Texte grec :
[4f] 26. Ἀλλ᾿ οὐδὲ ἐν τῇ ὅλῃ φύσει τὸ κακόν. Εἰ γὰρ οἱ πάντες φυσικοὶ λόγοι παρὰ τῆς καθόλου φύσεως, οὐδὲν ἔστιν αὐτῇ τὸ ἐναντίον. Τῇ καθ᾿ ἕκαστον δὲ τὸ μὲν κατὰ φύσιν ἔσται, τὸ δὲ οὐ κατὰ φύσιν. Ἄλλῃ γὰρ ἄλλο παρὰ φύσιν, καὶ τὸ τῇδε κατὰ φύσιν, τῇδε παρὰ φύσιν. Φύσεως δὲ κακία τὸ παρὰ φύσιν, ἡ στέρησις τῶν τῆς φύσεως. Ὥστε οὐκ ἔστι κακὴ φύσις, ἀλλὰ τοῦτο τῇ φύσει κακὸν τὸ ἀδυνατεῖν τὰ τῆς οἰκείας φύσεως ἐκτελεῖν.
27. Ἀλλ᾿ οὐδὲ ἐν σώμασι τὸ κακόν. Αἶσχος γὰρ καὶ νόσος ἔλλειψις εἴδους καὶ στέρησις τάξεως. Τοῦτο δὲ οὐ πάντη κακόν, ἀλλ᾿ ἧττον καλόν. Εἰ γὰρ παντελὴς γένοιτο λύσις κάλλους καὶ εἴδους καὶ τάξεως, οἰχήσεται καὶ αὐτὸ τὸ σῶμα. Ὅτι δὲ οὐδὲ κακίας αἴτιον τῇ ψυχῇ τὸ σῶμα, δῆλον ἐκ τοῦ δυνατὸν εἶναι καὶ ἄνευ σώματος παρυφίστασθαι κακίαν ὥσπερ ἐν δαίμοσιν. Τοῦτο γάρ ἐστι καὶ νόοις καὶ ψυχαῖς καὶ σώμασι κακὸν ἡ τῆς ἕξεως τῶν οἰκείων ἀγαθῶν ἀσθένεια καὶ ἀπόπτωσις.
28. Ἀλλ᾿ οὐδὲ τὸ πολυθρύλητον· Ἐν ὕλῃ τὸ κακόν, ὥς φασι, καθ᾿ ὃ ὕλη. Καὶ γὰρ καὶ αὕτη κόσμου καὶ κάλλους καὶ εἴδους ἔχει μετουσίαν. Εἰ δὲ τούτων ἐκτὸς οὖσα ἡ ὕλη καθ᾿ ἑαυτὴν ἄποιός ἐστι καὶ ἀνείδεος, πῶς ποιεῖ τι ἡ ὕλη ἡ μηδὲ τὸ πάσχειν δύνασθαι καθ᾿ ἑαυτὴν ἔχουσα; Ἄλλως τε πῶς ἡ ὕλη κακόν; Εἰ μὲν γὰρ οὐδαμῆ οὐδαμῶς ἔστιν, οὔτε ἀγαθὸν οὔτε κακόν. Εἰ δέ πως ὄν, τὰ δὲ ὄντα πάντα ἐκ τἀγαθοῦ, καὶ αὐτὴ ἐκ τοῦ ἀγαθοῦ ἂν εἴη, καὶ ἢ τὸ ἀγαθὸν τοῦ κακοῦ ποιητικὸν ἢ τὸ κακὸν ὡς ἐκ τοῦ ἀγαθοῦ ὂν ἀγαθὸν ἢ τὸ κακὸν τοῦ ἀγαθοῦ ποιητικὸν ἢ καὶ τὸ ἀγαθὸν ὡς ἐκ τοῦ κακοῦ κακὸν ἢ δύο αὖθις ἀρχαί, καὶ αὗται ἄλλης μιᾶς ἐξημμέναι κορυφῆς. Εἰ δὲ ἀναγκαῖόν φασι τὴν ὕλην πρὸς συμπλήρωσιν τοῦ παντὸς κόσμου, πῶς ἡ ὕλη κακόν; Ἄλλο γὰρ τὸ κακὸν καὶ ἄλλο τὸ ἀναγκαῖον. Πῶς δὲ ὁ ἀγαθὸς ἐκ τοῦ κακοῦ παράγει τινὰ πρὸς γένεσιν; Ἢ πῶς κακὸν τὸ τοῦ ἀγαθοῦ δεόμενον; Φεύγει γὰρ τὴν τοῦ ἀγαθοῦ φύσιν τὸ κακόν. Πῶς δὲ γεννᾷ καὶ τρέφει τὴν φύσιν ἡ ὕλη κακὴ οὖσα; Τὸ γὰρ κακόν, ᾗ κακόν, οὐδενός ἐστι γεννητικὸν ἢ θρεπτικὸν ἢ ὅλως ποιητικὸν ἢ σωστικόν. Εἰ δὲ φαῖεν αὐτὴν μὲν οὐ ποιεῖν κακίαν ἐν ψυχαῖς, ἐφέλκεσθαι δὲ αὐτάς, πῶς ἔσται τοῦτο ἀληθές; Πολλαὶ γὰρ αὐτῶν εἰς τὸ ἀγαθὸν βλέπουσιν. Καίτοι πῶς ἐγίνετο τοῦτο τῆς ὕλης πάντως αὐτὰς εἰς τὸ κακὸν ἐφελκομένης; Ὥστε οὐκ ἐξ ὕλης ἐν ψυχαῖς τὸ κακόν, ἀλλ᾿ ἐξ ἀτάκτου καὶ πλημμελοῦς κινήσεως. Εἰ δὲ καὶ τοῦτό φασι τῇ ὕλῃ πάντως ἕπεσθαι, καὶ ἀναγκαία ἡ ἄστατος ὕλη τοῖς ἐφ᾿ ἑαυτῶν ἱδρῦσθαι μὴ δυναμένοις, πῶς τὸ κακὸν ἀναγκαῖον ἢ τὸ ἀναγκαῖον κακόν;
29. Ἀλλ᾿ οὐδὲ τοῦτο, ὅ φαμεν· Ἡ στέρησις κατὰ δύναμιν οἰκείαν μάχεται τῷ ἀγαθῷ. Ἡ γὰρ παντελὴς στέρησις καθόλου ἀδύναμος, ἡ δὲ μερικὴ οὐ, καθ᾿ ὃ στέρησις, ἔχει τὴν δύναμιν, ἀλλὰ καθ᾿ ὃ οὐ παντελής ἐστι στέρησις. Στερήσεως γὰρ τοῦ ἀγαθοῦ μερικῆς οὔσης οὔπω κακόν, καὶ γενομένης καὶ ἡ τοῦ κακοῦ φύσις ἀπελήλυθεν.
30. Συνελόντι δὲ φάναι· Τὸ ἀγαθὸν ἐκ μιᾶς καὶ τῆς ὅλης αἰτίας, τὸ δὲ κακὸν ἐκ πολλῶν καὶ μερικῶν ἐλλείψεων. Οἶδεν ὁ θεὸς τὸ κακόν, ᾗ ἀγαθόν, καὶ παρ᾿ αὐτῷ αἱ αἰτίαι τῶν κακῶν δυνάμεις εἰσὶν ἀγαθοποιοί. Εἰ τὸ κακὸν ἀΐδιον καὶ δημιουργεῖ καὶ δύναται καὶ ἔστι καὶ δρᾷ, πόθεν αὐτῷ ταῦτα; Ἦ ἐκ τοῦ ἀγαθοῦ ἢ τῷ ἀγαθῷ ἐκ τοῦ κακοῦ ἢ ἀμφοῖν ἐξ ἄλλης αἰτίας; Πᾶν τὸ κατὰ φύσιν ἐξ αἰτίας ὡρισμένης γεννᾶται. Εἰ τὸ κακὸν ἀναίτιον καὶ ἀόριστον, οὐ κατὰ φύσιν, οὐδὲ γὰρ ἐν τῇ φύσει τὸ παρὰ φύσιν, οὐδὲ ἀτεχνίας ἐν τῇ τέχνῃ λόγος. Ἆρα ἡ ψυχὴ τῶν κακῶν αἰτία καθάπερ τὸ πῦρ τοῦ θερμαίνειν καὶ πάντα, οἷς ἂν γειτνιάσῃ, κακίας ἀναπίμπλησιν; Ἢ ἀγαθὴ μὲν ἡ ψυχῆς φύσις, ταῖς δὲ ἐνεργείαις ποτὲ μὲν οὕτως ἔχει, ποτὲ δὲ οὕτως; Εἰ μὲν φύσει καὶ τὸ εἶναι αὐτῆς κακόν, καὶ πόθεν αὐτῇ τὸ εἶναι; Ἦ ἐκ τῆς δημιουργικῆς τῶν ὅλων ὄντων ἀγαθῆς αἰτίας; Ἀλλ᾿ εἰ ἐκ ταύτης, πῶς κατ᾿ οὐσίαν κακόν; Ἀγαθὰ γὰρ πάντα ταύτης ἔκγονα. Εἰ δὲ ταῖς ἐνεργείαις, οὐδὲ τοῦτο ἀμετάβλητον. Εἰ δὲ μή, πόθεν αἱ ἀρεταὶ μὴ καὶ ἀγαθοειδοῦς αὐτῆς γινομένης; Λείπεται ἄρα τὸ κακὸν ἀσθένεια καὶ ἔλλειψις τοῦ ἀγαθοῦ εἶναι.
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Traduction française :
[4f] XXVI. La nature considérée dans son ensemble ne renferme pas le mal; car, comme toutes choses trouvent en elle leurs raisons constitutives, il est manifeste que rien ne saurait lui nuire. Il est vrai toutefois que les êtres particuliers rencontrent des choses qui leur sont naturellement conformes, et des choses qui leur sont naturellement hostiles : car chaque nature isolément prise a ses lois, et ce qui convient à l'une peut contrarier l'autre. Le vrai mal, c'est qu'une nature éprouve ce qui la combat, et soit dépouillée de ce qui tient à son essence. La nature n'est donc pas mauvaise, mais cela est mauvais pour la nature, qui l'empêche d'agir dans le sens de ses forces propres.
XXVII. Dans les corps le mal n'existe pas davantage. Car la laideur est bien la privation de la beauté, et la maladie un désordre; cependant il n'y a pas ici de mal absolu, mais seulement un moindre bien, puisque si toute beauté, toute forme, toute ordonnance avait disparu, le corps lui-même périrait. Le mal de l'âme ne dérive pas non plus du corps, la perversité se pouvant rencontrer en des êtres dépourvus de corps, comme les démons. Ainsi pour tous les êtres, purs esprits, âmes et corps, le mal consiste dans la diminution et la ruine des biens qui leur sont propres.
XXVIII. Bien plus, la matière, en tant que matière, n'est pas mauvaise, comme pourtant on a coutume de l'affirmer; car elle n'est pas dénuée d'ornement, de beauté et de forme. Et si elle n'a aucune de ces choses, si elle n'a ni qualité, ni manière d'être quelconque, alors elle ne subsiste ni à l'état actif, ni même à l'état passif. Ensuite, comment la matière serait-elle mauvaise? Si elle n'existe nullement, elle n'est ni bonne ni mauvaise; si elle existe de quelque façon que ce soit, toutes choses provenant du bien, la matière aura la même origine; et partant il faudra dire que le bien crée le mal, ou que le mal est bon parce qu'il sort du bien, ou réciproquement que le mal crée le bien, ou que le bien est mauvais parce qu'il sort du mal. Ou encore, nous voilà ramenés à deux principes qui remontent eux-mêmes à un principe supérieur. De plus, si l'on prétend que la matière n'existe que comme nécessaire complément du monde, comment peut-elle être mauvaise? Car autre ce qui est mauvais, autre ce qui est nécessaire. Et comment le bien emploie-t-il le mal à la production des êtres, ou comment le mal peut-il aspirer au bien, avec lequel il est essentiellement en contradiction? Et comment la matière qu'on suppose mauvaise, donne-t-elle à certains êtres la vie et la nourriture? Car le mal, en tant que mal, n'engendre ni n'alimente, ne crée ni ne conserve aucune chose. Enfin quand on avance que la matière, si elle ne corrompt pas directement les âmes, du moins les entraîne vers le mal, cela est-il vrai? Car plusieurs d'entre elles se tournent vers le bien ; or, le pourraient-elles faire, si elles étaient nécessairement inclinées vers le mal? Donc la corruption des âmes ne vient pas de la matière, mais de la fausse direction que prend leur activité. Si l'on ajoute qu'il n'en saurait être d'une autre sorte, et que les âmes obéissent nécessairement aux mobiles impressions de la matière dont elles ne furent pas créées indépendantes, je demanderai à mon tour: comment le mal est-il nécessaire, ou comment ce qui est nécessaire est-il mauvais?
XXIX. Bien plus, ce que nous appelons privation ne contredit pas le bien par sa force propre. Car ou la privation est complète, et par là même elle n'est qu'une radicale impuissance ; ou elle n'est que partielle, et en ce cas, si elle possède quelque énergie, c'est qu'on la considère à l'endroit par où elle n'est pas privation. Et en effet, la privation d'un bien partiel n'est pas précisément un mal, et si la privation devient complète, le sujet même du mal disparaît.
XXX. Pour tout dire en un mot, le bien procède d'une cause unique et totalement parfaite, le mal résulte de défectuosités multiples et particulières. Dieu connaît le mal sous la raison du bien, et devant son regard, les principes qui produisent le mal sont des puissances capables de bien. D'ailleurs, si le mal est éteruel et créateur ; s'il possède l'existence et l'activité, et s'il agit réellement, d'où lui viennent ces perfections? les reçoit-il du bien? ou le bien les reçoit-il de lui ? Ou y aurait-il quelque cause suprême qui les communique à l'un et à l'autre? Tout ce qui résulte naturellement d'une chose, trouve en elle sa raison d'être déterminée ; or le mal n'ayant pas sa raison d'être déterminée, n'est le résultat naturel d'aucune chose ; car ce qui est contre nature ne dérive pas de la nature, comme l'irrégularité n'a pas sa raison dans la règle. Est-ce donc que l'âme est cause du mal, comme le feu est cause de la chaleur, et qu'elle emplit de sa malice les substances auxquelles elle s'allie? Ou originairement douée d'une nature bonne, ses opérations seraient-elles tantôt bonnes et tantôt mauvaises? Or, si l'âme est naturellement mauvaise, alors d'où vient sa substance? Est-ce du principe souverainement bon qui a créé tous les êtres? Mais en ce cas, comment peut-elle être essentiellement mauvaise, puisque la cause suprême ne produit que des œuvres bonnes? Si au contraire l'âme est mauvaise dans ses actions, du moins ce n'est pas toujours : autrement et si elle n'était créée conforme au bien, d'où lui viendrait la vertu? Reste donc à conclure que le mal est faiblesse et défection dans le bien.
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