[6,1] 1. (222a) Ἐπειδὴ ἀπαιτεῖς συνεχῶς ἀπαντῶν, ἑταῖρε Τιμόκρατες, τὰ παρὰ τοῖς
δειπνοσοφισταῖς λεγόμενα, καινά τινα νομίζων ἡμᾶς εὑρίσκειν, ὑπομνήσομέν σε τὰ
παρὰ Ἀντιφάνει λεγόμενα ἐν Ποιήσει τόνδε τὸν τρόπον·
Μακάριόν ἐστιν ἡ τραγῳδία
ποίημα κατὰ πάντ´, εἴ γε πρῶτον οἱ λόγοι
ὑπὸ τῶν θεατῶν εἰσιν ἐγνωρισμένοι,
πρὶν καί τιν´ εἰπεῖν· ὥσθ´ ὑπομνῆσαι μόνον
(222b) δεῖ τὸν ποιητήν. Οἰδίπουν γὰρ φῶ ---
τὰ δ´ ἄλλα πάντ´ ἴσασιν· ὁ πατὴρ Λάιος,
μήτηρ Ἰοκάστη, θυγατέρες, παῖδες τίνες,
τί πείσεθ´ οὗτος, τί πεποίηκεν. Ἂν πάλιν
εἴπῃ τις Ἀλκμέωνα, καὶ τὰ παιδία
πάντ´ εὐθὺς εἴρηχ´, ὅτι μανεὶς ἀπέκτονε
τὴν μητέρ´, ἀγανακτῶν δ´ Ἄδραστος εὐθέως
ἥξει πάλιν τ´ ἄπεισι ---
Ἔπειθ´ ὅταν μηθὲν δύνωντ´ εἰπεῖν ἔτι,
(222c) κομιδῇ δ´ ἀπειρήκωσιν ἐν τοῖς δράμασιν,
αἴρουσιν ὥσπερ δάκτυλον τὴν μηχανήν,
καὶ τοῖς θεωμένοισιν ἀποχρώντως ἔχει.
(223a) Ἡμῖν δὲ ταῦτ´ οὐκ ἔστιν, ἀλλὰ πάντα δεῖ
εὑρεῖν, ὀνόματα καινά, ---
--- κἄπειτα τὰ διῳκημένα
πρότερον, τὰ νῦν παρόντα, τὴν καταστροφήν,
τὴν εἰσβολήν. Ἂν ἕν τι τούτων παραλίπῃ
Χρέμης τις ἢ Φείδων τις, ἐκσυρίττεται·
Πηλεῖ δὲ ταῦτ´ ἔξεστι καὶ Τεύκρῳ ποιεῖν.
Δίφιλος δ´ ἐν Ἐλαιωνηφρουροῦσι·
Ὦ τόνδ´ ἐποπτεύουσα καὶ κεκτημένη
Βραυρῶνος ἱεροῦ θεοφιλέστατον τόπον,
(223b) Λητοῦς Διός τε τοξόδαμνε παρθένε,
ὡς οἱ τραγῳδοί φασιν, οἷς ἐξουσία
ἐστὶν λέγειν ἅπαντα καὶ ποιεῖν μόνοις.
2. Τιμοκλῆς ὁ κωμῳδιοποιὸς κατὰ πολλὰ χρησίμην εἶναι λέγων τῷ βίῳ τὴν τραγῳδίαν
φησὶν ἐν Διονυσιαζούσαις·
Ὦτάν, ἄκουσον, ἤν τί σοι μέλλω λέγειν.
Ἄνθρωπός ἐστι ζῷον ἐπίπονον φύσει,
καὶ πολλὰ λυπήρ´ ὁ βίος ἐν ἑαυτῷ φέρει.
Παραψυχὰς οὖν φροντίδων ἀνεύρετο
(223c) ταύτας· ὁ γὰρ νοῦς τῶν ἰδίων λήθην λαβὼν
πρὸς ἀλλοτρίῳ τε ψυχαγωγηθεὶς πάθει
μεθ´ ἡδονῆς ἀπῆλθε παιδευθεὶς ἅμα.
Τοὺς γὰρ τραγῳδοὺς πρῶτον, εἰ βούλει, σκόπει
ὡς ὠφελοῦσι πάντας. Ὁ μὲν ὢν γὰρ πένης
πτωχότερον αὑτοῦ καταμαθὼν τὸν Τήλεφον
γενόμενον ἤδη τὴν πενίαν ῥᾷον φέρει.
Ὁ νοσῶν δὲ μανικῶς Ἀλκμέων´ ἐσκέψατο·
ὀφθαλμιᾷ τις, εἰσὶ Φινεῖδαι τυφλοί.
(223d) Τέθνηκέ τῳ παῖς, ἡ Νιόβη κεκούφικε.
Χωλός τίς ἐστιν, τὸν Φιλοκτήτην ὁρᾷ.
Γέρων τις ἀτυχεῖ, κατέμαθεν τὸν Οἰνέα.
Ἅπαντα γὰρ τὰ μείζον´ ἢ πέπονθέ τις
ἀτυχήματ´ ἄλλοις γεγονότ´ ἐννοούμενος
τὰς αὐτὸς αὑτοῦ συμφορὰς ῥᾷον φέρει.
3. Καὶ ἡμεῖς οὖν, ὦ Τιμόκρατες, ἀποδίδομέν σοι τὰ τῶν δειπνοσοφιστῶν λείψανα καὶ
οὐ δίδομεν, ὡς ὁ Κοθωκίδης φησὶ ῥήτωρ Δημοσθένην χλευάζων, ὃς Φιλίππου (223e)
Ἀθηναίοις Ἁλόννησον διδόντος συνεβούλευε μὴ λαμβάνειν, εἰ δίδωσιν ἀλλὰ μὴ
ἀποδίδωσιν. Ὅπερ Ἀντιφάνης ἐν Νεοττίδι παιδιὰν θέμενος ἐρεσχηλεῖ τόνδε τὸν
τρόπον·
Ὁ δεσπότης δὲ πάντα τὰ παρὰ τοῦ πατρὸς
ἀπέλαβεν ὥσπερ ἔλαβεν. {Β.} Ἠγάπησεν ἂν
τὸ ῥῆμα τοῦτο παραλαβὼν Δημοσθένης.
Ἄλεξις δὲ ἐν Στρατιώτῃ·
Ἀπόλαβε
τουτί. {Β.} Τί τοῦτο δ´ ἐστίν; {Α.} Ὃ παρ´ ὑμῶν ἐγὼ
παιδάριον ἔλαβον ἀποφέρων ἥκω πάλιν.
(223f) {Β.} Πῶς; Οὐκ ἀρέσκει σοι τρέφειν; {Α.} Οὐκ ἔστι γὰρ
ἡμέτερον. {Β.} Οὐδ´ ἡμέτερον. {Α.} Ἀλλ´ ἐδώκατε
ὑμεῖς ἐμοὶ τοῦτ´. {Β.} Οὐδ´ ἐδώκαμεν. {Α.} Τί δαί;
{Β.} Ἀπεδώκαμεν. {Α.} Τὸ μὴ προσῆκόν μοι λαβεῖν;
Καὶ ἐν Ἀδελφοῖς·
Ἐγὼ δέδωκα γὰρ τί ταύταις; Εἰπέ μοι.
{Β.} Οὐκ, ἀλλ´ ἀπέδωκας ἐνέχυρον δήπου λαβών.
(224a) Ἀναξίλας δὲ ἐν Εὐανδρίᾳ·
Καὶ τὰς παλαίστρας δώσω. {Β.} Μὰ τὴν γῆν, μὴ σύ γε
δῷς, ἀλλ´ ἀπόδος. {Α.} Καὶ δὴ φέρους´ ἐξέρχομαι.
Τιμοκλῆς δ´ ἐν Ἥρωσιν·
Οὐκοῦν κελεύεις νῦν με πάντα μᾶλλον ἢ
τὰ προσόντα φράζειν. {Β.} Πάνυγε. {Α.} Δράσω τοῦτό σοι.
Καὶ πρῶτα μέν σοι παύσεται Δημοσθένης
ὀργιζόμενος. {Β.} Ὁ ποῖος ὁ Βριάρεως;
{Α.} Ὁ τοὺς καταπέλτας τάς τε λόγχας ἐσθίων,
(224b) μισῶν λόγους ἄνθρωπος οὐδὲ πώποτε
ἀντίθετον εἰπὼν οὐδέν, ἀλλ´ Ἄρη βλέπων.
Κατὰ τοὺς οὖν προειρημένους ποιητὰς καὶ αὐτοὶ τὰ ἑπόμενα τοῖς προειρημένοις
ἀποδιδόντες καὶ οὐ διδόντες τὰ ἀκόλουθα λέξομεν.
4. Ἐπεισῆλθον οὖν ἡμῖν παῖδες πλῆθος ὅσον ἰχθύων φέροντες θαλασσίων λιμναίων τε
ἐπὶ πινάκων ἀργυρῶν, ὡς θαυμάσαι μετὰ τοῦ πλούτου καὶ τὴν πολυτέλειαν· μονονουχὶ
γὰρ καὶ τὰς Νηρηίδας ὠψωνήκει. Καί (224c) τις τῶν παρασίτων καὶ κολάκων ἔφη τὸν
Ποσειδῶ πέμπειν τῷ Νιττουνίῳ ἡμῶν τοὺς ἰχθῦς οὐ διὰ τῶν ἐν τῇ Ῥώμῃ ἴσον ἴσῳ τῶν
τὸν ἰχθὺν πωλούντων, ἀλλὰ τοὺς μὲν ἐξ Ἀντίου κεκομίσθαι, ἑτέρους δ´ ἐκ Ταρακινῶν
καὶ τῶν καταντικρὺ νήσων Ποντίων, ἄλλους δ´ ἐκ Πύργων· πόλις δ´ αὕτη Τυρρηνική.
Οἱ γὰρ ἐν τῇ Ῥώμῃ ἰχθυοπῶλαι οὐδ´ ὀλίγον ἀποδέουσι τῶν κατὰ τὴν Ἀττικήν ποτε
κωμῳδηθέντων· περὶ ὧν Ἀντιφάνης μὲν ἐν Νεανίσκοις φησίν·
Ἐγὼ τέως μὲν ᾠόμην τὰς Γοργόνας
εἶναί τι λογοποίημα· πρὸς ἀγορὰν δ´ ὅταν
(224d) ἔλθω, πεπίστευκ´· ἐμβλέπων γὰρ αὐτόθι
τοῖς ἰχθυοπώλαις λίθινος εὐθὺς γίνομαι·
ὥστ´ ἐξ ἀνάγκης ἔστ´ ἀποστραφέντι μοι
λαλεῖν πρὸς αὐτούς. Ἂν ἴδω γὰρ ἡλίκον
ἰχθὺν ὅσου τιμῶσι, πήγνυμαι σαφῶς.
| [6,1] Chap. I.
(222a) Mon cher Timocrate, puisque vous me prévenez, et continuez à me demander
ce qui s'est dit à table entre nos savants, présumant que je puis toujours
trouver matière à vous entretenir, je commencerai par vous rappeler ici ce que
dit Antiphane, dans sa pièce intitulée la Poésie :
«La tragédie jouit en vérité de bien grandes faveurs! en effet, les
spectateurs n'ont pas plutôt entendu nommer le sujet, qu'ils savent ce qu'on va
dire, même avant qu'un acteur ait parlé ; (222b) de sorte qu'il suffit au poète,
de rappeler son héros. Si je nomme seulement Ulysse, on voit tout ce qui va
suivre; Laïus son père, Jocaste sa mère, ses filles, ses fils, tout, est présent :
On voit ce qui va lui arriver, ce qu'il a fait. Si d'un autre côté, l'on nomme
Alcméon, les enfants même disent, il a tué sa mère étant en fureur. Adraste
paraîtra en colère, mais il s'en retournera ---.
«Lorsque les poètes tragiques n'ont plus rien à dire, (222c) et ne savent plus
quel parti prendre dans leurs pièces, ils lèvent une machine, comme on lève
le doigt, et cela suffit aux spectateurs. (223a) Nous autres, nous n'avons pas
ces ressources ; mais il nous faut tout imaginer le sujet, ce qui l'a précédé,
l'action, la catastrophe, le prologue : qu'on omette l'un ou l'autre, Chrémès,
ou Phidon sera sifflé, tandis qu'il est permis à Pélée, à Teucer de faire cette
omission.
Diphile a dit, dans ses Hélénophores :
«O toi qui possèdes et protèges le lieu sacré de Brauron, chéri des dieux!
vierge qui domptes tout par ton arc, (223b) fille de Latone ; comme parlent les
tragiques, à qui seuls il est permis de dire et de faire tout ce qu'ils veulent!»
2. Timoclès, disant que la tragédie est d’une grande utilité pour la vie,
s'explique ainsi, dans ses Dionysiazuses :
«Mon cher, écoute ce que je vais te dire : L'homme est de sa nature un être
sujet à bien des peines. La vie est de sa nature la source de mille afflictions :
or, voilà les moyens, qu'il a trouvés pour diminuer ses soucis. Consolé par
l'exemple des maux d'autrui, (223c) son esprit oublie volontiers les siens, et
sort même du spectacle avec quelques instructions : ainsi, vois d'abord, si tu
le veux, combien les tragiques sont utiles à la vie. Qu'un pauvre aperçoive un
Télèphe encore plus pauvre que lui, en supporte plus facilement sa pauvreté. Un
autre est-il maniaque? qu'il considère Alcméon : celui-ci a-t-il les yeux
malades? il verra au spectacle les fils de Phinée aveugles. (223d) A-t-on perdu
ses enfants? l'exemple de Niobé calme la douleur : un tel est boiteux, mais il
voit que Philoctète l'est aussi; un vieillard gémit sous le poids des malheurs,
Œnée devient son tableau : c'est ainsi que chacun, regardant les malheurs
d'autrui comme plus considérables que les siens, supporte plus facilement ses
propres maux.»
3. Ainsi, mon cher Timocrate, je ne vous donne pas, mais je vous rends les
reliefs de nos savants convives, pour parler avec l'orateur Cothocide, qui se
moquait, en ces termes-là, de Démosthène.
«Philippe donnant Halonnèse (223e) aux Athéniens, Démosthène leur dit : «Ne
la recevez pas s'il vous la donne à titre de présent, mais s'il vous la remet à
titre de restitution.» C'est ce dont Antiphane a fait une plaisanterie dont il
s'amuse aux dépens de Démosthène, dans sa Néottis, ou sa jeune Agnès.»
«A. Or, mon maître à eu de son père tout ce qu'il devait en attendre, mais en
le reprenant. B. Avec quel plaisir Démosthène aurait saisi cette expression!»
Alexis a dit, dans son Soldat :
«A. Eh bien, le reprends-tu? B. De quoi? A. C'est l’enfant que tu m'avais donné
; je viens te le rapporter. (223f) B. Comment, tu ne veux plus l'élever! A. Il
n'est pas à nous. B. Ni à nous non plus. A. Mais c'est vous qui me l'avez donné.
B; Non, nous ne l'avons pas donné. A. Quoi donc! B. Nous vous rendons ce qu'il
ne m'était pas permis de recevoir.»
Il dit, dans ses Adelphes :
«A. Je leur ai donné quelque chose, n'est-ce pas? B. Non, mais tu le leur as
rendu ce que tu avais reçus pour gage.»
(224a) On lit, dans l’Evandrie d'Anaxilas :
«Par la terre, ne donne pas des palœstres! mais rends-les, et je les emporte
en m'en allant.»
Timoclès écrit, dans ses Héros :
«Ainsi ordonnez que je vous raconte toute autre chose que ce dont vous me
parlez, et je le ferai pour vous. D'abord j'apaiserai Démosthène qui est fâché
contre vous; car c'est un Briarée qui avalerait et lances et catapultes,
(224b) et qui ne veut pas de raisons. Jamais il ne s'amuse à répondre à une
objection ; mais lançant un regard aussi furieux que Mars...»
C'est donc conformément à ce que disent ces poètes que je vais, non vous donner,
mais vous rendre la suite des discours de nos convives.
4. Ainsi nous vîmes entrer des esclaves, apportant quantité de poissons de mer
et d'étang, sur des plats d'argent; la richesse du service était aussi étonnante
que l'éclat de l'appareil. Il ne manqua plus que d'y faire paraître toutes les
Néréides. (224c) Quelques-uns des parasites et des flatteurs dirent même :
«Certes, c'est Poséidon qui envoie tous ces poissons à notre Neptune en
présent, non par ces hommes qui les vendent à Rome au plus haut prix ; mais les
uns étaient apportés d'Antium, les autres de Terracine, ou des îles Pontia
qui sont vis-à-vis, ou de Pyrges, ville de Toscane.» En effet, ces poissonniers
de Rome sont à peu près les mêmes que ceux sur lesquels les comédiens d'Athènes
ont souvent plaisanté. Voici ce qu'en dit Antiphane, dans ses Adolescents :
«Pour moi, j'avais regardé les Gorgones comme une pure fiction; mais à peine
suis-je au marché (224d) que j'en crois la réalité. Lorsque j'y jette les yeux
sur les marchands de poisson, je suis tout à coup pétrifié, au point que je
n'ose plus leur parler qu'en tournant la tête. En effet, je reste tout stupéfait
en les entendant dire combien ils vendent un petit misérable poisson.»
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