[11,0] ΤΡΩΙΚΟΣ ΥΠΕΡ ΤΟΥ ΙΛΙΟΝ ΜΗ ΑΛΩΝΑΙ.
(1) Οἶδα μὲν ἔγωγε σχεδὸν ὅτι διδάσκειν μὲν ἀνθρώπους ἅπαντας
χαλεπόν ἐστιν, ἐξαπατᾶν δὲ ῥᾴδιον. καὶ μανθάνουσι μὲν μόγις,
ἐάν τι καὶ μάθωσι, παρ´ ὀλίγων τῶν εἰδότων, ἐξαπατῶνται δὲ
τάχιστα ὑπὸ πολλῶν τῶν οὐκ εἰδότων, καὶ οὐ μόνον γε ὑπὸ τῶν
ἄλλων, ἀλλὰ καὶ αὐτοὶ ὑφ´ αὑτῶν. τὸ μὲν γὰρ ἀληθὲς πικρόν
ἐστι καὶ ἀηδὲς τοῖς ἀνοήτοις, τὸ δὲ ψεῦδος γλυκὺ καὶ προσηνές.
(2) ὥσπερ οἶμαι καὶ τοῖς νοσοῦσι τὰ ὄμματα τὸ μὲν φῶς ἀνιαρὸν
ὁρᾶν, τὸ δὲ σκότος ἄλυπον καὶ φίλον, οὐκ ἐῶν βλέπειν. ἢ πῶς
ἂν ἴσχυε τὰ ψεύδη πολλάκις πλέον τῶν ἀληθῶν, εἰ μὴ δι´ ἡδονὴν
ἐνίκα; χαλεποῦ δέ, ὡς ἔφην, ὄντος τοῦ διδάσκειν, τῷ παντὶ
χαλεπώτερον τὸ μεταδιδάσκειν, ἄλλως τε ὅταν πολύν τινες χρόνον
ὦσι τὰ ψευδῆ ἀκηκοότες καὶ μὴ μόνον αὐτοὶ ἐξηπατημένοι, ἀλλὰ
καὶ οἱ πατέρες αὐτῶν καὶ οἱ πάπποι καὶ σχεδὸν πάντες οἱ πρότερον.
(3) οὐ γάρ ἐστι ῥᾴδιον τούτων ἀφελέσθαι τὴν δόξαν, οὐδ´ ἂν
πάνυ τις ἐξελέγχῃ. καθάπερ οἶμαι τῶν τὰ ὑποβολιμαῖα παιδάρια
θρεψάντων χαλεπὸν ὕστερον ἀφελέσθαι τἀληθῆ λέγοντα ἅ γε ἐν
ἀρχῇ, εἴ τις αὐτοῖς ἔφρασεν, οὐκ ἄν ποτε ἀνείλοντο. οὕτω δὲ τοῦτο
ἰσχυρόν ἐστιν ὥστε πολλοὶ τὰ κακὰ μᾶλλον προσποιοῦνται καὶ
ὁμολογοῦσι καθ´ αὑτῶν, ἂν ὦσι πεπεισμένοι πρότερον, ἢ τἀγαθὰ
μετὰ χρόνον ἀκούοντες.
(4) οὐκ ἂν οὖν θαυμάσαιμι καὶ ὑμᾶς, ἄνδρες Ἰλιεῖς, εἰ πιστότερον
ἡγήσασθαι Ὅμηρον τὰ χαλεπώτατα ψευσάμενον καθ´ ὑμῶν ἢ ἐμὲ
τἀληθῆ λέγοντα, κἀκεῖνον μὲν ὑπολαβεῖν θεῖον ἄνδρα καὶ σοφόν,
καὶ τοὺς παῖδας εὐθὺς ἐξ ἀρχῆς τὰ ἔπη διδάσκειν οὐθὲν ἄλλο ἢ
κατάρας ἔχοντα κατὰ τῆς πόλεως, καὶ ταύτας οὐκ ἀληθεῖς, ἐμοῦ
δὲ μὴ ἀνέχοισθε τὰ ὄντα καὶ γενόμενα λέγοντος, ὅτι πολλοῖς ἔτεσιν
ὕστερον Ὁμήρου γέγονα.
| [11,0] DISCOURS DE DION CHRYSOS?OME, CONTRE l'opinion commune sur la prise de Troie.
1 Je sais qu'il est pour l'ordinaire difficile d'instruire les hommes en général, et qu'il est facile de les tromper. S'ils peuvent être instruits sur quelque point, ce n'est qu'avec difficulté, et par un petit nombre de gens éclairés: au contraire, non seulement ils sont précipités dans l'erreur par une foule d'ignorants, mais ils s'y précipitent eux-mêmes. C'est que la vérité paraît amère et désagréable aux esprits faibles au lieu que l'erreur leur paraît douce et gracieuse : 2 semblables, selon moi, aux personnes dont les yeux sont malades, et qui ne pouvant supporter la lumière sans douleur, se placent dans les ténèbres. Certes il faut bien que l'on trouve du plaisir dans l'erreur : autrement aurait-elle pu l'emporter si souvent sur la vérité ?
S'il est difficile d'apprendre quelques vérités aux hommes, comme je viens de le dire ; leur ôter leurs erreurs est bien plus difficile encore : surtout s'ils sont accoutumés depuis longtemps à ces erreurs ; s'ils ne sont pas les premiers qu'elles ont séduit ; si avant eux leurs pères, leurs aïeux, presque tous leurs ancêtres les ont adoptées. 3 Alors il n'est pas facile de les arracher à ces vaines opinions, quand même on leur en démontrerait la fausseté. Ils semblent être dans le cas de ceux qui élèvent des enfants supposés : on ne peut par la suite les détromper, même en leur disant la vérité ; et si on la leur avait dite tout d'abord, ils l'auraient crue. La force de la prévention est telle que bien des gens, une fois imbus d'opinions qui leur sont même désavantageuses, aiment mieux y persévérer, que d'en admettre d'autres qui sont plus à leur avantage, mais qui sont nouvelles pour eux.
4 Je ne m'étonnerais donc point, Troyens, quand vous ajouteriez plus de foi aux fables qu'Homère a débitées contre vous, tout incroyables qu'elles sont, qu'aux vérités que je vais vous dire. Accoutumés que vous êtes a regarder Homère comme un sage, comme un homme divin ; à faire apprendre à vos enfants, dès leur plus tendre jeunesse, ses vers qui ne contiennent que des calomnies contre votre ville ; lorsque je vous exposerai les choses comme elles se sont passées, vous ne me croirez peut-être pas, parce que je suis né bien des siècles après ce poète.
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