[4,1] Ταύτην μὲν οὖν τὴν νύκτα Καλλιρόη διῆγεν ἐν θρήνοις, Χαιρέαν
ἔτι ζῶντα πενθοῦσα· μικρὸν δὲ καταδραθεῖσα ὄναρ ἑώρα λῃστήριον
βαρβάρων πῦρ ἐπιφέροντας, ἐμπιπραμένην δὲ τριήρη, Χαιρέᾳ δὲ
βοηθοῦσαν ἑαυτήν. ὁ δὲ Διονύσιος ἐλυπεῖτο μὲν ὁρῶν τρυχομένην
τὴν γυναῖκα, μὴ ἄρα τι καὶ τοῦ κάλλους αὐτῇ παραπόληται, εἰς δὲ τὸν
ἴδιον ἔρωτα λυσιτελεῖν ὑπελάμβανε τὸν πρότερον ἄνδρα βεβαίως
αὐτὴν ἀπογνῶναι. θέλων οὖν ἐνδείξασθαι στοργὴν καὶ μεγαλοψυχίαν
ἔφη πρὸς αὐτὴν "ἀνάστηθι, ὦ γύναι, καὶ τάφον κατασκεύασον
τῷ ταλαιπώρῳ. τί τὰ μὲν ἀδύνατα σπεύδεις, ἀμελεῖς δὲ τῶν ἀναγκαίων;
νόμιζε ἐφεστηκότα σοι λέγειν αὐτὸν
‘θάπτε με, ὅττι τάχιστα πύλας Ἀΐδαο περήσω.’
καὶ γὰρ εἰ μὴ τὸ σῶμα εὕρηται τοῦ δυστυχοῦς, ἀλλὰ νόμος οὗτος
ἀρχαῖος Ἑλλήνων, ὥστε καὶ τοὺς ἀφανεῖς τάφοις κοσμεῖν."
Ἔπεισε ταχέως, τὸ γὰρ πρὸς ἡδονὴν εἶχεν ἡ συμβουλία.
φροντίδος οὖν ἐμπεσούσης ἐλώφησεν ἡ λύπη, καὶ διαναστᾶσα τῆς
κλίνης κατεσκόπει χωρίον, ἐν ᾧ ποιήσει τὸν τάφον. ἤρεσε δὲ αὐτῇ
πλησίον τοῦ νεὼ τῆς Ἀφροδίτης, ὥστε καὶ τοὺς αὐτόθι ἔχειν ἔρωτος
ὑπόμνημα. Διονύσιος δὲ ἐφθόνησε Χαιρέᾳ τῆς γειτνιάσεως καὶ τὸν
τόπον τοῦτον ἐφύλαττεν ἑαυτῷ. θέλων οὖν ἅμα καὶ τριβὴν ἐγγενέσθαι
τῇ φροντίδι "βαδίζωμεν, ὦ γύναι" φησίν, "εἰς ἄστυ, κἀκεῖ
πρὸ τῆς πόλεως ὑψηλὸν καὶ ἀρίδηλον κατασκευάσωμεν τάφον,
ὥς κεν τηλεφανὴς ἐκ ποντόφιν ἀνδράσιν εἴη.
καλοὶ δὲ Μιλησίων εἰσὶ λιμένες, εἰς οὓς καθορμίζονται καὶ Συρακόσιοι
πολλάκις. οὔκουν οὐδὲ παρὰ τοῖς πολίταις ἀκλεᾶ τὴν φιλοτιμίαν ἕξεις."
Ὁ λόγος ἤρεσε Καλλιρόῃ, καὶ τότε μὲν ἐπέσχε τὴν σπουδήν·
ἐπειδὴ δὲ ἧκεν εἰς τὴν πόλιν, ἐπί τινος ὑψηλῆς ἠϊόνος οἰκοδομεῖν
ἤρξατο τάφον, πάντα ὅμοιον τῷ ἰδίῳ τῷ ἐν Συρακούσαις, τὸ σχῆμα,
τὸ μέγεθος, τὴν πολυτέλειαν, καὶ οὗτος δὴ ὡς ἐκεῖνος ζῶντος. ἐπεὶ
δὲ ἀφθόνοις ἀναλώμασι καὶ πολυχειρίᾳ ταχέως τὸ ἔργον ἠνύσθη,
τότε ἤδη καὶ τὴν ἐκκομιδὴν ἐμιμήσατο τὴν ἐπ´ αὐτῷ. προηγγέλλετο
μὲν γὰρ ἡμέρα ῥητή, συνῆλθε δὲ εἰς ἐκείνην οὐ μόνον τὸ Μιλησίων
πλῆθος ἀλλὰ καὶ τῆς Ἰωνίας σχεδὸν ὅλης. παρῆσαν δὲ καὶ δύο
σατράπαι κατὰ καιρὸν ἐπιδημοῦντες, Μιθριδάτης ὁ ἐν Καρίᾳ καὶ
Φαρνάκης δὲ ὁ Λυδίας. ἡ μὲν οὖν πρόφασις ἦν τιμῆσαι Διονύσιον,
ἡ δὲ ἀλήθεια Καλλιρόην ἰδεῖν. ἦν δὴ καὶ κλέος μέγα τῆς γυναικὸς
ἐπὶ τῆς Ἀσίας πάσης καὶ ἀνέβαινεν ἤδη μέχρι τοῦ μεγάλου βασιλέως
ὄνομα Καλλιρόης, οἷον οὐδὲ Ἀριάδνης οὐδὲ Λήδας. τότε δὲ καὶ τῆς δόξης
εὑρέθη κρείττων· προῆλθε γὰρ μελανείμων, λελυμένη τὰς τρίχας·
ἀστράπτουσα δὲ τῷ προσώπῳ καὶ παραγυμνοῦσα τοὺς βραχίονας ὑπὲρ
τὴν Λευκώλενον καὶ Καλλίσφυρον ἐφαίνετο τὰς Ὁμήρου. οὐδεὶς
μὲν οὖν οὐδὲ τῶν ἄλλων τὴν μαρμαρυγὴν ὑπήνεγκε τοῦ κάλλους, ἀλλ´
οἱ μὲν ἀπεστράφησαν, ὡς ἀκτῖνος ἡλιακῆς ἐμπεσούσης, οἱ δὲ καὶ
προσεκύνησαν. ἔπαθόν τι καὶ παῖδες. Μιθριδάτης δέ, ὁ Καρίας
ὕπαρχος, ἀχανὴς κατέπεσεν, ὥσπερ τις ἐξ ἀπροσδοκήτου σφενδόνῃ
βληθείς, καὶ μόλις αὐτὸν οἱ θεραπευτῆρες ὑποβαστάζοντες ἔφερον.
ἐπόμπευε δ´ εἴδωλον Χαιρέου πρὸς τὴν ἐν τῷ δακτυλίῳ σφραγῖδα
διατυπωθέν· καλλίστην δὲ οὖσαν τὴν εἰκόνα προσέβλεψεν οὐδεὶς
Καλλιρόης παρούσης, ἀλλ´ ἐκείνη μόνη τοὺς ἁπάντων ἐδημαγώγησεν
ὀφθαλμούς. πῶς ἄν τις διηγήσηται κατ´ ἀξίαν τὰ τελευταῖα τῆς πομπῆς;
ἐπεὶ γὰρ ἐγένοντο τοῦ τάφου πλησίον, οἱ μὲν κομίζοντες τὴν κλίνην
ἔθηκαν, ἀναβᾶσα δὲ ἐπ´ αὐτὴν ἡ Καλλιρόη Χαιρέᾳ περιεχύθη καὶ
καταφιλοῦσα τὴν εἰκόνα "σὺ μὲν ἔθαψας ἐμὲ πρῶτος ἐν Συρακούσαις,
ἐγὼ δὲ ἐν Μιλήτῳ πάλιν σέ. μὴ γὰρ μεγάλα μόνον, ἀλλὰ
καὶ παράδοξα δυστυχοῦμεν· ἀλλήλους ἐθάψαμεν. οὐκ ἔχει δ´ ἡμῶν
οὐδέτερος οὐδὲ τὸν νεκρόν. Τύχη βάσκανε, καὶ ἀποθανοῦσιν ἡμῖν
ἐφθόνησας κοινὴν γῆν ἐπιθέσθαι καὶ φυγάδας ἡμῶν ἐποίησας καὶ
τοὺς νεκρούς." θρῆνον ἐξέρρηξε τὸ πλῆθος καὶ πάντες οὐχ ὅτι
τέθνηκε Χαιρέαν ἠλέουν, ἀλλ´ ὅτι τοιαύτης γυναικὸς ἀφῄρητο.
| [4,1] Cette nuit-là, Callirhoé la passa dans les
larmes, pleurant Chéréas qui était encore
vivant. Pendant un court instant où elle sommeilla, elle
vit, en songe, une troupe de pirates barbares incendiant
le vaisseau, la trière en flammes, et elle se vit elle-même
tentant de secourir Chéréas. Dionysios, de son côté,
était malheureux de voir sa femme affligée et craignait
que sa beauté ne s'en trouvât diminuée, et il eut l'idée
que cela servirait son amour à lui si sa femme perdait
tout espoir au sujet de son premier mari. Voulant donner
une preuve de son affection et de sa générosité, il
lui dit : « Lève-toi, Callirhoé, et élève un tombeau au
malheureux. Pourquoi désires-tu l'impossible et négliges-tu
ce qui doit être fait ? Imagine qu'il se montre à toi et te dise :
«Ensevelis-moi afin qu'au plus vite je franchisse les portes d'Hadès.
Car, même si l'on ne trouve pas le corps du malheureux,
c'ett une antique loi chez les Grecs qu'il faut honorer
d'un tombeau même les disparus. »
Elle se laissa aisément persuader, car ce conseil
n'était pas sans répondre à ses voeux. Ce nouveau souci
où elle fut allégea en elle le chagrin; elle quitta son lit
et se mit en quête d'un endroit où élever ce tombeau.
Elle choisit le voisinage du temple d'Aphrodite, afin
que la postérité eût là un souvenir d'amour. Mais Dionysios
refusa à Chéréas ce voisinage, car il gardait cet
emplacement pour lui-même. Comme il voulait, en
même temps, faire durer aussi longtemps que possible
cette occupation : « Retournons en ville, dit-il, ma
femme, et là, construisons, devant la ville, un tombeau
élevé et bien visible,
"afin que, de la mer, au loin, il apparaisse aux hommes".
Les ports des Milésiens sont beaux et souvent y viennent
mouiller aussi des Syracusains. Ainsi même tes compatriotes
n'ignoreront pas ta libéralité. »
Ce discours plut à Callirhoé et, pour le moment, elle
calma son impatience; mais, lorsqu'elle fut revenue en
ville, elle commença de faire bâtir, sur un endroit élevé
du rivage, un tombeau en tout pareil au sien propre, à
Syracuse, par sa forme, sa grandeur, sa richesse, et lui
aussi, comme l'autre, destiné à un vivant. Lorsque, grâce
aux grandes sommes dépensées et à l'abondance de la
main-d'oeuvre, le travail eut été rapidement achevé,
alors elle voulut procéder à un enterrement fictif. On
fixa d'avance une date, que l'on annonça, et, ce jour-là,
se rassembla non seulement la foule des Milésiens mais
presque toute celle de l'Ionie. Il y avait aussi deux
satrapes qui se trouvaient là, en voyage, Mithridate
celui de Carie, et Pharnace, celui de Lydie. Le prétexte
était de faire honneur à Dionysios; en réalité, c'était
pour voir Callirhoé. La renommée de celle-ci était
grande dans toute l'Asie et le nom de Callirhoé était
parvenu déjà jusqu'au Grand Roi, plus connu que ceux
d'Ariane et de Léda. Et, ce jour-là, on la trouva
supérieure encore à sa renommée; elle s'avança vêtue
de noir, les cheveux dénoués; son visage brillait comme
une étoile et, avec ses bras nus, elle surpassait les
« filles aux bras blancs » et les « femmes aux belles
chevilles » dont parle Homère. Personne, dans la foule,
ne pouvait supporter l'éclat de sa beauté; les uns détournaient
les yeux, comme s'ils avaient été frappés par un
rayon de soleil, les autres se prosternaient. Les enfants
même en subissaient l'influence. Mais Mithridate, le
gouverneur de la Carie, tomba par terre, bouche bée,
comme quelqu'un que vient de frapper à l'improviste
une pierre de fronde, et ses serviteurs avaient le plus
grand mal, en le soutenant, à le faire tenir debout.
La procession comprenait une statue de Chéréas,
façonnée d'après l'image du chaton de la bague, mais,
bien que cette statue fût magnifique, personne ne la
regardait, parce que Callirhoé était là; c'était elle seule
qui attirait les regards de tous. Qui pourrait raconter
dignement la fin de la cérémonie ? Lorsque l'on fut arrivé
près du tombeau, les porteurs déposèrent le lit funèbre
et Callirhoé, y montant, se coucha sur Chéréas et couvrit
la statue de baisers : « Tu m'as ensevelie, le premier, à
Syracuse, et moi, je t'ensevelis, à mon tour, à Milet.
Car nos malheurs ne sont pas seulement grands. Ils
sont aussi incroyables : nous nous sommes ensevelis
réciproquement. Mais aucun de nous deux ne possède
le cadavre de l'autre. O Fortune jalouse, jusque dans notre
mort tu nous as refusé d'être ensevelis au sein de la même
terre et tu as fait des exilés même de nos cadavres. »
La foule éclata alors en gémissements et tous avaient
pitié de Chéréas, non parce qu'il était mort mais parce
qu'il avait été privé d'une telle femme.
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