[5,20] Ἴστε γὰρ δήπου τοῦθ' ὅτι νῦν Θηβαῖοι καὶ Φίλιππος καὶ Θετταλοί,
οὐχὶ ταὔθ' ἕκαστοι μάλιστ' ἐσπουδακότες, ταὐτὰ πάντες ἔπραξαν·
οἷον Θηβαῖοι τὸν μὲν Φίλιππον παρελθεῖν καὶ λαβεῖν τὰς παρόδους οὐκ
ἐδύναντο κωλῦσαι, οὐδέ γε τῶν αὑτοῖς πεπονημένων ὕστατον ἐλθόντα τὴν δόξαν
ἔχειν· (21) νυνὶ γὰρ Θηβαίοις πρὸς μὲν τὸ τὴν χώραν κεκομίσθαι πέπρακταί
τι, πρὸς δὲ τιμὴν καὶ δόξαν αἴσχιστα· εἰ γὰρ μὴ παρῆλθε Φίλιππος, οὐδὲν ἂν
αὐτοῖς κέρδος εἶναι. Ταῦτα δ' οὐκ ἐβούλοντο, ἀλλὰ τῷ τὸν Ὀρχομενὸν καὶ τὴν
Κορώνειαν λαβεῖν ἐπιθυμεῖν, μὴ δύνασθαι δέ, πάντα ταῦθ' ὑπέμειναν. (22)
Φίλιππον τοίνυν τινὲς μὲν δήπου τολμῶσι λέγειν ὡς οὐδ' ἐβούλετο Θηβαίοις
Ὀρχομενὸν καὶ Κορώνειαν παραδοῦναι, ἀλλ' ἠναγκάσθη· ἐγὼ δὲ τούτοις μὲν
ἐρρῶσθαι λέγω, ἐκεῖνο δ' οἶδ', ὅτι οὐ μᾶλλόν γε ταῦτ' ἔμελ' αὐτῷ ἢ τὰς
παρόδους λαβεῖν ἐβούλετο καὶ τὴν δόξαν τοῦ πολέμουυ τοῦ δοκεῖν δι' αὑτὸν
κρίσιν εἰληφέναι, καὶ τὰ Πύθια θεῖναι δι' αὑτοῦ, καὶ ταῦτ' ἦν ὧν μάλιστ'
ἐγλίχετο. (23) Θετταλοὶ δέ γ' οὐδέτερ' ἐβούλοντο τούτων, οὔτε Θηβαίους
οὔτε τὸν Φίλιππον μέγαν γίγνεσθαι ιταῦτα γὰρ πάντ' ἐφ' ἑαυτοὺς ἡγοῦντὀ,
τῆς πυλαίας δ' ἐπεθύμουν καὶ τῶν ἐν Δελφοῖς, πλεονεκτημάτων δυοῖν, κύριοι
γενέσθαι· τῷ δὲ τούτων γλίχεσθαι τάδε συγκατέπραξαν. Τῶν τοίνυν ἰδίων
ἕνεχ' εὑρήσεθ' ἕκαστον πολλὰ προηγμένον ὧν οὐδὲν ἐβούλετο πρᾶξαι. Τοῦτο
μέντοι, τοῦτ' ἔστιν φυλακτέον ἡμῖν.
(24) Τὰ κελευόμεν' ἡμᾶς ἄρα δεῖ ποιεῖν ταῦτα φοβουμένους; Καὶ σὺ ταῦτα
κελεύεις; Πολλοῦ γε καὶ δέω. Ἀλλ' ὡς οὔτε πράξομεν οὐδὲν ἀνάξιον ἡμῶν
αὐτῶν οὔτ' ἔσται πόλεμος, νοῦν δὲ δόξομεν πᾶσιν ἔχειν καὶ τὰ δίκαια
λέγειν, τοῦτ' οἶμαι δεῖν ποιεῖν.
Πρὸς δὲ τοὺς θρασέως ὁτιοῦν οἰομένους ὑπομεῖναι δεῖν καὶ μὴ προορωμένους
τὸν πόλεμον, ἐκεῖνα βούλομαι λογίσασθαι. Ἡμεῖς Θηβαίους ἐῶμεν ἔχειν
Ὠρωπόν· καὶ εἴ τις ἔροιθ' ἡμᾶς, κελεύσας εἰπεῖν τἀληθῆ, διὰ τί; Ἵνα μὴ
πολεμῶμεν, φαῖμεν ἄν. (25) Καὶ Φιλίππῳ νυνὶ κατὰ τὰς συνθήκας Ἀμφιπόλεως
παρακεχωρήκαμεν, καὶ Καρδιανοὺς ἐῶμεν ἔξω Χερρονησιτῶν τῶν ἄλλων τετάχθαι,
καὶ τὸν Κᾶρα τὰς νήσους καταλαμβάνειν, Χίον καὶ Κῶν καὶ Ῥόδον, καὶ
Βυζαντίους κατάγειν τὰ πλοῖα, δῆλον ὅτι τὴν ἀπὸ τῆς εἰρήνης ἡσυχίαν
πλειόνων ἀγαθῶν αἰτίαν εἶναι νομίζοντες ἢ τὸ προσκρούειν καὶ φιλονικεῖν
περὶ τούτων. Οὐκοῦν εὔηθες καὶ κομιδῇ σχέτλιον, πρὸς ἑκάστους καθ' ἕν'
οὕτω προσενηνεγμένους περὶ τῶν οἰκείων καὶ ἀναγκαιοτάτων, πρὸς πάντας περὶ
τῆς ἐν Δελφοῖς σκιᾶς νυνὶ πολεμῆσαι.
| [5,20] Vous n'ignorez pas, je crois, que les
Thébains, les Thessaliens et Philippe sans avoir chacun
le même but principal, ont tous concouru à la même fin.
Les Thébains, par exemple, n'ont pu empêcher que
Philippe, pénétrant jusqu'aux Thermopyles, ne
s'emparât de ce passage, et que, venu le dernier, il ne
ravit la gloire de leurs travaux: (21) ils ont acquis des
possessions et perdu l'honneur. Comme ils ne
pouvaient obtenir ce qu'ils désiraient qu'autant que ce
prince serait maître des Thermopyles, quoique
mécontents qu'il s'en emparât, ils l'ont souffert parce
qu'ils voulaient acquérir Orchomène et Coronée, et
qu'ils ne le pouvaient par eux-mêmes. (22) Il en est qui
prétendent que le roi de Macédoine a livré ces deux
villes aux Thébains de force et non de gré. Pour moi je
ne le puis croire, et je sais qu'en tout cela il n'avait rien
plus à coeur que de s'emparer des Thermopyles, de
présider aux jeux pythiques, et de passer dans la
Grèce après avoir terminé la guerre de Phocide, et réglé
le sort des Phocéens : c'est là ce qu'il ambitionnait
surtout. (23) Quant aux Thessaliens ils ne voulaient
l'agrandissement ni des Thébains, ni de Philippe, qu'ils
jugeaient nuisible à leurs affaires ; mais ils désiraient de
recouvrer le droit de séance et de suffrage, à
l'assemblée des Amphictyons, et pour parvenir à ce
but ils ont secondé ce monarque dans ses projets. Ainsi
des intérêts particuliers les entraînant chacun, les ont
fait tous agir contre leur gré. D'après ces réflexions il
est constant que nous ne pouvons trop nous observer.
(24) Mais devons-nous par une lâche politique, souffrir
qu'on nous fasse la loi ? est-ce là, me dira-t-on, votre
conseil ? Non, certes, Athéniens. Mais je pense avoir
assez prouvé que je ne dis rien de déraisonnable et
qu'en suivant mon avis, vous ne ferez rien d'indigne de
vous, vous éviterez la guerre, et donnerez à tous les
peuples une grande opinion de votre sagesse.
Quant à ceux qui, peu inquiets des suites d'une guerre
nouvelle, ne craignent point d'avancer que nous devons
en braver les hasards, qu'ils écoutent ce raisonnement.
Nous laissons Orope aux Thébains: si on nous
demandait quel est notre vrai motif, c'est, dirions-nous,
pour nous épargner la embarras de la guerre. (25) Nous
venons de céder par le traité de paix Amphipolis au roi
de Macédoine ; nous souffrons que les Cardiens se
séparent des autres peuples de la Chersonèse ; que le roi
de Carie occupe les îles de Chio, de Cos et de Rhodes ;
que les Byzantins enlèvent sur mer nos bâtiments ; et
pourquoi cela ? sans doute parce que nous pensons qu'il
nous est plus avantageux de jouir de la paix et du repos,
que de nous susciter des ennemis et d'émouvoir des
querelles pour de semblables sujets. Ne serait-ce donc
pas le comble de la déraison que, pour un titre vain et
chimérique, on vous vît braver en même temps
toutes ces puissances, vous qui, dans la crainte de les
offenser chacune séparément, sacrifiez des intérêts
chers et essentiels ?
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