[1,12] CHAPITRE XII.
§ 1. Περὶ δὲ τοῦ ψευδόμενόν τι δεῖξαι καὶ τὸν λόγον εἰς ἄδοξόν τι ἀγαγεῖν (τοῦτο γὰρ ἦν δεύτερον τῆς σοφιστικῆς προαιρέσεως)— πρῶτον μὲν οὖν ἐκ τοῦ πυνθάνεσθαί πως καὶ διὰ τῆς ἐρωτήσεως συμβαίνει μάλιστα. Τὸ γὰρ (πρὸς) μηδὲν ὁρίσαντα κείμενον ἐρωτᾶν θηρευτικόν ἐστι τούτων· εἰκῇ γὰρ λέγοντες ἁμαρτάνουσι μᾶλλον· εἰκῇ δὲ λέγουσιν ὅταν μηδὲν ἔχωσι προκείμενον. § 2. Τό τε ἐρωτᾶν πολλά, κἂν ὡρισμένον ᾖ πρὸς ὃ διαλέγεται, καὶ τὸ τὰ δοκοῦντα λέγειν ἀξιοῦν, ποιεῖ τιν´ εὐπορίαν τοῦ εἰς ἄδοξον ἀγαγεῖν ἢ ψεῦδος, ἐάν τε ἐρωτώμενος φῇ ἢ ἀποφῇ τούτων τι, ἄγει πρὸς ἃ ἐπιχειρήματος εὐπορεῖ. Δύνανται δὲ νῦν ἧττον κακουργεῖν διὰ τούτων ἢ πρότερον· ἀπαιτοῦνται γὰρ τί τοῦτο πρὸς τὸ ἐν ἀρχῇ. § 3. Στοιχεῖον δὲ τοῦ τυχεῖν ἢ ψεύδους τινὸς ἢ ἀδόξου τὸ μηδεμίαν εὐθὺς ἐρωτᾶν θέσιν, ἀλλὰ φάσκειν ἐρωτᾶν μαθεῖν βουλόμενον· χώραν γὰρ ἐπιχειρήματος ἡ σκῆψις ποιεῖ.
§ 4. Πρὸς δὲ τὸ ψευδόμενον δεῖξαι ἴδιος τόπος ὁ σοφιστικός, τὸ ἄγειν πρὸς τοιαῦτα πρὸς ἃ εὐπορεῖ λόγων. Ἔστι δὲ καὶ καλῶς καὶ μὴ καλῶς τοῦτο ποιεῖν, καθάπερ ἐλέχθη πρότερον.
§ 5. Πάλιν πρὸς τὸ παράδοξα λέγειν σκοπεῖν ἐκ τίνος γένους ὁ διαλεγόμενος, εἶτ´ ἐπερωτᾶν ὃ τοῖς πολλοῖς οὗτοι λέγουσι παράδοξον· ἔστι γὰρ ἑκάστοις τι τοιοῦτον. Στοιχεῖον δὲ τούτων τὸ τὰς ἑκάστων εἰληφέναι θέσεις ἐν ταῖς προτάσεσιν.
§ 6. Λύσις δὲ καὶ τούτων ἡ προσήκουσα φέρεται τῷ ἐμφανίζειν ὅτι οὐ διὰ τὸν λόγον συμβαίνει τὸ ἄδοξον· ἀεὶ δὲ τοῦτο καὶ βούλεται ὁ ἀγωνιζόμενος. § 7. Ἔτι δ´ ἐκ τῶν βουλήσεων καὶ τῶν φανερῶν δοξῶν. Οὐ γὰρ ταὐτὰ βούλονταί τε καὶ φασίν, ἀλλὰ λέγουσι μὲν τοὺς εὐσχημονεστάτους τῶν λόγων, βούλονται δὲ τὰ φαινόμενα λυσιτελεῖν· οἷον τεθνάναι καλῶς μᾶλλον ἢ ζῆν ἡδέως φασὶ (173b) δεῖν, καὶ πένεσθαι δικαίως μᾶλλον ἢ πλουτεῖν αἰσχρῶς, βούλονται δὲ τἀναντία. Τὸν μὲν οὖν λέγοντα κατὰ τὰς βουλήσεις εἰς τὰς φανερὰς δόξας ἀκτέον, τὸν δὲ κατὰ ταύτας εἰς τὰς ἀποκεκρυμμένας· ἀμφοτέρως γὰρ ἀναγκαῖον παράδοξα λέγειν· ἢ γὰρ πρὸς τὰς φανερὰς ἢ πρὸς τὰς ἀφανεῖς δόξας ἐροῦσιν ἐναντία.
§ 8. Πλεῖστος δὲ τόπος ἐστὶ τοῦ ποιεῖν παράδοξα λέγειν, ὥσπερ καὶ ὁ Καλλικλῆς ἐν τῷ Γοργίᾳ γέγραπται λέγων, καὶ οἱ ἀρχαῖοι δὲ πάντες ᾤοντο συμβαίνειν, παρὰ τὸ κατὰ φύσιν καὶ κατὰ τὸν νόμον· ἐναντία γὰρ εἶναι φύσιν καὶ νόμον, καὶ τὴν δικαιοσύνην κατὰ νόμον μὲν εἶναι καλόν, κατὰ φύσιν δ´ οὐ καλόν. Δεῖ οὖν πρὸς μὲν τὸν εἰπόντα κατὰ φύσιν κατὰ νόμον ἀπαντᾶν, πρὸς δὲ τὸν κατὰ νόμον ἐπὶ τὴν φύσιν ἄγειν· ἀμφοτέρως γὰρ συμβαίνει λέγειν παράδοξα. Ἦν δὲ τὸ μὲν κατὰ φύσιν αὐτοῖς τὸ ἀληθές, τὸ δὲ κατὰ νόμον τὸ τοῖς πολλοῖς δοκοῦν. Ὥστε δῆλον ὅτι κἀκεῖνοι, καθάπερ καὶ οἱ νῦν, ἢ ἐλέγξαι ἢ παράδοξα λέγειν τὸν ἀποκρινόμενον ἐπεχείρουν ποιεῖν.
§ 9. Ἔνια δὲ τῶν ἐρωτημάτων ἔχει τὸ ἀμφοτέρως ἄδοξον εἶναι τὴν ἀπόκρισιν, οἷον πότερον τοῖς σοφοῖς ἢ τῷ πατρὶ δεῖ πείθεσθαι, καὶ τὰ συμφέροντα πράττειν ἢ τὰ δίκαια, καὶ ἀδικεῖσθαι αἱρετώτερον ἢ βλάπτειν.
§ 10. Δεῖ δ´ ἄγειν εἰς τὰ τοῖς πολλοῖς καὶ τὰ τοῖς σοφοῖς ἐναντία—ἐὰν μὲν λέγῃ τις ὡς οἱ περὶ τοὺς λόγους, εἰς τὰ τοῖς πολλοῖς, ἐὰν δ´ ὡς οἱ πολλοί, ἐπὶ τὰ τοῖς σοφοῖς. Φασὶ γὰρ οἱ μὲν ἐξ ἀνάγκης τὸν εὐδαίμονα δίκαιον εἶναι· τοῖς δὲ πολλοῖς ἄδοξον τὸ βασιλέα μὴ εὐδαιμονεῖν. § 11. Ἔστι δὲ τὸ εἰς τὰ οὕτως ἄδοξα ἄγειν τὸ αὐτὸ τῷ εἰς τὴν κατὰ φύσιν καὶ κατὰ νόμον ὑπεναντίωσιν ἄγειν· ὁ μὲν γὰρ νόμος δόξα τῶν πολλῶν, οἱ δὲ σοφοὶ κατὰ φύσιν καὶ κατ´ ἀλήθειαν λέγουσιν.
§ 12. Καὶ τὰ μὲν παράδοξα ἐκ τούτων δεῖ ζητεῖν τῶν τόπων·
| [1,12] CHAPITRE XII. {Second et troisième objets de la sophistique : faire que l'adversaire se trompe et qu'il soutienne des paradoxes.}
§ 1. Quant à prouver que l'interlocuteur se trompe, et à le mener à soutenir l'improbable, et c'était là le second objet de la sophistique, ce résultat s'obtient surtout en posant ses demandes d'une certaine manière, et en dirigeant l'interrogation suivant certaine méthode. Ainsi, c'est le rechercher, que d'interroger sur un sujet quelconque sans avoir rien déterminé à l'avance. En effet, en parlant au hasard, on se trompe bien davantage; et l'on parle au hasard quand le sujet n'est pas bien spécifié. § 2. Mais demander plusieurs choses confusément, bien qu'on ait déterminé avec soin le sujet en question, et laisser l'interlocuteur dire ce que bon lui semble, ce sont des moyens qui donnent quelque facilité de le conduire à soutenir l'improbable ou le faux; et, soit qu'il réponde à l'une des questions par affirmation ou par négation, de l'amener sur un sujet où l'on aura des arguments en nombre. Ce sont, du reste, des procédés dont il est aujourd'hui moins aisé d'abuser qu'il ne l'était auparavant; parce que les interlocuteurs savent fort bien demander quel rapport tout ceci peut avoir avec le principe. § 3. L'un des moyens d'arriver à obtenir de l'adversaire quelque assertion fausse ou improbable, c'est de ne soutenir tout d'abord aucune thèse; mais de prétendre qu'on n'interroge que par simple désir de savoir; car l'examen donne alors aisément place à l'attaque.
§ 4. Le lieu spécialement sophistique pour montrer que l'adversaire se trompe, c'est de conduire le raisonnement sur un sujet où l'on abonde en arguments. On pourra, du reste, user bien ou mal de ce lieu, ainsi qu'on l'a dit précédemment.
§ 5. D'autre part, pour avancer des paradoxes, il faut voir de quel genre de philosophes est l'interlocuteur, et ensuite lui demander un paradoxe que les philosophes de cette opinion soutiennent contre le vulgaire; car il y a toujours dans chaque école quelque chose de pareil; et le moyen ici, c'est de formuler les opinions spéciales de chacune d'elles dans des propositions.
§ 6. La solution la plus convenable à opposer à ces difficultés, c'est de faire voir que l'improbable ne vient pas du raisonnement même; car c'est là ce que veut toujours prouver celui qui vous combat. § 7. On peut encore en appeler aux intentions et aux opinions manifestées; car on ne pense pas et on ne dit pas toujours la même chose : mais l'on soutient souvent les choses les plus honorables, et l'on ne veut au fond que ce qui paraît utile. Ainsi l'on prétend hautement qu'il vaut mieux mourir avec gloire que de vivre avec plaisir; (173b) qu'il vaut mieux être pauvre avec honneur qu'être riche avec honte; et cependant, au fond, on veut tout le contraire. Celui qui ne parle que d'après ses intentions, il faut l'amener à exprimer ses opinions avec évidence : et celui qui les exprime, il faut l'amener à produire ses opinions cachées. De ces deux façons, il est nécessaire qu'on le pousse à des paradoxes; car il dira le contraire, soit dans ses opinions évidentes, soit dans ses opinions cachées.
§ 8. Le lieu le plus ordinaire pour faire dire des paradoxes, est celui qui est attribué à Calliclès dans le Gorgias, et que tous les anciens ont cru pouvoir employer- On le tire de la nature et de la loi; car on prétend que la nature et la loi sont contraires, et que la justice est belle selon la loi, mais qu'elle ne l'est pas selon la nature. Il faut donc à celui qui parle suivant la nature, lui répondre suivant la loi, et ramener à la nature celui qui parle suivant la loi; car de ces deux façons, ou arrive à des paradoxes. Ainsi, pour eux, ce qui est selon la nature est le vrai, et c'est ce qui est selon la loi qui le paraît au vulgaire. On voit donc évidemment que ces gens-là, tout comme ceux d'aujourd'hui, essayaient de réfuter l'interlocuteur ou de lui faire faire des paradoxes.
§ 9. Quelques questions sont de telle sorte, que la réponse qu'on y fait est également improbable dans les deux sens. Par exemple : Faut-il obéir aux sages ou à son père? Faut-il agir dans son intérêt ou dans celui de la justice ? Vaut-il mieux souffrir le mal que de le faire ?
§ 10. Il faut mener la discussion sur des sujets où les sages et le vulgaire soutiennent des opinions contraires. Si l'interlocuteur parle comme les raisonneurs habiles, on lui oppose l'opinion du vulgaire : et s'il parle comme le vulgaire, on lui oppose les opinions des penseurs qui ont beaucoup réfléchi. Ainsi, les uns soutiennent que nécessairement l'homme heureux doit être juste; mais, pour le vulgaire, ce serait chose incroyable qu'un roi ne fut pas heureux. § 11. Mener ainsi à soutenir des opinions improbables, c'est la même chose absolument que de mener à l'opposition de la nature et de la loi ; car la loi est l'opinion du vulgaire, mais les sages parlent selon la nature et selon la vérité.
§ 12. C'est donc de ces sortes de lieux qu'il faut chercher à tirer des paradoxes.
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