[210] Τούτων μὲν τοίνυν οὐδὲν εἶπεν οὐδ' ἐφθέγξατο,
οὐδ' ἤκουσεν ὑμῶν οὐδείς, ἄλλα δ' ἠπείλει. Διὰ τί; Ὅτι ταῦτα
μὲν αὑτῷ συνῄδει πεπραγμένα, καὶ δοῦλος ἦν τῶν ῥημάτων τούτων. Οὔκουν
προσῄει πρὸς ταῦθ' ἡ διάνοια, ἀλλ' ἀνεδύετο· ἐπελαμβάνετο γὰρ αὐτῆς τὸ
συνειδέναι. Λοιδορεῖσθαι δ' ἄλλ' ἄττ' οὐδὲν ἐκώλυεν αὐτὸν οὐδὲ βλασφημεῖν.
(211) Ὃ τοίνυν μέγιστον ἁπάντων, καὶ οὐ λόγος ἀλλ' ἔργον· βουλομένου γὰρ
ἐμοῦ τὰ δίκαια, ὥσπερ ἐπρέσβευσα δίς, οὕτω καὶ λόγον ὑμῖν δοῦναι δίς,
προσελθὼν Αἰσχίνης οὑτοσὶ τοῖς λογισταῖς ἔχων μάρτυρας πολλοὺς ἀπηγόρευε
μὴ καλεῖν ἔμ' εἰς τὸ δικαστήριον ὡς δεδωκότ' εὐθύνας καὶ οὐκ ὄνθ'
ὑπεύθυνον· καὶ τὸ πρᾶγμ' ἦν ὑπεργέλοιον. Τί οὖν ἦν τοῦτο; Τῆς προτέρας
ἐκείνης πρεσβείας, ἧς οὐδεὶς κατηγόρει, δοὺς λόγον οὐκέτ' ἐβούλετ' αὖθις
εἰσιέναι περὶ ταύτης ἧς νῦν εἰσέρχεται, ἐν ᾗ πάντα τἀδικήματ' ἐνῆν· (212)
ἐκ δὲ τοῦ δὶς ἔμ' εἰσελθεῖν ἀνάγκη περιίστατο καὶ τούτῳ πάλιν εἰσιέναι·
διὰ ταῦτ' οὐκ εἴα καλεῖν. Καίτοι τοῦτο τὸ ἔργον, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι,
ἀμφότερ' ὑμῖν ἐπιδείκνυσι σαφῶς, καὶ κατεγνωκόθ' ἑαυτοῦ τοῦτον ὥστε μηδενὶ
νῦν ὑμῶν εὐσεβῶς ἔχειν ἀποψηφίσασθαι αὐτοῦ, καὶ μηδὲν ἀληθὲς ἐροῦντα περὶ
ἐμοῦ· εἰ γὰρ εἶχε, τότ' ἂν καὶ λέγων καὶ κατηγορῶν ἐξητάζετο, οὐ μὰ Δί'
οὐκ ἀπηγόρευε καλεῖν. (213) Ὡς τοίνυν ταῦτ' ἀληθῆ λέγω, κάλει μοι τούτων
τοὺς μάρτυρας.
Ἀλλὰ μὴν ἄν γέ τι ἔξω τῆς πρεσβείας βλασφημῇ περὶ ἐμοῦ, κατὰ πόλλ' οὐκ ἂν
εἰκότως ἀκούοιτ' αὐτοῦ. Οὐ γὰρ ἐγὼ κρίνομαι τήμερον, οὐδ' ἐγχεῖ μετὰ ταῦθ'
ὕδωρ οὐδεὶς ἐμοί. Τί οὖν ἐστι ταῦτα πλὴν δικαίων λόγων ἀπορία; Τίς γὰρ ἂν
κατηγορεῖν ἕλοιτο κρινόμενος, ἔχων ὅ τι ἀπολογήσεται; (214) Ἔτι τοίνυν
κἀκεῖνο σκοπεῖτ', ἄνδρες δικασταί. Εἰ ἐκρινόμην μὲν ἐγώ, κατηγόρει δ'
Αἰσχίνης οὑτοσί, Φίλιππος δ' ἦν ὁ κρίνων, εἶτ' ἐγὼ μηδὲν ἔχων εἰπεῖν ὡς
οὐκ ἀδικῶ κακῶς ἔλεγον τουτονὶ καὶ προπηλακίζειν ἐπεχείρουν, οὐκ ἂν οἴεσθε
καὶ κατ' αὐτὸ τοῦτ' ἀγανακτῆσαι τὸν Φίλιππον, εἰ παρ' ἐκείνῳ τοὺς ἐκείνου
τις εὐεργέτας κακῶς λέγει; Μὴ τοίνυν ὑμεῖς χείρους γένησθε Φιλίππου, ἀλλ'
ὑπὲρ ὧν ἀγωνίζεται, περὶ τούτων ἀναγκάζετ' ἀπολογεῖσθαι. Λέγε τὴν
μαρτυρίαν.
Μαρτυρία.
(215) Οὐκοῦν ἐγὼ μέν, ἐκ τοῦ μηδὲν ἐμαυτῷ συνειδέναι, καὶ λόγον διδόναι
καὶ πάντα τἀκ τῶν νόμων ὑπέχειν ᾤμην δεῖν, οὗτος δὲ τἀναντία. Πῶς οὖν
ταὔτ' ἐμοὶ καὶ τούτῳ πέπρακται; Ἢ πῶς ἔνεστι τούτῳ ταῦτα πρὸς ὑμᾶς λέγειν,
ἃ μηδ' ᾐτίαται πρότερον πώποτε; Οὐδαμῶς δήπου. Ἀλλ' ὅμως ἐρεῖ, καὶ νὴ Δί'
εἰκότως γε. Ἵστε γὰρ δήπου τοῦθ', ὅτι ἀφ' οὗ γεγόνασιν ἄνθρωποι καὶ
κρίσεις γίγνονται, οὐδεὶς πώποθ' ὁμολογῶν ἀδικεῖν ἑάλω, ἀλλ'
ἀναισχυντοῦσιν, ἀρνοῦνται, ψεύδονται, προφάσεις πλάττονται, πάντα ποιοῦσιν
ὑπὲρ τοῦ μὴ δοῦναι δίκην. (216) Ὧν οὐδενὶ δεῖ παρακρουσθῆναι τήμερον ὑμᾶς,
ἀλλ' ἀφ' ὧν ἴστ' αὐτοὶ τὰ πράγματα κρῖναι, μὴ τοῖς ἐμοῖς λόγοις μηδὲ τοῖς
τούτου προσέχειν, μηδέ γε τοῖς μάρτυσιν, οὓς οὗτος ἑτοίμους ἕξει μαρτυρεῖν
ὁτιοῦν, Φιλίππῳ χορηγῷ χρώμενος· ὄψεσθε δ' ὡς ἑτοίμως αὐτῷ μαρτυρήσουσιν·
μηδέ γ' εἰ καλὸν καὶ μέγ' οὗτος φθέγξεται, μηδ' εἰ φαῦλον ἐγώ. (217) Οὐδὲ
γὰρ ῥητόρων οὐδὲ λόγων κρίσιν ὑμᾶς τήμερον, εἴπερ εὖ φρονεῖτε, προσήκει
ποιεῖν, ἀλλ' ὑπὲρ πραγμάτων αἰσχρῶς καὶ δεινῶς ἀπολωλότων τὴν ὑπάρχουσαν
αἰσχύνην εἰς τοὺς αἰτίους ἀπώσασθε, τὰ πεπραγμένα, ἃ πάντες ἐπίστασθε,
ἐξετάσαντες. Τί οὖν ἐστι ταῦθ' ἃ ὑμεῖς ἴστε καὶ οὐ παρ' ἡμῶν ὑμᾶς ἀκοῦσαι
δεῖ; (218) Εἰ μὲν ἅπανθ' ὅσ' ὑπέσχονθ' ὑμῖν ἐκ τῆς εἰρήνης γέγονε, καὶ
τοσαύτης ἀνανδρίας καὶ κακίας ὑμεῖς ὁμολογεῖτ' εἶναι μεστοί, ὥστε μήτ' ἐν
τῇ χώρᾳ τῶν πολεμίων ὄντων μήτ' ἐκ θαλάττης πολιορκούμενοι μήτ' ἐν ἄλλῳ
μηδενὶ δεινῷ τῆς πόλεως οὔσης, ἀλλὰ καὶ σῖτον εὔωνον ὠνούμενοι καὶ τἄλλ'
οὐδὲν χεῖρον πράττοντες ἢ νῦν, (219) προειδότες καὶ προακηκοότες παρὰ
τούτων καὶ τοὺς συμμάχους ἀπολουμένους καὶ Θηβαίους ἰσχυροὺς γενησομένους
καὶ τἀπὶ Θρᾴκης Φίλιππον ληψόμενον καὶ ἐν Εὐβοίᾳ κατασκευασθησόμεν'
ὁρμητήρι' ἐφ' ὑμᾶς καὶ πάνθ' ἃ πέπρακται γενησόμενα, εἶτα τὴν εἰρήνην
ἐποιήσασθ' ἀγαπητῶς, ἀποψηφίσασθ' Αἰσχίνου, καὶ μὴ πρὸς τοσούτοις αἰσχροῖς
καὶ ἐπιορκίαν προσκτήσησθε· οὐδὲν γὰρ ὑμᾶς ἀδικεῖ, ἀλλ' ἐγὼ μαίνομαι καὶ
τετύφωμαι νῦν κατηγορῶν αὐτοῦ.
| [210] Mais ce langage était loin de ses lèvres, et nul de vous ne
l'a entendu. Au lieu de cela, il menaçait; et pourquoi? c'est que sa
conscience de coupable le faisait trembler comme un esclave devant la
désignation de ses crimes. Loin de se porter de ce côté, sa pensée s'en
échappait, refoulée loin de là par le remords; mais il se trouvait libre
dans la carrière de l'injure et de l'invective.
(211) Voici qui surpasse tout ; voici, non des paroles, mais un fait.
Ayant rempli deux missions, je voulais, avec justice, rendre compte deux
fois. Eschine, accompagné de nombreux témoins, se présente aux
vérificateurs des comptes, et s'oppose à ce que je sois appelé à leur
tribunal, sous prétexte que j'avais subi l'examen et que je n'étais plus
responsable. La démarche était le chef-d'œuvre du ridicule; mais quel en
fut le motif ? Eschine, qui avait rendu compte de la première ambassade,
pour laquelle il n'était pas accusé, ne voulait pas se soumettre à un
nouveau contrôle pour la seconde, objet du procès actuel, et qui
renfermait toute la masse des délits. (212) Or, me présenter deux fois
devant les magistrats, c'était lui imposer la nécessité d'y reparaître. De
là, sa protestation. Ce fait, ô Athéniens ! prouve nettement deux choses :
Eschine s'est condamné lui-même, et ôte aujourd'hui à la religion du juge
tout moyen de l'absoudre; Eschine ne dira rien de vrai contre moi. Sans
cela, ne l'aurait-on pas vu alors prendre la parole et m'attaquer, au lieu
de m'éloigner du tribunal? (213) — Appelle les témoins qui confirmeront la
vérité de ce fait.
D'ailleurs, s'il ne me répond que par des insultes, étrangères à
l'ambassade, vous devez, pour plus d'une raison, refuser de l'entendre. Ce
n'est pas moi qui suis l'accusé, et la réplique ne m'est pas accordée.
Injurier, est-ce autre chose que manquer de preuves? et l'accusé qui
peut se défendre vient-il attaquer? (214) Faites de plus cette réflexion :
si, traduit en justice, j'avais Eschine pour accusateur et Philippe pour
juge, et que, dans l'impossibilité d'établir mon innocence, je recourusse
à la médisance et au sarcasme, pensez-vous que le prince laissât
tranquillement injurier, à sa face, les hommes qui ont bien mérité de sa
personne? Ne soyez donc pas moins délicats qu'un Philippe, et forcez
Eschine à renfermer son apologie dans les limite de nos débats. — Mais lis
la déposition.
Lecture de la Déposition.
(215) Ainsi, moi, par l'impulsion d'une bonne conscience, je voulais
rendre mes comptes, je regardais comme un devoir la soumission à
toutes les formalités légales; chez l'accusé, c'est le contraire. Est-il
donc possible que nos faits soient les mêmes? A-t-il le droit d'énoncer
devant vous des reproches qu'il ne m'a jamais faits jusqu'ici ? Non, sans
doute. N'importe, il les énoncera; et, par Jupiter! je ne m'en étonne
point; car, vous le savez, depuis qu'il existe des hommes et qu'on rend
des jugements, nul coupable n'a été condamné sur son propre aveu ; les
accusés s'arment toujours d'effronterie, de dénégations, de mensonges; ils
créent des défaites, ils épuisent tous les subterfuges en présence du
châtiment. (216) Ne soyez dupes d'aucun de ces artifices; jugez d'après
vos propres lumières ; ne vous en rapportez ni à mes paroles, ni à celles
d'Eschine, ni aux témoins achetés par l'or de Philippe pour déposer au gré
de l'accusé, et avec quel zèle ! vous le verrez. Ne considérez pas non
plus la force et la beauté de sa voix, ni les défauts de la mienne ; (217)
car la raison vous dira que vous n'avez pas à prononcer aujourd'hui sur
des orateurs, sur des phrases ; mais qu'après avoir examiné des faits que
vous connaissez tous, vous devez renvoyer à leurs coupables auteurs toute
l'infamie des crimes qui ont perdu nos affaires. Et quels sont ces crimes?
je le répète, vous les connaissez, et ce n'est pas de notre bouche que
vous devez les apprendre. (218) Que si tous les résultats de la paix ont
été tels qu'ils vous furent promis; si, sans a voir vu l'ennemi sur votre
territoire, sans agression du côté de la mer, sans aucun autre péril, sans
que le prix des subsistances fût haussé, sans qu'Athènes fût placée plus
bas qu'aujourd'hui, (219) instruits d'avance par les députés que vos
alliés allaient périr, les Thébains accroître leur puissance, Philippe
envahir vos possessions de Thrace, et se préparer dans l'Eubée des points
d'attaque contre vous, qu'enfin tout ce qui s'est fait devait s'accomplir;
si dis-je, vous convenez avoir été assez vils, assez lâches pour accepter
avidement la paix dans de telles circonstances, absolvez Eschine; soyez
infâmes, mais ne soyez pas iniques : oui, Eschine ne vous a pas trahis, et
c'est folie, c'est aveuglement à moi, de l'accuser.
|