[0] ΕΚΑΒΗ.
1 (ΠΟΛΥΔΩΡΟΥ ΕΙΔΩΛΟΝ)
1 Ἥκω νεκρῶν κευθμῶνα καὶ σκότου πύλας
2 λιπών, ἵν´ Ἅιδης χωρὶς ὤικισται θεῶν,
3 Πολύδωρος, Ἑκάβης παῖς γεγὼς τῆς Κισσέως
4 Πριάμου τε πατρός, ὅς μ´, ἐπεὶ Φρυγῶν πόλιν
5 κίνδυνος ἔσχε δορὶ πεσεῖν Ἑλληνικῶι,
6 δείσας ὑπεξέπεμψε Τρωϊκῆς χθονὸς
7 Πολυμήστορος πρὸς δῶμα Θρηικίου ξένου,
8 ὃς τήνδ´ ἀρίστην Χερσονησίαν πλάκα
9 σπείρει, φίλιππον λαὸν εὐθύνων δορί.
10 πολὺν δὲ σὺν ἐμοὶ χρυσὸν ἐκπέμπει λάθραι
11 πατήρ, ἵν´, εἴ ποτ´ Ἰλίου τείχη πέσοι,
12 τοῖς ζῶσιν εἴη παισὶ μὴ σπάνις βίου.
13 νεώτατος δ´ ἦ Πριαμιδῶν, ὃ καί με γῆς
14 ὑπεξέπεμψεν· οὔτε γὰρ φέρειν ὅπλα
15 οὔτ´ ἔγχος οἷός τ´ ἦ νέωι βραχίονι.
16 ἕως μὲν οὖν γῆς ὄρθ´ ἔκειθ´ ὁρίσματα
17 πύργοι τ´ ἄθραυστοι Τρωϊκῆς ἦσαν χθονὸς
18 Ἕκτωρ τ´ ἀδελφὸς οὑμὸς εὐτύχει δορί,
19 καλῶς παρ´ ἀνδρὶ Θρηικὶ πατρώιωι ξένωι
20 τροφαῖσιν ὥς τις πτόρθος ηὐξόμην τάλας·
21 ἐπεὶ δὲ Τροία θ´ Ἕκτορός τ´ ἀπόλλυται
22 ψυχὴ πατρώια θ´ ἑστία κατεσκάφη
23 αὐτός τε βωμῶι πρὸς θεοδμήτωι πίτνει
24 σφαγεὶς Ἀχιλλέως παιδὸς ἐκ μιαιφόνου,
25 κτείνει με χρυσοῦ τὸν ταλαίπωρον χάριν
26 ξένος πατρῶιος καὶ κτανὼν ἐς οἶδμ´ ἁλὸς
27 μεθῆχ´, ἵν´ αὐτὸς χρυσὸν ἐν δόμοις ἔχηι.
28 κεῖμαι δ´ ἐπ´ ἀκταῖς, ἄλλοτ´ ἐν πόντου σάλωι,
29 πολλοῖς διαύλοις κυμάτων φορούμενος,
30 ἄκλαυτος ἄταφος· νῦν δ´ ὑπὲρ μητρὸς φίλης
31 Ἑκάβης ἀίσσω, σῶμ´ ἐρημώσας ἐμόν,
32 τριταῖον ἤδη φέγγος αἰωρούμενος,
33 ὅσονπερ ἐν γῆι τῆιδε Χερσονησίαι
34 μήτηρ ἐμὴ δύστηνος ἐκ Τροίας πάρα.
35 πάντες δ´ Ἀχαιοὶ ναῦς ἔχοντες ἥσυχοι
36 θάσσους´ ἐπ´ ἀκταῖς τῆσδε Θρηικίας χθονός.
37 ὁ Πηλέως γὰρ παῖς ὑπὲρ τύμβου φανεὶς
38 κατέσχ´ Ἀχιλλεὺς πᾶν στράτευμ´ Ἑλληνικόν,
39 πρὸς οἶκον εὐθύνοντας ἐναλίαν πλάτην·
40 αἰτεῖ δ´ ἀδελφὴν τὴν ἐμὴν Πολυξένην
41 τύμβωι φίλον πρόσφαγμα καὶ γέρας λαβεῖν.
42 καὶ τεύξεται τοῦδ´ οὐδ´ ἀδώρητος φίλων
43 ἔσται πρὸς ἀνδρῶν· ἡ πεπρωμένη δ´ ἄγει
44 θανεῖν ἀδελφὴν τῶιδ´ ἐμὴν ἐν ἤματι.
45 δυοῖν δὲ παίδοιν δύο νεκρὼ κατόψεται
46 μήτηρ, ἐμοῦ τε τῆς τε δυστήνου κόρης.
47 φανήσομαι γάρ, ὡς τάφου τλήμων τύχω,
48 δούλης ποδῶν πάροιθεν ἐν κλυδωνίωι.
49 τοὺς γὰρ κάτω σθένοντας ἐξηιτησάμην
| [0] HÉCUBE.
La scène est dans la Chersonèse de Thrace, sur le tord de la mer, dans le camp des Grecs, à l'entrée de la tente des Troyennes captives.
L'OMBRE DE POLYDORE.
(1) Je quitte la retraite des morts et les portes de l'Érèbe, qu'habite Pluton, loin du séjour des dieux. Je suis Polydore, enfant d'Hécube, fille de Cissée : j'eus pour père Priam, qui, lorsqu'il vit la ville des Phrygiens en danger de succomber sous la lance des Grecs, saisi de crainte, m'envoya secrètement hors de la terre troyenne, chez Polymestor de Thrace, son hôte, qui règne sur les fertiles plaines de la Chersonèse et commande à ses peuples belliqueux. (10) Avec moi mon père envoya en secret beaucoup d'or, afin que si les murs d'Ilion devaient tomber, ceux de ses enfants qui vivraient encore ne fussent pas dans le besoin. J'étais le plus jeune des fils de Priam ; c'est pourquoi il me fit échapper, mon faible bras ne pouvant encore porter les armes ni la lance. (16) Aussi longtemps que l'empire phrygien resta debout, et que les remparts de Troie demeurèrent intacts; aussi longtemps qu'Hector, mon frère, eut l'avantage dans les combats, élevé par les soins de l'hôte de mon père, je croissais dans son palais, ainsi qu'un tendre rejeton. Mais dès que Troie eut succombé, ainsi qu'Hector ; quand le palais de mon père eut été ravagé, et qu'il fut tombé lui-même au pied des autels, égorgé par le sanguinaire fils d'Achille ; poussé par la passion de l'or, l'hôte de mon père me massacra sans pitié, et jeta mon cadavre dans les flots, pour s'emparer de mes trésors. (28) Triste jouet des vagues agitées, je demeure étendu sur le rivage, privé de sépulture, privé des larmes des miens. Maintenant, pour voir Hécube, ma mère chérie, j'ai abandonné mon corps, et j'habite les régions supérieures, depuis trois jours que l'infortunée est arrivée de Troie sur la terre de la Chersonèse. (35) Tous les Grecs demeurent immobiles, depuis qu'ils ont abordé sur ce rivage de la Thrace. Le fils de Pélée leur est apparu sur son tombeau, et retient toute l'armée qui déjà dirigeait ses navires vers leur patrie. Il demande, pour prix de ses travaux, que ma sœur Polyxène soit immolée sur sa tombe, comme la victime la plus précieuse à ses yeux, et il l'obtiendra; ces guerriers, qui te chérissent, ne lui refuseront pas cette offrande : le destin a marqué ce jour pour la mort de ma sœur. (45) Ma mère verra aujourd'hui les cadavres de deux de ses enfants, moi, et cette infortunée jeune fille. Pour obtenir la sépulture, j'apparaîtrai, poussé par les vagues de la mer, jusqu'aux pieds d'une esclave; car j'ai imploré des puissances infernales la faveur
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