Texte grec :
[4,5] CHAPITRE V : ΚΡΑΝΤΩΡ.
24) Κράντωρ Σολεὺς θαυμαζόμενος ἐν τῇ ἑαυτοῦ πατρίδι ἀπῆρεν εἰς
Ἀθήνας καὶ Ξενοκράτους διήκουσε Πολέμωνι συσχολάζων. Καὶ κατέλιπεν
ὑπομνήματα εἰς μυριάδας στίχων τρεῖς, ὧν τινά τινες Ἀρκεσιλάῳ
προσάπτουσι. Φασὶ δὲ αὐτὸν ἐρωτηθέντα τίνι θηραθείη ὑπὸ Πολέμωνος,
εἰπεῖν τῷ μήτ' ὀξύτερον μήτε βαρύτερον ἀκοῦσαι φθεγγομένου.
Οὗτος νοσήσας εἰς τὸ Ἀσκληπιεῖον ἀνεχώρησε κἀκεῖ περιεπάτει· οἱ δὲ
πανταχόθεν προσῄεσαν αὐτῷ, νομίζοντες οὐ διὰ νόσον, ἀλλὰ βούλεσθαι
αὐτόθι σχολὴν συστήσασθαι. Ὧν ἦν καὶ Ἀρκεσίλαος θέλων ὑπ' αὐτοῦ
συστῆναι Πολέμωνι, καίπερ ἐρῶντος, ὡς ἐν τῷ περὶ Ἀρκεσιλάου λέξομεν.
25) Ἀλλὰ καὶ αὐτὸν ὑγιάναντα διακούειν Πολέμωνος, ἐφ' ᾧ καὶ μάλιστα
θαυμασθῆναι. Λέγεται δὲ καὶ τὴν οὐσίαν καταλιπεῖν Ἀρκεσιλάῳ, ταλάντων
οὖσαν δυοκαίδεκα. Καὶ ἐρωτηθέντα πρὸς αὐτοῦ ποῦ βούλεται ταφῆναι,
εἰπεῖν·
Ἐν γῆς φίλης ὄχθοισι κρυφθῆναι καλόν.
Λέγεται δὲ καὶ ποιήματα γράψαι καὶ ἐν τῇ πατρίδι ἐπὶ τῷ τῆς Ἀθηνᾶς
ἱερῷ σφραγισάμενος αὐτὰ θεῖναι. Καί φησι Θεαίτητος ὁ ποιητὴς περὶ αὐτοῦ
οὑτωσί·
Ἥνδανεν ἀνθρώποις, ὁ δ' ἐπὶ πλέον ἥνδανε Μούσαις
Κράντωρ, καὶ γήρως ἤλυθεν οὔτι πρόσω.
Γῆ, σὺ δὲ τεθνεῶτα τὸν ἱερὸν ἄνδρ' ὑπόδεξαι·
ἦ ῥ' ὅ γε καὶ κεῖθι ζώει ἐν εὐθαλίῃ.
26) Ἐθαύμαζε δὲ ὁ Κράντωρ πάντων δὴ μᾶλλον Ὅμηρον καὶ
Εὐριπίδην, λέγων ἐργῶδες ἐν τῷ κυρίῳ τραγικῶς ἅμα καὶ συμπαθῶς
γράψαι. Καὶ προεφέρετο τὸν στίχον τὸν ἐκ τοῦ Βελλεροφόντου
Οἴμοι· τί δ' οἴμοι; θνητά τοι πεπόνθαμεν.
Λέγεται δὲ καὶ Ἀνταγόρα τοῦ ποιητοῦ ὡς Κράντορος εἰς Ἔρωτα
πεποιημένα φέρεσθαι ταυτί·
Ἐν δοιῇ μοι θυμός, ὅ τοι γένος ἀμφίσβητον,
ἤ σε θεῶν τὸν πρῶτον ἀειγενέων, Ἔρος, εἴπω,
τῶν ὅσσους Ἔρεβός τε πάλαι βασίλειά τε παῖδας
γείνατο Νὺξ πελάγεσσιν ὑπ' εὐρέος Ὠκεανοῖο·
27) ἤ σέ γε Κύπριδος υἷα περίφρονος, ἠέ σε Γαίης,
ἢ Ἀνέμων· τοῖος σὺ κακὰ φρονέων ἀλάλησαι
ἀνθρώποις ἠδ' ἐσθλά· τὸ καὶ σέο σῶμα δίφυιον.
Ἦν δὲ καὶ δεινὸς ὀνοματοποιῆσαι. Τραγῳδὸν γοῦν ἀπελέκητον εἶπεν
ἔχειν φωνὴν καὶ φλοιοῦ μεστήν· καί τινος ποιητοῦ σκίφης μεστοὺς εἶναι
τοὺς στίχους· καὶ τὰς Θεοφράστου θέσεις ὀστρέῳ γεγράφθαι. Θαυμάζεται
δὲ αὐτοῦ μάλιστα βιβλίον τὸ Περὶ πένθους. Καὶ κατέστρεψε πρὸ
Πολέμωνος καὶ Κράτητος, ὑδρωπικῇ διαθέσει νοσήσας. Καὶ ἔστιν εἰς αὐτὸν
ἡμῶν·
Ἐπέκλυσε καὶ σέ, Κράντορ, ἡ νόσων κακίστη,
χοὔτω κατῆλθες μέλαν Πλουτέως ἄβυσσον.
Καὶ σὺ μὲν ἐκεῖθι χαίρεις, σῶν λόγων δὲ χήρη
ἕστηκεν Ἀκαδήμεια καὶ Σόλοι, πατρίς σευ.
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Traduction française :
[4,5] CHAPITRE V : CRANTOR.
(24) Crantor, de Soles, jouissait d’une haute estime dans sa patrie
lorsqu’il la quitta pour aller à Athènes, où il eut Xénocrate pour maître et
Polémon pour compagnon d’étude. Il a laissé des commentaires qui ne
forment pas moins de trente mille lignes, et dont certaines parties ont été
quelquefois attribuées à Arcésilas. Quelqu’un lui demandait ce qui l’avait
séduit dans Polémon, il répondit : « C’est que je ne l’ai jamais entendu
élever ni baisser la voix. »
Étant tombé malade, il se retira dans le temple d’Esculape, et là il se
mit à se promener ; mais à peine y était-il que de toutes parts on accourut
à lui, dans la persuasion qu’il n’était pas malade, et qu’il voulait établir une
école dans le temple. Arcésilas y vint de son côté, et quoiqu’il fût ami de
Crantor, comme nous le verrons dans la Vie d’Arcésilas, il le pria
néanmoins de le recommander à Polémon. (25) Crantor fit mieux : aussitôt
après son rétablissement il alla lui-même suivre les leçons de Polémon,
ce qui accrut encore l’estime qu’on avait pour lui. On dit qu’il laissa à
Arcésilas tout son bien, montant à douze talents. Interrogé par lui sur le
lieu où il voulait être enterré, il répondit :
II convient d’être enseveli dans le sein de la terre chérie.
On dit qu’il avait composé des ouvrages poétiques, qu’il déposa
cachetés dans le temple de Minerve, à Soles, sa patrie. Le poëte
Théétète a fait son éloge en ces termes :
Chéri des hommes, mais plus cher encore aux Muses,
Crantor n’a pas connu la vieillesse.
O terre, reçois cet homme divin après sa mort,
Et que même ici il vive en paix.
(26) Homère et Euripide étaient ses poètes favoris. Il disait que la
chose la plus difficile dans un ouvrage, c’est d’être tragique et d’exciter la
pitié sans sortir du naturel. Il citait avec complaisance ce vers de Bellérophon :
Malheureux que je suis ! Mais pourquoi me plaindre ? Mes maux sont
inhérents à la nature humaine.
On a attribué à Crantor les vers suivants du poete Antagoras, sur l’amour :
Mon esprit incertain ne sait que décider : Amour, quelle est ton origine?
Es-tu le premier des dieux immortels, de ces dieux qu’autrefois l'Erèbe et la
Nuit toute-puissante engendrèrent sur les flots du vaste Océan ? (27) Es-tu le
fils de la sage Cypris, de la terre ou des vents ? Tu parcours le monde,
portant aux hommes et les maux et les biens; ton corps lui-même a une
double forme.
Crantor avait une grande originalité de langage et excellait dans
l’invention des termes : ainsi il disait d’un auteur tragique que sa voix, mal
rabotée, était encore couverte d’écorce ; que les vers d’un poète étaient
pleins d’étoupes, et que les Questions de Théophraste étaient écrites sur
des coquilles d’huîtres. On admire surtout son traité de la Douleur. Il
mourut d’une hydropisie, avant Polémon et Cratès. J’ai fait sur lui ces vers :
Ô Crantor, une terrible maladie a inondé ton corps et t’a conduit au
noir gouffre de Pluton. Là, tu vis heureux; mais l’Académie est veuve de tes
discours, ainsi que Soles, ta patrie.
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