Texte grec :
[1,6] Οἱ μὲν οὖν δικασταὶ τὴν ἀπολύουσαν ψῆφον ἔθεσαν, Χαιρέας δὲ
οὐκ ἀπέλυεν ἑαυτόν, ἀλλὰ ἐπεθύμει θανάτου καὶ πάσας ὁδοὺς ἐμηχανᾶτο
τῆς τελευτῆς. Πολύχαρμος δὲ ὁρῶν ἄλλως ἀδύνατον ἑαυτῷ τὴν
σωτηρίαν "προδότα" φησὶ "τῆς νεκρᾶς, οὐδὲ θάψαι Καλλιρόην
περιμένεις; ἀλλοτρίαις χερσὶ τὸ σῶμα πιστεύεις; καιρός ἐστί σοι
νῦν ἐνταφίων ἐπιμελεῖσθαι πολυτελείας καὶ τὴν ἐκκομιδὴν κατασκευάσαι
βασιλικήν." ἔπεισεν οὗτος ὁ λόγος· ἐνέβαλε γὰρ φιλοτιμίαν
καὶ φροντίδα. τίς ἂν οὖν ἀπαγγεῖλαι δύναιτο κατ´ ἀξίαν τὴν ἐκκομιδὴν
ἐκείνην; κατέκειτο μὲν Καλλιρόη νυμφικὴν ἐσθῆτα περικειμένη
καὶ ἐπὶ χρυσηλάτου κλίνης μείζων τε καὶ κρείττων, ὥστε πάντες
εἴκαζον αὐτὴν Ἀριάδνῃ καθευδούσῃ. προῄεσαν δὲ τῆς κλίνης
πρῶτοι μὲν οἱ Συρακοσίων ἱππεῖς αὐτοῖς ἵπποις κεκοσμημένοι· μετὰ
τούτους ὁπλῖται φέροντες σημεῖα τῶν Ἑρμοκράτους τροπαίων· εἶτα
ἡ βουλὴ καὶ ἐν μέσῳ ὁ δῆμος, πάντες Ἑρμοκράτην δορυφοροῦντες.
ἐφέρετο δὲ καὶ Ἀρίστων ἔτι νοσῶν, θυγατέρα καὶ κυρίαν Καλλιρόην
ἀποκαλῶν. ἐπὶ τούτοις αἱ γυναῖκες τῶν πολιτῶν μελανείμονες· εἶτα
πλοῦτος ἐνταφίων βασιλικός· πρῶτος μὲν ὁ τῆς φερνῆς χρυσός τε
καὶ ἄργυρος· ἐσθήτων κάλλος καὶ κόσμος (συνέπεμψε δὲ Ἑρμοκράτης
πολλὰ ἐκ τῶν λαφύρων)· συγγενῶν τε δωρεαὶ καὶ φίλων. τελευταῖος
ἐπηκολούθησεν ὁ Χαιρέου πλοῦτος· ἐπεθύμει γάρ, εἰ δυνατὸν
ἦν, πᾶσαν τὴν οὐσίαν συγκαταφλέξαι τῇ γυναικί. ἔφερον δὲ τὴν
κλίνην οἱ Συρακοσίων ἔφηβοι, καὶ ἐπηκολούθει τὸ πλῆθος. τούτων
δὲ θρηνούντων μάλιστα Χαιρέας ἠκούετο. ἦν δὲ τάφος μεγαλοπρεπὴς
Ἑρμοκράτους πλησίον τῆς θαλάσσης, ὥστε καὶ τοῖς πόρρωθεν
πλέουσι περίβλεπτος εἶναι· τοῦτον ὥσπερ θησαυρὸν ἐπλήρωσεν
ἡ τῶν ἐνταφίων πολυτέλεια. τὸ δὲ δοκοῦν εἰς τιμὴν τῆς νεκρᾶς
γεγονέναι μειζόνων πραγμάτων ἐκίνησεν ἀρχήν.
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Traduction française :
[1,6] A ces paroles s'élevèrent des lamentations et tous,
oubliant la morte, pleuraient le vivant. Hermocrate fut
le premier à prendre la parole en faveur de Chéréas.
"Je sais bien, dit-il, que ce qui est arrivé fut involontaire.
Je vois ici ceux qui nous tendent des pièges. Ils n'auront
pas le plaisir d'avoir deux cadavres et moi, je n'attristerai
pas l'âme de ma fille morte. Je l'ai souvent entendue
répéter qu'elle préférerait voir vivre Chéréas
plutôt que de vivre elle-même. Laissons donc là ce procès
qui est inutile et allons procéder à la sépulture qui
est nécessaire. Ne laissons pas le cadavre à la merci du
temps qui passe et, par un trop long délai, ne permettons
pas que ce corps perde sa beauté. Ensevelissons
Callirhoé alors qu'elle est encore belle! »
Sur quoi les juges votèrent l'acquittement, mais
Chéréas ne s'absolvait pas lui-même, il désirait mourir et
imaginait toutes sortes de moyens pour mettre fin à
ses jours. Polycharme, voyant qu'il était impossible de
le sauver autrement, lui dit : « Traître à celle qui est
morte, tu ne veux même pas attendre pour ensevelir
Callirhoé ? Est-ce que tu souhaites confier son corps à
d'autres mains ? C'est maintenant pour toi le moment de
veiller à la splendeur de ses funérailles et de préparer pour
elle un cortège de reine. » Ce discours persuada Chéréas
et lui inspira de l'amour-propre et le désir de bien faire.
Qui pourrait faire de ces funérailles une description
digne d'elles ? Callirhoé était étendue, revêtue de ses
vêtements de noces, sur un lit recouvert de feuilles d'or,
plus majestueuse et plus belle, si bien que tout le monde
la comparait à Ariane endormie. Devant le lit funèbre
venaient d'abord les cavaliers de Syracuse en grande
pompe avec leurs chevaux, puis, les hoplites, portant
les insignes des victoires d'Hermocrate, ensuite le Sénat
et, marchant parmi la foule, Hermocrate, entouré de
ses gardes du corps; on portait aussi sur une litière
Ariston, encore malade, qui appelait Callirhoé et la
disait sa fille et sa dame. Ensuite, c'étaient les femmes des
citoyens, vêtues de noir et, derrière, des trésors dignes
d'une reine, à mettre dans le tombeau : d'abord l'or et
l'argent de la dot, les beaux vêtements et les parures
(Hermocrate mit avec elle au tombeau une bonne partie
de son butin de guerre), les présents des parents et des
amis et, enfin, la fortune de Chéréas; car il aurait désiré,
si cela avait été possible, brûler son patrimoine entier en
l'honneur de sa femme.
Le lit funèbre était porté par les éphèbes de Syracuse
et la foule venait par derrière. Et, au milieu du concert
des lamentations, c'était surtout Chéréas que l'on entendait.
Hermocrate possédait un tombeau magnifique, près
de la mer, placé de telle sorte que même de très loin
au large, il était visible; comme en un trésor, on y entassa
les richesses des offrandes. Et ce qui semblait être un hommage
rendu à la morte fut l'origine des événements les plus graves.
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