[55,16] "ἀλλ´ ὀρθῶς γε λέγεις" ἀπεκρίνατο ἡ Λιουία, "καί σοι γνώμην δοῦναι
ἔχω, ἄν γε καὶ προσδέξασθαι αὐτὴν ἐθελήσῃς, καὶ μὴ διαμέμψῃ ὅτι γυνὴ οὖσα
τολμῶ σοι συμβουλεῦσαί τι οἷον οὐδ´ ἂν εἷς ἄλλος οὐδὲ τῶν πάνυ
φίλων παραινέσειεν, οὐχ ὅτι οὐκ ἴσασιν αὐτό, ἀλλ´ ὅτι οὐ θαρσοῦσιν
εἰπεῖν." "λέγ´" ἦ δ´ ὃς ὁ Αὔγουστος "ὅ τι δή ποτε τοῦτό ἐστιν."
ἡ οὖν Λιουία "φράσω" ἔφη "μηδὲν κατοκνήσασα, ἅτε καὶ τὰ ἀγαθὰ
καὶ τὰ κακὰ ἐκ τοῦ ἴσου σοι ἔχουσα, καὶ σωζομένου μέν σου καὶ
αὐτὴ τὸ μέρος ἄρχουσα, δεινὸν δέ τι παθόντος, ὃ μὴ γένοιτο, συναπολουμένη.
εἰ γάρ τοι ἥ τε φύσις ἡ ἀνθρωπίνη πάντως τι ἁμαρτάνειν
τινὰς ἀναπείθει, καὶ ἀμήχανόν ἐστιν αὐτὴν πρᾶξαί τι ὡρμημένην
ἐπισχεῖν, καὶ ἤδη γε καὶ αὐτὰ τὰ δοκοῦντά τισιν ἀγαθὰ
εἶναι, ἵνα μὴ τὰς τῶν πολλῶν κακίας εἴπω, καὶ πάνυ συχνοὺς ἀδικεῖν
ἐπαίρει (καὶ γὰρ γένους αὔχημα καὶ πλούτου φρόνημα τιμῆς τε
μέγεθος καὶ ἐπ´ ἀνδρείᾳ θράσος ἐξουσίας τε ὄγκος πολλοὺς ἐξοκέλλειν
ποιεῖ), καὶ μήτε τὸ γενναῖον δυσγενὲς μήτε τὸ ἀνδρεῖον δειλὸν
μήτε τὸ ἔμφρον ἄνουν ἔστι ποιῆσαι (ἀδύνατον γάρ), μήτ´ αὖ τὰς
περιουσίας τινῶν περικόπτειν ἢ τὰς φιλοτιμίας ταπεινοῦν μηδέν
γε πλημμελούντων χρή (ἄδικον γάρ), τό τ´ ἀμυνόμενον ἢ καὶ προκαταλαμβάνοντά
τινας καὶ ἀνιᾶσθαι καὶ κακοδοξεῖν ἀναγκαῖον ἐστί,
φέρε μεταβαλώμεθα καί τινος αὐτῶν φεισώμεθα. καὶ γάρ μοι
δοκεῖ πολλῷ πλείω φιλανθρωπίᾳ ἤ τινι ὠμότητι κατορθοῦσθαι.
τοὺς μὲν γὰρ συγγνώμονας οὐ μόνον οἱ ἐλεηθέντες ὑπ´ αὐτῶν φιλοῦσιν,
ὥστε καὶ ἀμείβεσθαί σφας σπουδάζειν, ἀλλὰ καὶ οἱ ἄλλοι
πάντες καὶ αἰδοῦνται καὶ σέβουσιν, ὥστε μὴ εὐτολμεῖν αὐτοὺς ἀδικεῖν·
τοὺς δ´ ἀπαραιτήτοις ὀργαῖς χρωμένους οὐκ ἐκεῖνοι μόνοι οἵ
τι φοβούμενοι μισοῦσιν, ἀλλὰ καὶ οἱ λοιποὶ πάντες δυσχεραίνουσι,
καὶ ἐκ τούτου καὶ ἐπιβουλεύουσιν αὐτοῖς, ἵνα μὴ προαπόλωνται.
| [55,16] « Tu as raison, répondit Livie; cependant j'ai un
avis à te donner, si toutefois tu consens à l'accepter,
et si tu ne trouves pas mauvais qu'une femme ose
te proposer un conseil que nul parmi tes plus grands
amis ne te donnerait, faute non de savoir la chose,
mais d'avoir la hardiesse de la dire » — « Parle, repartit
Auguste, ce conseil, quel est-il? » Livie :
« Je vais, dit-elle, te l'expliquer sans crainte, comme
quelqu'un qui a sa part dans tes biens et dans tes
maux; qui, si tu es sain et sauf, règne avec toi,
et qui, s'il te survient quelque accident (puisse la
chose ne pas arriver!), périt avec toi. S'il y a des
hommes que la nature pousse irrésistiblement à faire
le mal et qu'il leur soit impossible de résister, quand
elle les entraîne, il n'en est pas moins vrai que des
qualités même généralement regardées comme bonnes,
pour ne point parler ici de la perversité du plus
grand nombre, suffisent à porter beaucoup de gens à des
entreprises injustes. La fierté de la naissance, l'orgueil
de la richesse, la grandeur des dignités, la confiance
dans le courage, le faste du pouvoir, en jettent un grand
nombre hors du droit chemin ; il ne faut pas, en effet,
transformer la noblesse en bassesse, le courage en
lâcheté, la prudence en folie (c'est chose impossible);
il ne faut pas, non plus, retrancher rien au superflu de
quelques-uns, ni rabaisser l'ambition de ceux qui ne
sont pas en faute (c'est chose injuste); se venger ou
prévenir les coups amène nécessairement et des tourments
et une mauvaise réputation. Eh bien! changeons
de conduite; faisons grâce à l'un d'entre eux, nous
réussirons bien plus sùrement, selon moi, par la clémence
que par la sévérité. Non seulement ceux dont
on a eu pitié témoignent à ceux qui leur ont pardonné
un amour qui engendre le désir d'acquitter leur
dette; mais, bien plus, tous les autres hommes conçoivent
pour l'auteur de cet acte du respect et de la
vénération, en sorte qu'on n'ose plus l'offenser; celui
au contraire qui se montre inexorable dans sa colère
est non seulement haï de ceux qui le redoutent,
mais, de plus, il est détesté du reste des hommes,
qui, par suite, lui tendent des piéges, afin de ne
pas être eux-mêmes ses victimes. »
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