Texte grec :
[4,1g] οὐκοῦν ἄφοβος μὲν οὕτως ἔσει καὶ ἀτάραχος. λύπη δὲ τί πρὸς σέ;
ὧν γὰρ προσδοκωμένων φόβος γίνεται, καὶ λύπη παρόντων. ἐπιθυμήσεις
δὲ τίνος ἔτι; τῶν μὲν γὰρ προαιρετικῶν ἅτε καλῶν ὄντων καὶ παρόντων
σύμμετρον ἔχεις καὶ καθισταμένην
τὴν ὄρεξιν, τῶν δ´ ἀπροαιρέτων οὐδενὸς ὀρέγῃ, ἵνα καὶ
τόπον σχῇ τὸ ἄλογον ἐκεῖνο καὶ ὠστικὸν καὶ παρὰ τὰ μέτρα ἠπειγμένον;
Ὅταν οὖν πρὸς τὰ πράγματα οὕτως ἔχῃς, τίς ἔτι ἄνθρωπος δύναται φοβερὸς
εἶναι; τί γὰρ ἔχει ἄνθρωπος
ἀνθρώπῳ φοβερὸν ἢ ὀφθεὶς ἢ λαλήσας ἢ ὅλως συναναστραφείς; οὐ μᾶλλον ἢ
ἵππος ἵππῳ ἢ κύων κυνὶ ἢ μέλισσα μελίσσῃ.
ἀλλὰ τὰ πράγματα ἑκάστῳ φοβερά
ἐστιν· ταῦτα δ´ ὅταν περιποιεῖν τις δύνηταί τινι ἢ
ἀφελέσθαι, τότε καὶ αὐτὸς φοβερὸς γίνεται. πῶς οὖν
ἀκρόπολις καταλύεται; οὐ σιδήρῳ οὐδὲ πυρί, ἀλλὰ
δόγμασιν. ἂν γὰρ τὴν οὖσαν ἐν τῇ πόλει καθέλωμεν,
μή τι καὶ τὴν τοῦ πυρετοῦ, μή τι καὶ τὴν τῶν καλῶν
γυναικαρίων, μή τι ἁπλῶς τὴν ἐν ἡμῖν ἀκρόπολιν καὶ
τοὺς ἐν ἡμῖν τυράννους ἀποβεβλήκαμεν, οὓς ἐφ´ ἑκάστοις
καθ´ ἡμέραν ἔχομεν, ποτὲ μὲν τοὺς αὐτούς, ποτὲ
δ´ ἄλλους; ἀλλ´ ἔνθεν ἄρξασθαι δεῖ καὶ ἔνθεν καθελεῖν
τὴν ἀκρόπολιν, ἐκβάλλειν τοὺς τυράννους· τὸ σωμάτιον
ἀφεῖναι, τὰ μέρη αὐτοῦ, τὰς δυνάμεις, τὴν κτῆσιν, τὴν
φήμην, ἀρχάς, τιμάς, τέκνα, ἀδελφούς, φίλους, πάντα
ταῦτα ἡγήσασθαι ἀλλότρια. κἂν ἔνθεν ἐκβληθῶσιν οἱ
τύραννοι, τί ἔτι ἀποτειχίζω τὴν ἀκρόπολιν ἐμοῦ γε
ἕνεκα; ἑστῶσα γὰρ τί μοι ποιεῖ; τί ἔτι ἐκβάλλω τοὺς
δορυφόρους; ποῦ γὰρ αὐτῶν αἰσθάνομαι; ἐπ´ ἄλλους
ἔχουσιν τὰς ῥάβδους καὶ τοὺς κοντοὺς καὶ τὰς μαχαίρας. ἐγὼ δ´ οὐπώποτ´ οὔτε
θέλων ἐκωλύθην οὔτ´ ἠναγκάσθην μὴ θέλων καὶ πῶς τοῦτο δυνατόν;
προσκατατέταχά μου τὴν ὁρμὴν τῷ θεῷ. θέλει μ´ ἐκεῖνος πυρέσσειν· κἀγὼ θέλω.
θέλει ὁρμᾶν ἐπί τι· κἀγὼ θέλω.
θέλει ὀρέγεσθαι· κἀγὼ θέλω. θέλει με τυχεῖν τινος·
κἀγὼ βούλομαι. οὐ θέλει· οὐ βούλομαι. ἀποθανεῖν οὖν
θέλω· στρεβλωθῆναι οὖν θέλω. τίς ἔτι με κωλῦσαι δύναται παρὰ τὸ ἐμοὶ
φαινόμενον ἢ ἀναγκάσαι; οὐ μᾶλλον ἢ τὸν Δία.
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Traduction française :
[4,1g] Voilà comment tu seras sans terreurs et sans trouble. Le chagrin, en
effet, existera-t-il alors pour toi? Non, car on ne s'afflige de voir
arriver que les choses qu'on a redoutées quand on les attendait.
Convoiteras-tu encore quoique ce soit? Tu désireras d'une manière calme et
régulière tout ce qui relève de ton libre arbitre, tout ce qui est honnête
et sous ta main ; quant aux choses qui ne relèvent pas de ton libre
arbitre, tu n'en désireras aucune assez pour qu'il y ait place en toi à
des ardeurs de bête brute et à des impatiences sans mesure.
Lorsque l'on est dans cette disposition d'esprit à l'égard des objets,
quel homme peut-on redouter encore? Comment, en effet, un homme peut-il
être redoutable pour un autre homme, soit qu'il se trouve devant lui, soit
qu'il lui parle, soit même qu'il vive avec lui? Il ne peut pas plus l'être
qu'un cheval pour un cheval, un chien pour un chien, une abeille pour une
abeille. Ce que chacun redoute, ce sont les choses; et c'est quand
quelqu'un peut nous les donner ou nous les enlever, qu'il devient
redoutable à son tour.
Cela étant, qu'est-ce qui met anéanties les citadelles? Ce n'est ni le fer, ni
le feu, mais nos façons de juger et de vouloir. Car, lorsque nous aurons
mis à néant la citadelle qui est dans la ville, aurons-nous mis à néant,
du même coup, celle d'où nous commande la fièvre? Et celle d'où nous
maîtrisent les jolies filles? En un mot, aurons-nous renversé, avec la
citadelle qu'ils s'y sont faite, tous les tyrans qui sont en nous, ces
tyrans que nous y trouvons chaque jour à propos de tout, tantôt les mêmes,
tantôt divers? C'est par là qu'il faut commencer; c'est de là qu'il faut
chasser les tyrans, après avoir mis à néant leur citadelle : il faut, pour
cela, renoncer à son corps avec toutes ses parties et toutes ses facultés;
renoncer à la fortune, à la gloire, aux dignités, aux honneurs, à ses
enfants, à ses frères; se dire qu'il n'y a rien là qui soit à nous. Mais,
une fois que j'ai ainsi chassé de mon âme ses tyrans, que me servirait
encore, à moi du moins, de renverser les citadelles de pierre? Car,
debout, quel mal me font-elles? A quoi bon chasser les gardes du tyran? En
quoi m'aperçois-je de leur existence? C'est contre d'autres qu'ils ont ces
faisceaux, ces lances et ces épées. Jamais je n'ai été empêché de faire ce
que je voulais, ni contraint à faire ce que je ne voulais pas. Et comment
y ai-je pu arriver? J'ai subordonné ma volonté à celle de Dieu. Veut-il
que j'aie la fièvre? Moi aussi je le veux. Veut-il que j'entreprenne
quelque chose? Moi aussi je le veux. Veut-il que je désire? Moi aussi je
le veux. Veut-il que quelque chose m'arrive? Moi aussi je le veux. Ne le
veut-il pas? Je ne le veux pas. Veut-il que je meure? Veut-il que je sois
torturé? Je veux mourir; je veux être torturé. Qu'est-ce qui peut alors
m'entraver ou me forcer contrairement à ce qui me semble bon? On ne le
peut pas plus pour moi que pour Jupiter.
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