὸν ὀλέθριόν τ΄ ἐμοί͵
λέαιναν͵ οὐ γυναῖκα͵ τῆς Τυρσηνίδος
Σκύλλης ἔχουσαν ἀγριωτέραν φύσιν.
ἀλλ΄ οὐ γὰρ ἄν σε μυρίοις ὀνείδεσι
δάκοιμι· τοιόνδ΄ ἐμπέφυκέ σοι θράσος·
ἔρρ΄͵ αἰσχροποιὲ καὶ τέκνων μιαιφόνε·
ἐμοὶ δὲ τὸν ἐμὸν δαίμον΄ αἰάζειν πάρα͵
ὃς οὔτε λέκτρων νεογάμων ὀνήσομαι͵
οὐ παῖδας οὓς ἔφυσα κἀξεθρεψάμην
1350 ἕξω προσειπεῖν ζῶντας͵ ἀλλ΄ ἀπώλεσα.
(ΜΗΔΕΙΑ) μακρὰν ἂν ἐξέτεινα τοῖσδ΄ ἐναντίον
λόγοισιν͵ εἰ μὴ Ζεὺς πατὴρ ἠπίστατο
οἷ΄ ἐξ ἐμοῦ πέπονθας οἷά τ΄ εἰργάσω·
σὺ δ΄ οὐκ ἔμελλες τἄμ΄ ἀτιμάσας λέχη
τερπνὸν διάξειν βίοτον ἐγγελῶν ἐμοί·
οὐδ΄ ἡ τύραννος͵ οὐδ΄ ὁ σοὶ προσθεὶς γάμους
Κρέων ἀνατεὶ τῆσδέ μ΄ ἐκβαλεῖν χθονός.
πρὸς ταῦτα καὶ λέαιναν͵ εἰ βούλῃ͵ κάλει
καὶ Σκύλλαν ἣ Τυρσηνὸν ᾤκησεν πέδον·
1360 τῆς σῆς γὰρ ὡς χρὴ καρδίας ἀνθηψάμην.
(ΙΑΣΩΝ) καὐτή γε λυπῇ καὶ κακῶν κοινωνὸς εἶ.
(ΜΗΔΕΙΑ) σάφ΄ ἴσθι· λύει δ΄ ἄλγος͵ ἢν σὺ μὴ ΄γγελᾷς.
(ΙΑΣΩΝ) ὦ τέκνα͵ μητρὸς ὡς κακῆς ἐκύρσατε.
(ΜΗΔΕΙΑ) ὦ παῖδες͵ ὡς ὤλεσθε πατρῴᾳ νόσῳ.
(ΙΑΣΩΝ) οὔτοι νυν ἡμὴ δεξιά σφ΄ ἀπώλεσεν.
(ΜΗΔΕΙΑ) ἀλλ΄ ὕβρις͵ οἵ τε σοὶ νεοδμῆτες γάμοι.
(ΙΑΣΩΝ) λέχους σφε κἠξίωσας οὕνεκα κτανεῖν.
(ΜΗΔΕΙΑ) σμικρὸν γυναικὶ πῆμα τοῦτ΄ εἶναι δοκεῖς;
(ΙΑΣΩΝ) ἥτις γε σώφρων· σοὶ δὲ πάντ΄ ἐστὶν κακά.
1370 (ΜΗΔΕΙΑ) οἵδ΄ οὐκέτ΄ εἰσί· τοῦτο γάρ σε δήξεται.
(ΙΑΣΩΝ) οἵδ΄ εἰσίν͵ οἴμοι͵ σῷ κάρᾳ μιάστορες.
(ΜΗΔΕΙΑ) ἴσασιν ὅστις ἦρξε πημονῆς θεοί.
(ΙΑΣΩΝ) ἴσασι δῆτα σήν γ΄ ἀπόπτυστον φρένα.
(ΜΗΔΕΙΑ) στύγει· πικρὰν δὲ βάξιν ἐχθαίρω σέθεν.
(ΙΑΣΩΝ) καὶ μὴν ἐγὼ σήν· ῥᾴδιον δ΄ ἀπαλλαγαί.
(ΜΗΔΕΙΑ) πῶς οὖν; τί δράσω; κάρτα γὰρ κἀγὼ θέλω.
(ΙΑΣΩΝ) θάψαι νεκρούς μοι τούσδε καὶ κλαῦσαι πάρες.
(ΜΗΔΕΙΑ) οὐ δῆτ΄͵ ἐπεί σφας τῇδ΄ ἐγὼ θάψω χερί͵
φέρουσ΄ ἐς ῞Ηρας τέμενος Ἀκραίας θεοῦ͵
1380 ὡς μή τις αὐτοὺς πολεμίων καθυβρίσῃ͵
τύμβους ἀνασπῶν· γῇ δὲ τῇδε Σισύφου
σεμνὴν ἑορτὴν καὶ τέλη προσάψομεν
τὸ λοιπὸν ἀντὶ τοῦδε δυσσεβοῦς φόνου.
αὐτὴ δὲ γαῖαν εἶμι τὴν Ἐρεχθέως͵
Αἰγεῖ συνοικήσουσα τῷ Πανδίονος.
σὺ δ΄͵ ὥσπερ εἰκός͵ κατθανῇ κακὸς κακῶς͵
Ἀργοῦς κάρα σὸν λειψάνῳ πεπληγμένος͵
πικρὰς τελευτὰς τῶν ἐμῶν γάμων ἰδών.
(ΙΑΣΩΝ) ἀλλά σ΄ Ἐρινὺς ὀλέσειε τέκνων
1390 φονία τε Δίκη.
(ΜΗΔΕΙΑ) τίς δὲ κλύει σοῦ θεὸς ἢ δαίμων͵
τοῦ ψευδόρκου καὶ ξειναπάτου;
(ΙΑΣΩΝ) φεῦ φεῦ͵ μυσαρὰ καὶ παιδολέτορ.
(ΜΗΔΕΙΑ) στεῖχε πρὸς οἴκους καὶ θάπτ΄ ἄλοχον.
(ΙΑΣΩΝ) στείχω͵ δισσῶν γ΄ ἄμορος τέκνων.
(ΜΗΔΕΙΑ) οὔπω θρηνεῖς· μένε καὶ γῆρας.
(ΙΑΣΩΝ) ὦ τέκνα φίλτατα.
(ΜΗΔΕΙΑ) μητρί γε͵ σοὶ δ΄ οὔ.
(ΙΑΣΩΝ) κἄπειτ΄ ἔκανες;
(ΜΗΔΕΙΑ) σέ γε πημαίνουσ΄.
(ΙΑΣΩΝ) ὤμοι͵ φιλίου χρῄζω στόματος
1400 παίδων ὁ τάλας προσπτύξασθαι.
(ΜΗΔΕΙΑ) νῦν σφε προσαυδᾷς͵ νῦν ἀσπάζῃ͵
τότ΄ ἀπωσάμενος.
(ΙΑΣΩΝ) δός μοι πρὸς θεῶν
μαλακοῦ χρωτὸς ψαῦσαι τέκνων.
(ΜΗΔΕΙΑ) οὐκ ἔστι· μάτην ἔπος ἔρριπται.
(ΙΑΣΩΝ) Ζεῦ͵ τάδ΄ ἀκούεις ὡς ἀπελαυνόμεθ΄͵
οἷά τε πάσχομεν ἐκ τῆς μυσαρᾶς
καὶ παιδοφόνου τῆσδε λεαίνης;
ἀλλ΄ ὁπόσον γοῦν πάρα καὶ δύναμαι
τάδε καὶ θρηνῶ κἀπιθεάζω͵
1410 μαρτυρόμενος δαίμονας ὥς μοι
τέκνα κτείνασ΄ ἀποκωλύεις
ψαῦσαί τε χεροῖν θάψαι τε νεκρούς͵
οὓς μήποτ΄ ἐγὼ φύσας ὄφελον
πρὸς σοῦ φθιμένους ἐπιδέσθαι.
(ΧΟΡΟΣ) πολλῶν ταμίας Ζεὺς ἐν Ὀλύμπῳ͵
πολλὰ δ΄ ἀέλπτως κραίνουσι θεοί·
καὶ τὰ δοκηθέντ΄ οὐκ ἐτελέσθη͵
τῶν δ΄ ἀδοκήτων πόρον ηὗρε θεός.
1419 τοιόνδ΄ ἀπέβη τόδε πρᾶγμα.
| [24] Scène XXIV – vers 1317-1419
MÉDÉE (1317-1322) (Sarcastique)
Pourquoi les secoues-tu et les forces-tu, ces portes? Rechercherais-tu des
morts et moi, l'auteur de tout? Arrête de te donner tout ce mal! Si c'est de
moi dont tu as besoin, parle au cas où tu veux quelque chose...
(Jason fait un geste vers elle)
Ta main ne me touchera jamais! Ce char, le père de mon père- oui Hèlios!
- me le donne, comme rempart contre une agression ennemie.
JASON (1323-1350)
Ô femme la plus haïssable, toi que les dieux exècrent le plus, et moi aussi
et tout le genre humain... Contre tes propres enfants tu as osé porter le
fer, toi qui les a mis au monde...Tu m'as tué en me privant de mes
enfants... Et dire qu'après avoir fait tout cela, tu contemples le soleil et la
terre, toi qui a osé l'acte le plus impie!.. .
Si tu pouvais périr...
Moi, maintenant je comprends... Je n'avais rien compris avant, lorsque je
t'ai fait quitter ton palais et ta terre barbare pour une maison grecque, toi
ce grand fléau, toi qui trahissais ton père et la terre qui t'avait nourrie! Le
génie vengeur de tes crimes, c'est contre moi que les dieux l'ont lancé,
car tu venais de tuer ton frère dans votre foyer quand tu t'es embarquée
sur Argo à la belle proue...
C'est comme ça que tu as commencé. Toi qui as épousé celui qui te parle
et m'as mis au monde des petits, c'est pour défendre ton lit d'épouse que
tu les as tués! Il n'y a aucune femme grecque qui aurait osé cela... Ces
femmes auxquelles je t'ai préférée comme épouse... Je me suis engagé
avec une ennemie qui a causé ma perte, (1342) avec une lionne, pas une
femme, car tu as une nature plus féroce que Scylla la Tyrrhénienne...
Mais, bien sûr, ce n'est pas avec des reproches sans fin que je pourrais te
mordre. Quelle impudence est en toi! Va-t-en à ta perte, infâme scélérate
souillée du sang de tes enfants!
Sur moi, sur mon destin, je ne peux plus que gémir: je ne connaîtrai pas
les joies de mon nouveau mariage et les enfants que j'ai engendrés et
élevés pour moi, jamais plus je ne pourrai leur parler, à eux vivants... Je
les ai perdus.
MÉDÉE (1351-1360)
J'aurais beaucoup à répliquer à ces propos, si Zeus, père de l'univers, ne
savait pas tout ce que tu as obtenu de moi et comment tu m'as traitée. Tu
n'allais pas après avoir déshonoré ma couche poursuivre une vie agréable
en me tournant en ridicule, et ta princesse non plus d'ailleurs, et Créon,
qui t'a proposé ce mariage, n'allait pas m'expulser de cette terre en toute
impunité... Cela étant, si cela te plaît, traite-moi de (1368) lionne ou de
(1369) Scylla qui vit en Tyrrhénie, car ton coeur je l'ai, comme il se doit,
atteint en retour.
JASON (1361)
Toi aussi tu souffres et tu as ta part de malheurs.
MÉDÉE (1362)
Que cela soit clair pour toi: elle m'est utile la souffrance dont tu ne ries
pas.
JASON (1363)
Ô mes petits, quelle mère perverse avez-vous eue!
MÉDÉE (1364)
Ô mes enfants, vous avez péri de la passion de votre père!
JASON (1365)
Ce n'est certes pas ma main qui les a tués...
MÉDÉE (1366)
Mais bien ta démesure et tes nouvelles épousailles!
JASON (1367)
C'est pour la cause de ton lit que tu as estimé pouvoir les tuer.
MÉDÉE (1368)
Une épreuve de rien du tout pour une femme! C'est cela que tu crois?
JASON (1369)
Oui, pour celle qui est pudique. Mais toi, tu n'est que vice.
MÉDÉE (1370) (Désignant les corps des enfants)
Eux, ils ne vivent plus. C'est cela qui te rongera!
JASON (1371)
Eux, ils vivent, vengeurs cruels attachés à ta tête.
MÉDÉE (1372)
Ils le savent bien, les dieux, qui est à l'origine du mal.
JASON (1373)
Ils savent donc que ton âme est méprisable.
MÉDÉE (1374)
Prends-moi en horreur! Tes ragots odieux, je les hais.
JASON (1375)
Et moi les tiens! Il est facile d'en finir.
MÉDÉE (1376)
Comment? Qu'ai-je à faire? C'est tout ce que je veux!
JASON (1377)
Laisse-moi enterrer leurs corps et les pleurer.
MÉDÉE (1378 -1388)
Pas question! Moi, je les enterrerai de mes propres mains, je les porterai
au sanctuaire d'Héra, protectrice des sommets, afin qu'aucun de mes
ennemis ne les outrage en renversant leurs tombes. À cette terre de
Sisyphe j'affecterai désormais une fête et des solennités en réparation de
ce meurtre impie. Moi-même, j'irai dans la terre d'Érechthée pour y vivre
avec Égée, fils de Pandion. (1386) Toi, comme on peut s'y attendre, tu
auras la mauvaise mort d'un mauvais bougre, après avoir vu l'odieuse fin
de tes nouvelles épousailles.
JASON (1389-1390)
Mais si elle pouvait l'Érynie te faire mourir pour venger des petits
L'assassinat, et la Justice aussi!
MÉDÉE (1391-1392)
Qui t'écoute? Un dieu ou un génie?
Toi le parjure, toi qui berne tes hôtes!
JASON (1393)
Pheû! Pheû!
Infâme créature! Tueuse d'enfants!
MÉDÉE (1394)
Rentre chez toi et enterre ta femme!
JASON (1395)
J'y rentre, privé de mes petits, de tous les deux!
MÉDÉE (1396)
Tu n'as pas encore à te lamenter. Attends la vieillesse.
JASON (1397)
Ô mes petits tant aimés!
MÉDÉE (1397)
Par leur mère, oui! Pas par toi!
JASON (1398)
Et alors tu les as tués!
MÉDÉE (1398)
C'est bien toi qu'ils anéantissent!
JASON (1399 - 1400)
Ômoi!
Le visage chéri
De mes enfants, je demande, pauvre de moi, à y poser les lèvres!
MÉDÉE (1401-1402)
Maintenant tu leur parles, maintenant tu leur montres de l'affection!
Avant, tu les rejetais!
JASON (1402-1403)
Laisse-moi, par les dieux,
Effleurer la tendre peau des petits!
MÉDÉE (1404)
C'est non! Ce sont des mots lancés en pure perte!
(Le char de Médée disparaît)
JASON (1405- 1414)
Zeus, cela l'entends-tu? Comme je suis repoussé!
Comme je souffre à cause de l'infâme créature,
(1407) Cette lionne tueuse d'enfants!
(Regardant du côté où Médée a disparu)
Mais - et c'est tout ce que je peux encore faire -
Je pleure, j'en appelle aux dieux,
Je les prends à témoin qu'après m'avoir
Tué les petits, tu m'empêches de les
Effleurer et, de mes mains, ensevelir leurs corps.
Eux, jamais, moi qui les ai engendrés, je n'aurais dû
Les découvrir massacrés par toi!
(Jason s'écroule)
CORYPHÉE (1415-1419) (Sur le devant de la scène)
De bien de circonstances l'ordonnateur en est Zeus Olympien.
Bien des événements, sans qu'on s'y attende, les dieux les réalisent.
Ce qui était prévu ne s'est pas accompli.
À l'imprévu la divinité a ouvert la voie.
Ainsi vient d'aboutir cette action.
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