Texte grec :
[2,12] Περὶ τοῦ διαλέγεσθαι.
Ἃ μὲν δεῖ μαθόντα εἰδέναι χρῆσθαι λόγῳ, ἠκρίβωται
ὑπὸ τῶν ἡμετέρων. περὶ δὲ τὴν χρῆσιν αὐτῶν
τὴν προσήκουσαν τελέως ἀγύμναστοί ἐσμεν. δὸς γοῦν
ᾧ θέλεις ἡμῶν ἰδιώτην τινὰ τὸν προσδιαλεγόμενον·
καὶ οὐχ εὑρίσκει χρήσασθαι αὐτῷ, ἀλλὰ μικρὰ κινήσας
τὸν ἄνθρωπον, ἂν παρὰ σκέλος ἀπαντᾷ ἐκεῖνος, οὐκέτι
δύναται μεταχειρίσασθαι, ἀλλ´ ἢ λοιδορεῖ λοιπὸν ἢ
καταγελᾷ καὶ λέγει ‘ἰδιώτης ἐστίν· οὐκ ἔστιν αὐτῷ
χρήσασθαι’. ὁ δ´ ὁδηγός, ὅταν λάβῃ τινὰ πλανώμενον,
ἤγαγεν ἐπὶ τὴν ὁδὸν τὴν δέουσαν, οὐχὶ καταγελάσας
ἢ λοιδορησάμενος ἀπῆλθεν. καὶ σὺ δεῖξον αὐτῷ τὴν
ἀλήθειαν καὶ ὄψει ὅτι ἀκολουθεῖ. μέχρι δ´ ἂν οὗ μὴ
δεικνύῃς, μὴ ἐκείνου καταγέλα, ἀλλὰ μᾶλλον αἰσθάνου
τῆς ἀδυναμίας τῆς αὑτοῦ.
Πῶς οὖν ἐποίει Σωκράτης; αὐτὸν ἠνάγκαζεν τὸν
προσδιαλεγόμενον αὐτῷ μαρτυρεῖν, ἄλλου δ´ οὐδενὸς
ἐδεῖτο μάρτυρος. τοιγαροῦν ἐξῆν αὐτῷ λέγειν ὅτι
‘τοὺς μὲν ἄλλους ἐῶ χαίρειν, ἀεὶ δὲ τῷ ἀντιλέγοντι ἀρκοῦμαι
μάρτυρι· καὶ τοὺς μὲν ἄλλους οὐκ ἐπιψηφίζω, τὸν δὲ
προσδιαλεγόμενον μόνον’. οὕτω γὰρ ἐναργῆ ἐτίθει τὰ
ἀπὸ τῶν ἐννοιῶν, ὥστε πάνθ´ ὁντιναοῦν συναισθανόμενον
τῆς μάχης ἀναχωρεῖν ἀπ´ αὐτῆς. ‘Ἆρά γε ὁ φθονῶν χαίρει;’
(-) ‘Οὐδαμῶς, ἀλλὰ μᾶλλον λυπεῖται.’ ἀπὸ τοῦ
ἐναντίου ἐκίνησε τὸν πλησίον. ‘Τί δ´; ἐπὶ κακοῖς
δοκεῖ σοι εἶναι λύπη ὁ φθόνος; καὶ τί ὁ φθόνος
ἐστὶ κακῶν;’ οὐκοῦν ἐκεῖνον ἐποίησεν εἰπεῖν ὅτι λύπη
ἐστὶν ἐπ´ ἀγαθοῖς ὁ φθόνος. ‘Τί δέ; φθονοίη ἄν
τις τοῖς οὐδὲν πρὸς αὐτόν;’ (-) ‘Οὐδαμῶς.’ καὶ
οὕτως ἐκπεπληρωκὼς τὴν ἔννοιαν καὶ διηρθρωκὼς
ἀπηλλάσσετο, οὐ λέγων ὅτι ‘ὅρισαί μοι τὸν φθόνον’, εἶτα
ὁρισαμένου ‘κακῶς ὡρίσω· οὐ γὰρ ἀντακολουθεῖ τῷ
κεφαλαιώδει τὸ ὁρικόν’· ῥήματα τεχνικὰ καὶ διὰ τοῦτο
τοῖς ἰδιώταις φορτικὰ καὶ δυσπαρακολούθητα, ὧν
ἡμεῖς ἀποστῆναι οὐ δυνάμεθα. ἐξ ὧν δ´ αὐτὸς ὁ ἰδιώτης
ἐπακολουθῶν ταῖς αὑτοῦ φαντασίαις παραχωρῆσαι
δύναιτ´ ἄν τι ἢ ἀθετῆσαι, οὐδαμῶς διὰ τούτων αὐτὸν
κινῆσαι δυνάμεθα. καὶ λοιπὸν εἰκότως συναισθανόμενοι
ταύτης ἡμῶν τῆς ἀδυναμίας ἀπεχόμεθα τοῦ πράγματος,
ὅσοις γ´ ἐστί τι εὐλαβείας. οἱ δὲ πολλοὶ καὶ εἰκαῖοι
συγκαθέντες εἴς τι τοιοῦτον φύρονται καὶ φύρουσι καὶ
τὰ τελευταῖα λοιδορήσαντες καὶ λοιδορηθέντες ἀπέρχονται.
Τὸ πρῶτον δὲ τοῦτο καὶ μάλιστα ἴδιον Σωκράτους
μηδέποτε παροξυνθῆναι ἐν λόγῳ, μηδέποτε λοίδορον
προενέγκασθαι μηδέν, μηδέποθ´ ὑβριστικόν, ἀλλὰ τῶν
λοιδορούντων ἀνέχεσθαι καὶ παύειν μάχην. εἰ θέλετε
γνῶναι, πόσην ἐν τούτῳ δύναμιν εἶχεν, ἀνάγνωτε τὸ
Ξενοφῶντος Συμπόσιον καὶ ὄψεσθε πόσας μάχας διαλέλυκεν.
διὰ τοῦτο εἰκότως καὶ παρὰ τοῖς ποιηταῖς ἐν
μεγίστῳ ἐπαίνῳ λέλεκται τὸ
αἶψά τε καὶ μέγα νεῖκος ἐπισταμένως κατέπαυσεν.
Τί οὖν; οὐ λίαν ἐστὶ νῦν ἀσφαλὲς τὸ πρᾶγμα καὶ
μάλιστα ἐν Ῥώμῃ. τὸν γὰρ ποιοῦντα αὐτὸ οὐκ ἐν
γωνίᾳ δηλονότι δεήσει ποιεῖν, ἀλλὰ προσελθόντα ὑπατικῷ
τινι, ἂν οὕτως τύχῃ, πλουσίῳ πυθέσθαι αὐτοῦ
‘ἔχεις μοι εἰπεῖν, ὦ οὗτος, ᾧ τινι τοὺς ἵππους τοὺς
σεαυτοῦ παρέδωκας;’ ‘ἔγωγε.’ ‘ἆρα τῷ τυχόντι καὶ
ἀπείρῳ ἱππικῆς;’ ‘οὐδαμῶς.’ ‘τί δ´; ᾧ τινι τὸ χρυσίον
ἢ τὸ ἀργύριον ἢ τὴν ἐσθῆτα;’ ‘οὐδὲ ταῦτα τῷ τυχόντι.’
‘τὸ σῶμα δὲ τὸ σαυτοῦ ἤδη τινὶ ἔσκεψαι ἐπιτρέψαι εἰς
ἐπιμέλειαν αὐτοῦ;’ ‘πῶς γὰρ οὔ;’ ‘ἐμπείρῳ δηλονότι
καὶ τούτῳ ἀλειπτικῆς ἢ ἰατρικῆς;’ ‘πάνυ μὲν οὖν.’
‘πότερον ταῦτά σοι τὰ κράτιστά ἐστιν ἢ καὶ ἄλλο τι
ἐκτήσω πάντων ἄμεινον;’ ‘ποῖον καὶ λέγεις;’ ‘τὸ αὐτοῖς
νὴ Δία τούτοις χρώμενον καὶ δοκιμάζον ἕκαστον καὶ
βουλευόμενον.’ ‘ἆρά γε τὴν ψυχὴν λέγεις;’ ‘ὀρθῶς ὑπέλαβες·
ταύτην γάρ τοι καὶ λέγω.’ ‘πολὺ νὴ Δία τῶν
ἄλλων τοῦτο ἄμεινον δοκῶ μοι κεκτῆσθαι.’ ‘ἔχεις οὖν
εἰπεῖν, ὅτῳ τρόπῳ τῆς ψυχῆς ἐπιμεμέλησαι; οὐ γὰρ εἰκῇ
χὠς ἔτυχεν εἰκός σε οὕτως σοφὸν ὄντα καὶ ἐν τῇ πόλει
δόκιμον τὸ κράτιστον τῶν σεαυτοῦ περιορᾶν ἀμελούμενον καὶ
ἀπολλύμενον.’ ‘οὐδαμῶς.’ ‘ἀλλ´ αὐτὸς ἐπιμεμέλησαι αὐτοῦ;
πότερον μαθὼν παρά του ἢ εὑρὼν αὐτός;’
ὧδε λοιπὸν ὁ κίνδυνος, μὴ πρῶτον μὲν εἴπῃ ‘τί δέ σοι
μέλει, βέλτιστε; κύριός μου εἶ;’ εἶτ´ ἂν ἐπιμείνῃς
πράγματα παρέχων, διαράμενος κονδύλους σοι δῷ. τούτου
τοῦ πράγματος ἤμην ποτὲ ζηλωτὴς καὶ αὐτός, πρὶν
εἰς ταῦτα ἐμπεσεῖν.
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Traduction française :
[2,12] CHAPITRE XII : Des discussions.
Notre Ecole a exposé dans le dernier détail tout ce qu'il faut apprendre
pour savoir discuter; mais elle nous laisse absolument sans instructions
sur la façon dont on doit user de ce talent. Donne à celui de nous que tu
voudras un ignorant pour discuter avec lui, et il ne trouvera rien à en
faire; il tâtera un peu son homme, puis, si celui-ci répond à contretemps,
il ne saura plus par où le prendre. Alors il l'injuriera ou se moquera de
lui, et dira : C'est un ignorant; il n'y a rien à en faire. Un bon guide,
au contraire, quand il trouve quelqu'un d'égaré, le met dans son vrai
chemin, au lieu de le laisser là après force railleries et injures. Montre
donc à cet homme toi aussi où est la vérité, et tu verras comme il ira. Si
tu ne le lui montres pas, ne te moque pas de lui ; aie plutôt le sentiment
de ton impuissance.
Comment faisait donc Socrate? Il forçait son interlocuteur lui-même à
rendre témoignage de la vérité de ce qu'il lui disait, et il n'avait
besoin du témoignage de personne autre. Il avait donc le droit de dire :
Je laisse de côté les autres ; je me contente du témoignage de mon
interlocuteur; je ne demande pas l'avis des autres ; il n'y a que celui de
mon interlocuteur que je demande. Il savait, en effet, rendre si claires
les conséquences de nos pensées, que le premier venu s'apercevait des
contradictions qu'il y avait entre les siennes, et y renonçait. Est-ce que
l'envieux est en joie? disait-il. Non, il souffre plutôt. Le voisinage
d'un sort contraire au sien l'a affecté. Mais quoi! l'envie est-elle un
chagrin causé par le malheur (d'autrui?) Eh! qui est envieux du malheur?
C'est ainsi qu'il amenait son interlocuteur à dire que l'envie était un
chagrin causé par le bonheur (d'autrui). Mais quoi! (ajoutait-il),
pouvons-nous être envieux de ce qui est sans rapports avec nous? C'est
ainsi qu'avant de s'éloigner il avait complété et précisé l'idée en
question. Il ne disait pas (comme nous) : Définis-moi l'envie ; puis,
quand on la lui avait définie : Tu l'as mal définie, parce que ta
définition n'est pas convertible dans le défini. Termes techniques,
ennuyeux et inintelligibles pour l'ignorant, et dont nous ne savons pas
nous défaire. Nous ne savons pas agir sur l'ignorant, en nous y prenant de
telle façon qu'il n'ait qu'à suivre ses propres pensées pour arriver à
nous dire oui ou non. Aussi, sentant notre impuissance à cet égard, nous
abstenons-nous avec raison de tenter l'affaire, pour peu que nous ayons de
bon sens. Mais les étourneaux, qui sont le plus grand nombre, quand ils se
trouvent en pareille conjoncture, embrouillent les autres et
s'embrouillent eux-mêmes, et finalement en arrivent à échanger des
injures, avant de se retirer.
Le premier et le plus singulier mérite de Socrate était de ne jamais
s'emporter dans la discussion, de ne jamais proférer une parole
outrageante ou injurieuse, mais de laisser dire ceux qui l'insultaient, et
de couper court aux disputes. Si vous voulez connaître toute sa force en
ce genre, lisez le Banquet de Xénophon, et vous verrez à quelles disputes
il sut mettre fin. Aussi chez les poètes eux-mêmes est-ce avec raison un
grand éloge que ce mot :
« Il sut faire cesser en un instant la dispute, si vive qu'elle fût. »
Disons tout! De telles interrogations aujourd'hui ne seraient pas sans
péril, et surtout à Rome. Celui qui les fera, en effet, ne devra
évidemment pas les faire dans un coin; il devra aborder un personnage
consulaire, si l'occasion s'en présente, ou bien un richard, et lui poser
cette question : Peux-tu me dire à qui tu as confié tes chevaux? — Moi! —
Au premier venu, sans connaissance de l'équitation? — Nullement. — Eh
bien! à qui as-tu confié ton argent, ton or, tes vêtements? — Je ne les ai
pas non plus confiés au premier venu. — Et ton corps, as-tu bien examiné à
qui tu en confierais le soin? — Comment non? — Evidemment encore à
quel-qu'un qui se connût aux exercices du gymnase et à la médecine? —
Parfaitement. — Est-ce donc là ce que tu as de meilleur? Ou n'as-tu pas
quelque chose qui vaille mieux encore? — De quoi parles-tu? — De ce qui
use de tout cela, par Jupiter! de ce qui juge chacune de ces choses et qui
en délibère. — Tu veux parler de l'âme? — Tu m'as compris ; c'est d'elle
que je parle. — Par Jupiter! je crois avoir là une chose qui vaut beaucoup
mieux que toutes les autres. — Peux-tu donc nous dire comment tu prends
soin de ton âme? Car il n'est pas probable que toi, qui es un homme de
sens, si considéré dans la ville, tu ailles, sans réflexion, abandonner au
hasard ce qu'il y a de meilleur en toi, que tu le négliges et le laisses
dépérir? — Pas du tout. — En prends-tu donc soin toi-même? Et alors est-ce
d'après les leçons de quelqu'un, ou d'après tes propres idées? Il y a
grand péril à ce moment que cet homme ne te dise tout d'abord : De quoi te
mêles-tu, mon cher? Est-ce que tu es mon juge? Puis, si tu ne cesses pas
de l'ennuyer, il est à craindre qu'il ne lève le poing et ne te frappe.
Moi aussi, jadis, j'ai eu le goût de ces interrogations ; mais c'était
avant de rencontrer cet accueil.
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