Texte grec :
[80] Ἐπειδὴ δὲ τοὐναντίον ἑπτακαίδεκα μὲν πόλεις εἷλεν, ἑβδομήκοντα δὲ
ναῦς ἔλαβεν, τρισχιλίους δ' αἰχμαλώτους, δέκα δὲ καὶ ἑκατὸν τάλαντ'
ἀπέφηνεν, τοσαῦτα δ' ἔστησε τρόπαια, τηνικαῦτα δ' οὐκ ἔσται κύρι' αὐτῷ τὰ
δοθέντ' ἐπὶ τούτοις; Καὶ μήν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, καὶ ζῶν πάνθ' ὑπὲρ ὑμῶν
φανήσεται πράξας Χαβρίας, καὶ τὴν τελευτὴν αὐτὴν τοῦ βίου πεποιημένος οὐχ
ὑπὲρ ἄλλου τινός, ὥστε δικαίως ἂν οὐ μόνον διὰ τὰ ζῶντι πεπραγμένα
φαίνοισθ' εὐνοϊκῶς διακείμενοι πρὸς τὸν υἱὸν αὐτοῦ, ἀλλὰ καὶ διὰ ταύτην.
(81) Ἄξιον τοίνυν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, κἀκεῖνο σκοπεῖν, ὅπως μὴ φανούμεθα
φαυλότεροι Χίων περὶ τοὺς εὐεργέτας γεγενημένοι. Εἰ γὰρ ἐκεῖνοι μέν, ἐφ'
οὓς μεθ' ὅπλων ἦλθεν ἐν ἐχθροῦ τάξει, μηδὲν ὧν ἔδοσαν πρότερον νῦν
ἀφῄρηνται, ἀλλὰ τὰς πάλαι χάριτας μείζους τῶν καινῶν ἐγκλημάτων
πεποίηνται, ὑμεῖς δέ, ὑπὲρ ὧν ἐπ' ἐκείνους ἐλθὼν ἐτελεύτησεν, ἀντὶ τοῦ διὰ
ταῦτ' ἔτι μᾶλλον αὐτὸν τιμᾶν καὶ τῶν ἐπὶ ταῖς πρότερον εὐεργεσίαις τι
δοθέντων ἀφῃρημένοι φανήσεσθε, πῶς οὐκ εἰκότως αἰσχύνην ἕξετε; (82) Καὶ
μὴν καὶ κατ' ἐκεῖν' ἀνάξι' ἂν εἴη πεπονθὼς ὁ παῖς εἴ τι τῆς δωρειᾶς
ἀφαιρεθείη, καθ' ὃ πολλάκις ὑμῶν στρατηγήσαντος Χαβρίου οὐδενὸς πώποθ'
υἱὸς ὀρφανὸς δι' ἐκεῖνον ἐγένετο, αὐτὸς δ' ἐν ὀρφανίᾳ τέθραπται διὰ τὴν
πρὸς ὑμᾶς φιλοτιμίαν τοῦ πατρός. Οὕτω γὰρ ὡς ἀληθῶς ἔμοιγε φαίνεται
βεβαίως πως ἐκεῖνος φιλόπολις, ὥστε δοκῶν καὶ ὢν ἀσφαλέστατος στρατηγὸς
ἁπάντων, ὑπὲρ μὲν ὑμῶν, ὁπόθ' ἡγοῖτο, ἐχρῆτο τούτῳ, ὑπὲρ αὑτοῦ δέ, ἐπειδὴ
τὸ καθ' αὑτὸν ἐτάχθη κινδυνεύειν, παρεῖδε, καὶ μᾶλλον εἵλετο μὴ ζῆν ἢ
καταισχῦναι τὰς παρ' ὑμῶν ὑπαρχούσας αὐτῷ τιμάς. (83) Εἶθ' ὑπὲρ ὧν ἐκεῖνος
ᾤετο δεῖν ἀποθνῄσκειν ἢ νικᾶν, ταῦθ' ἡμεῖς ἀφελώμεθα τὸν υἱὸν αὐτοῦ; Καὶ
τί φήσομεν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, ὅταν τὰ μὲν τρόπαι' ἑστήκῃ δῆλα πᾶσιν
ἀνθρώποις, ἃ ὑπὲρ ὑμῶν στρατηγῶν ἐκεῖνος ἔστησε, τῶν δ' ἐπὶ τούτοις
δωρειῶν ἀφῃρημένον τι φαίνηται; Οὐ σκέψεσθ', ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, καὶ
λογιεῖσθε, ὅτι νῦν οὐχ ὁ νόμος κρίνεται πότερον ἔστ' ἐπιτήδειος ἢ οὔ, ἀλλ'
ὑμεῖς δοκιμάζεσθ' εἴτ' ἐπιτήδειοι πάσχειν ἔστ' εὖ τὸν λοιπὸν χρόνον εἴτε μή;
(84) Λαβὲ δὴ καὶ τὸ τῷ Χαβρίᾳ ψήφισμα ψηφισθέν. Ὅρα ῎‘δὴ καὶ σκόπει· δεῖ
γὰρ αὔτ' ἐνταῦθ' εἶναί που.
Ἐγὼ δ' ἔτι τοῦτ' εἰπεῖν ὑπὲρ Χαβρίου βούλομαι. Ὑμεῖς, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι,
τιμῶντές ποτ' Ἰφικράτην, οὐ μόνον αὐτὸν ἐτιμήσατε, ἀλλὰ καὶ δι' ἐκεῖνον
Στράβακα καὶ Πολύστρατον· καὶ πάλιν, Τιμοθέῳ διδόντες τὴν δωρειάν, δι'
ἐκεῖνον ἐδώκατε καὶ Κλεάρχῳ καί τισιν ἄλλοις πολιτείαν· Χαβρίας δ' αὐτὸς
ἐτιμήθη παρ' ὑμῖν μόνος. (85) Εἰ δὴ τόθ', ὅθ' εὑρίσκετο τὴν δωρειάν,
ἠξίωσεν ὑμᾶς, ὥσπερ δι' Ἰφικράτην καὶ Τιμόθεον εὖ τινὰς πεποιήκατε, οὕτω
καὶ δι' αὑτὸν εὖ ποιῆσαι τούτων τινὰς τῶν εὑρημένων τὴν ἀτέλειαν, οὓς νῦν
οὗτοι μεμφόμενοι πάντας ἀφαιρεῖσθαι κελεύουσιν ὁμοίως, οὐκ ἂν ἐδώκατε
ταύτην αὐτῷ τὴν χάριν; Ἔγωγ' ἡγοῦμαι. (86) Εἶθ' οἷς δι' ἐκεῖνον ἂν τότ'
ἐδώκατε δωρειάν, διὰ τούτους νῦν αὐτὸν ἐκεῖνον ἀφαιρήσεσθε τὴν ἀτέλειαν;
Ἀλλ' ἄλογον. Οὐδὲ γὰρ ὑμῖν ἁρμόττει δοκεῖν παρὰ μὲν τὰς εὐεργεσίας οὕτω
προχείρως ἔχειν ὥστε μὴ μόνους αὐτοὺς τοὺς εὐεργέτας τιμᾶν, ἀλλὰ καὶ τοὺς
ἐκείνων φίλους, ἐπειδὰν δὲ χρόνος διέλθῃ βραχύς, καὶ ὅσ' αὐτοῖς δεδώκατε,
ταῦτ' ἀφαιρεῖσθαι.
ΨΗΦΙΣΜΑΤΑ ΤΩΝ ΧΑΒPΙΟΥ ΤΙΜΩΝ.
(87) Οὓς μὲν τοίνυν ἀδικήσετε, εἰ μὴ λύσετε τὸν νόμον, πρὸς πολλοῖς
ἄλλοις, οὓς ἀκηκόατε, εἰσίν, ὦ ἄνδρες δικασταί. Σκοπεῖτε δὴ καὶ λογίσασθ'
ἐν ὑμῖν αὐτοῖς, εἴ τινες τούτων τῶν τετελευτηκότων λάβοιεν τρόπῳ τινὶ τοῦ
νυνὶ γιγνομένου πράγματος αἴσθησιν, ὡς ἂν εἰκότως ἀγανακτήσειαν. Εἰ γὰρ ὧν
ἔργῳ πεποίηκεν ἕκαστος αὐτῶν ὑμᾶς εὖ, τούτων ἐκ λόγου κρίσις γίγνεται, καὶ
τὰ καλῶς πραχθένθ' ὑπ' ἐκείνων, ἂν ὑφ' ἡμῶν μὴ καλῶς ῥηθῇ τῷ λόγῳ, μάτην
τοῖς πονήσασιν εἴργασται, πῶς οὐ δεινὰ πάσχουσιν;
(88) Ἵνα τοίνυν εἰδῆτ', ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, ὅτι ὡς ἀληθῶς ἐπὶ πᾶσι δικαίοις
ποιούμεθα τοὺς λόγους πάντας οὓς λέγομεν πρὸς ὑμᾶς, καὶ οὐδὲν ἔσθ' ὅ τι
τοῦ παρακρούσασθαι καὶ φενακίσαι λέγεται παρ' ἡμῶν ἕνεκα, ἀναγνώσεται τὸν
νόμον ὑμῖν ὃν παρεισφέρομεν γράψαντες ἀντὶ τοῦδε, ὃν οὐκ ἐπιτήδειον εἶναί
φαμεν. Γνώσεσθε γὰρ ἐκ τούτου πρόνοιάν τιν' ἔχοντας ἡμᾶς καὶ ὅπως ὑμεῖς
μηδὲν αἰσχρὸν ποιῆσαι δόξετε, καὶ ὅπως, εἴ τινά τις καταμέμφεται τῶν
εὑρημένων τὰς δωρειάς, ἂν δίκαιον ᾖ, κρίνας παρ' ὑμῖν ἀφαιρήσεται, καὶ
ὅπως, οὓς οὐδεὶς ἂν ἀντείποι μὴ οὐ δεῖν ἔχειν, ἕξουσιν τὰ δοθέντα. (89)
Καὶ τούτων πάντων οὐδὲν ἔσθ' ἡμέτερον οὐδὲ καινὸν εὕρημα, ἀλλ' ὁ παλαιός,
ὃν οὗτος παρέβη, νόμος οὕτω κελεύει νομοθετεῖν, γράφεσθαι μέν, ἄν τίς τινα
τῶν ὑπαρχόντων νόμων μὴ καλῶς ἔχειν ἡγῆται, παρεισφέρειν δ' αὐτὸν ἄλλον,
ὃν ἂν τιθῇ λύων ἐκεῖνον, ὑμᾶς δ' ἀκούσαντες ἑλέσθαι τὸν κρείττω.
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Traduction française :
[80] Mais quand au contraire il a pris dix-sept villes,
qu'il s'est emparé de soixante-dix vaisseaux et
de trois mille captifs, qu'il a déclaré cent dix talents, et érigé tant de
trophées, il n'aura pas la jouissance assurée des avantages que vous lui
avez donnés en récompense? Il y a plus, Athéniens. Après avoir tout fait
pour vous pendant sa vie, c'est encore pour vous que Chabrias a rendu le
dernier soupir, et non pour d'autres. Aussi ce n'est pas seulement à
raison des belles actions de sa vie que vous devez montrer de la
bienveillance à son fils, c'est aussi à raison de sa mort. (81) Il y
a encore, Athéniens, autre chose à considérer. Prenons garde de ne pas
rester au-dessous des citoyens de Chios à l'endroit de nos bienfaiteurs.
Si les Chiotes qui l'ont vu porter les armes contre eux et venir en
ennemi, loin de lui retirer ce qu'ils lui avaient donné auparavant, ont
mis les services passés au-dessus des griefs présents, vous, pour lesquels
il est mort en marchant contre eux, au lieu de l'honorer davantage encore,
irez-vous lui retirer une partie de ce que vous lui avez donné pour ses
services antérieurs? Ne serait-ce pas vous couvrir de honte? (82) Il y a
d'ailleurs une raison particulière pour laquelle vous ne pouvez sans
injustice rien enlever à cet enfant du don qu'il a reçu. C'est qu'aucun fils
d'Athénien n'est devenu orphelin par le fait de Chabrias, qui a tant de
fois commandé vos armées, et lui, il a été réduit à la condition
d'orphelin parce que son père s'est dévoué pour vous. Car, en vérité, il
me semble que Chabrias a aimé sa patrie du fond du coeur. Lui qui passait
avec raison pour le plus prudent de vos généraux, il a été prudent pour
vous lorsqu'il commandait, mais, quand il a reçu l'ordre de s'exposer
lui-même au danger, il s'y est jeté tête baissée, aimant mieux sacrifier
sa vie que de ternir les honneurs dont vous l'aviez comblé. (83) Pour les
conserver, il a cru que son devoir était de mourir ou de vaincre, et nous
les ôterions à son fils? Que dirons-nous donc, Athéniens, lorsque d'un
côté on verra debout, frappant les yeux de tous, les trophées érigés par
cet homme en souvenir des victoires remportées pour vous, et que d'un
autre côté la récompense de si grands services paraîtra amoindrie et
mutilée? Ne réfléchirez-vous pas, Athéniens, ne comprendrez-vous pas qu'en
ce moment il ne s'agit pas de juger la loi bonne ou mauvaise? C'est de
vous qu'il s'agit, et cette épreuve montrera si désormais il est bon ou
mauvais de vous servir.
(84) Prends encore ce décret voté en l'honneur de Chabrias. Vois et
cherche, car ce décret doit se trouver quelque part ici.
Je veux encore vous dire un mot au sujet de Chabrias. Athéniens, lorsque
vous avez décerné vos honneurs à Iphicrate, vous les avez décernés non pas
à lui seulement, mais encore, à cause de lui, à Etrabax et à Polystratos.
Plus tard, en récompensant Timothée, vous avez, à cause de lui,
donné le droit de cité à Cléarque et à plusieurs autres. Chabrias, au
contraire, a été honoré seul, et nul autre avec lui. (85) Si, le jour où
il a obtenu sa récompense, il vous avait prié de faire pour lui ce que
vous avez fait pour Iphicrate et Timothée, de gratifier à cause de lui
certains de ces hommes qui ont obtenu l'immunité et qui fournissent des
griefs à mes adversaires dans la lutte engagée par eux pour la suppression
absolue de toutes les immunités, ne lui auriez-vous pas accordé cette
grâce? Oui, je le crois, du moins. (86) Eh bien, ces mêmes hommes à qui
vous auriez alors accordé la récompense à cause de lui, seront cause
aujourd'hui que vous lui ôterez l'immunité? Mais cela est contraire à la
raison. Vous seriez en effet bien inconséquents si l'on vous voyait assez
sensibles aux bienfaits pour récompenser non seulement vos bienfaiteurs,
mais même leurs amis, et bientôt après assez oublieux pour leur ôter tout
ce que vous leur avez donné à eux-mêmes.
DÉCRET RELATIF AUX HONNEURS RENDUS A CHABRIAS.
(87) Voilà, juges, ceux à qui vous ferez une injustice, si vous n'annulez
pas la loi. Il y en a beaucoup d'autres, mais je me borne à ceux dont vous
venez d'entendre les noms. Voyez maintenant et réfléchissez à part vous.
Si un de ces hommes, j'entends de ceux qui sont morts, pouvait, je ne sais
comment, voir ce qui se passe aujourd'hui, quelle ne serait pas sa
légitime indignation? Si les services que chacun d'eux nous a rendus avec
son bras tiennent tout leur prix du succès d'un discours, si les belles
actions qu'ils ont faites ne doivent plus être pour eux qu'un sacrifice
sans récompense, au cas où notre discours n'en donnerait pas une idée
suffisante, n'est-il pas vrai qu'ils sont indignement traités?
(88) En vous parlant ainsi, Athéniens, nous n'avons en vue que le droit,
et de tout ce qui a été dit par nous, rien ne l'a été en vue de vous
tromper ni de vous donner le change. Pour vous le prouver, on va vous lire
la loi proposée par nous, à la place de celle de Leptine, que nous ne
trouvons pas bonne. Vous verrez par là que nous ne sommes pas
imprévoyants. Nous voulons que vous évitiez l'apparence même d'une
mauvaise action, que vos récompenses, si la distribution en est justement
critiquée, puissent être retirées, ici, par jugement; enfin que ceux dont
le mérite ne peut être contesté par personne gardent la chose donnée. (89)
Et en tout cela, il n'y a rien de nouveau, rien de notre invention. Cette
même vieille loi que Leptine a enfreinte prescrit de procéder de la sorte
en fait de législation : engager la lutte si l'on croit qu'une des lois
existantes n'est pas bonne; mais en proposer une autre à la place, et
demander en même temps l'adoption de celle-ci et l'annulation de celle-là.
Quant à vous, vous devez écouter et choisir la meilleure des deux.
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