Texte grec :
[6,14] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΔ'.
§ 1. Ζήνων δὲ παραλογίζεται· εἰ γὰρ αἰεί, φησίν, ἠρεμεῖ πᾶν {ἢ κινεῖται}
ὅταν ᾖ κατὰ τὸ ἴσον, ἔστιν δ' αἰεὶ τὸ φερόμενον ἐν τῷ νῦν, ἀκίνητον τὴν
φερομένην εἶναι ὀϊστόν. Τοῦτο δ' ἐστὶ ψεῦδος· οὐ γὰρ σύγκειται ὁ χρόνος ἐκ
τῶν νῦν τῶν ἀδιαιρέτων, ὥσπερ οὐδ' ἄλλο μέγεθος οὐδέν.
§ 2. Τέτταρες δ' εἰσὶν οἱ λόγοι περὶ κινήσεως Ζήνωνος οἱ παρέχοντες τὰς
δυσκολίας τοῖς λύουσιν.
§ 3. Πρῶτος μὲν ὁ περὶ τοῦ μὴ κινεῖσθαι διὰ τὸ πρότερον εἰς τὸ ἥμισυ δεῖν
ἀφικέσθαι τὸ φερόμενον ἢ πρὸς τὸ τέλος, περὶ οὗ διείλομεν ἐν τοῖς πρότερον
λόγοις.
§ 4. Δεύτερος δ' ὁ καλούμενος Ἀχιλλεύς· ἔστι δ' οὗτος, ὅτι τὸ βραδύτατον
οὐδέποτε καταληφθήσεται θέον ὑπὸ τοῦ ταχίστου· ἔμπροσθεν γὰρ ἀναγκαῖον
ἐλθεῖν τὸ διῶκον ὅθεν ὥρμησεν τὸ φεῦγον, ὥστε ἀεί τι προέχειν ἀναγκαῖον τὸ
βραδύτερον.
§ 5. Ἔστιν δὲ καὶ οὗτος ὁ αὐτὸς λόγος τῷ διχοτομεῖν, διαφέρει δ' ἐν τῷ
διαιρεῖν μὴ δίχα τὸ προσλαμβανόμενον μέγεθος. Τὸ μὲν οὖν μὴ
καταλαμβάνεσθαι τὸ βραδύτερον συμβέβηκεν ἐκ τοῦ λόγου, γίγνεται δὲ παρὰ
ταὐτὸ τῇ διχοτομίᾳ (ἐν ἀμφοτέροις γὰρ συμβαίνει μὴ ἀφικνεῖσθαι πρὸς τὸ
πέρας διαιρουμένου πως τοῦ μεγέθους· ἀλλὰ πρόσκειται ἐν τούτῳ ὅτι οὐδὲ τὸ
τάχιστον τετραγῳδημένον ἐν τῷ διώκειν τὸ βραδύτατον),
§ 6. ὥστ' ἀνάγκη καὶ τὴν λύσιν εἶναι τὴν αὐτήν. Τὸ δ' ἀξιοῦν ὅτι τὸ
προέχον οὐ καταλαμβάνεται, ψεῦδος· ὅτε γὰρ προέχει, οὐ καταλαμβάνεται·
ἀλλ' ὅμως καταλαμβάνεται, εἴπερ δώσει διεξιέναι τὴν πεπερασμένην.
§ 7. Οὗτοι μὲν οὖν οἱ δύο λόγοι.
§ 8. Tρίτος δ' ὁ νῦν ῥηθείς, ὅτι ἡ ὀϊστὸς φερομένη ἕστηκεν. Συμβαίνει δὲ
παρὰ τὸ λαμβάνειν τὸν χρόνον συγκεῖσθαι ἐκ τῶν νῦν· μὴ διδομένου γὰρ
τούτου οὐκ ἔσται ὁ συλλογισμός.
§ 9. Τέταρτος δ' ὁ περὶ τῶν ἐν τῷ σταδίῳ κινουμένων ἐξ ἐναντίας ἴσων ὄγκων
παρ' ἴσους, τῶν μὲν ἀπὸ τέλους τοῦ σταδίου τῶν δ' ἀπὸ μέσου, ἴσῳ τάχει, ἐν
ᾧ συμβαίνειν οἴεται ἴσον εἶναι χρόνον τῷ διπλασίῳ τὸν ἥμισυν.
§ 10. Ἔστι δ' ὁ παραλογισμὸς ἐν τῷ τὸ μὲν παρὰ κινούμενον τὸ δὲ παρ'
ἠρεμοῦν τὸ ἴσον μέγεθος ἀξιοῦν τῷ ἴσῳ τάχει τὸν ἴσον φέρεσθαι χρόνον·
τοῦτο δ' ἐστὶ ψεῦδος.
§ 11. Οἷον ἔστωσαν οἱ ἑστῶτες ἴσοι ὄγκοι ἐφ' ὧν τὰ ΑΑ, οἱ δ' ἐφ' ὧν τὰ ΒΒ
ἀρχόμενοι ἀπὸ τοῦ μέσου, ἴσοι τὸν ἀριθμὸν τούτοις ὄντες καὶ τὸ μέγεθος, οἱ
δ' ἐφ' ὧν τὰ ΓΓ ἀπὸ τοῦ ἐσχάτου, ἴσοι τὸν ἀριθμὸν ὄντες τούτοις καὶ τὸ
μέγεθος, καὶ ἰσοταχεῖς τοῖς Β. Συμβαίνει δὴ τὸ πρῶτον Β ἅμα ἐπὶ τῷ ἐσχάτῳ
εἶναι καὶ τὸ πρῶτον Γ, παρ' ἄλληλα κινουμένων. Συμβαίνει δὲ τὸ Γ παρὰ
πάντα {τὰ Β} διεξεληλυθέναι, τὸ δὲ Β παρὰ τὰ ἡμίση· ὥστε ἥμισυν εἶναι τὸν
χρόνον· ἴσον γὰρ ἑκάτερόν ἐστιν παρ' ἕκαστον. Ἅμα δὲ συμβαίνει τὸ πρῶτον Β
παρὰ πάντα τὰ Γ παρεληλυθέναι· ἅμα γὰρ ἔσται τὸ πρῶτον Γ καὶ τὸ πρῶτον Β
ἐπὶ τοῖς ἐναντίοις ἐσχάτοις, {ἴσον χρόνον παρ' ἕκαστον γιγνόμενον τῶν Β
ὅσον περ τῶν Α, ὥς φησιν,} διὰ τὸ ἀμφότερα ἴσον χρόνον παρὰ τὰ Α
γίγνεσθαι.
§ 12. Ὁ μὲν οὖν λόγος οὗτός ἐστιν, συμβαίνει δὲ παρὰ τὸ εἰρημένον ψεῦδος.
§ 13. Οὐδὲ δὴ κατὰ τὴν ἐν τῇ ἀντιφάσει μεταβολὴν οὐθὲν ἡμῖν ἔσται
ἀδύνατον, οἷον εἰ ἐκ τοῦ μὴ λευκοῦ εἰς τὸ λευκὸν μεταβάλλει καὶ ἐν
μηδετέρῳ ἐστίν, ὡς ἄρα οὔτε λευκὸν ἔσται οὔτε οὐ λευκόν· οὐ γὰρ εἰ μὴ ὅλον
ἐν ὁποτερῳοῦν ἐστιν, οὐ λεχθήσεται λευκὸν ἢ οὐ λευκόν· λευκὸν γὰρ λέγομεν
ἢ οὐ λευκὸν οὐ τῷ ὅλον εἶναι τοιοῦτον, ἀλλὰ τῷ τὰ πλεῖστα ἢ τὰ κυριώτατα
μέρη· οὐ ταὐτὸ δ' ἐστὶν μὴ εἶναί τε ἐν τούτῳ καὶ μὴ εἶναι ἐν τούτῳ ὅλον.
Ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τοῦ ὄντος καὶ ἐπὶ τοῦ μὴ ὄντος καὶ τῶν ἄλλων τῶν κατ'
ἀντίφασιν· ἔσται μὲν γὰρ ἐξ ἀνάγκης ἐν θατέρῳ τῶν ἀντικειμένων, ἐν
οὐδετέρῳ δ' ὅλον αἰεί.
§ 14. Πάλιν δ' ἐπὶ τοῦ κύκλου καὶ ἐπὶ τῆς σφαίρας καὶ ὅλως τῶν ἐν αὑτοῖς
κινουμένων, ὅτι συμβήσεται αὐτὰ ἠρεμεῖν· ἐν γὰρ τῷ αὐτῷ τόπῳ χρόνον τινὰ
ἔσται καὶ αὐτὰ καὶ τὰ μέρη, ὥστε ἠρεμήσει ἅμα καὶ κινήσεται.
§ 15. Πρῶτον μὲν γὰρ τὰ μέρη οὐκ ἔστιν ἐν τῷ αὐτῷ οὐθένα χρόνον,
§ 16. εἶτα καὶ τὸ ὅλον μεταβάλλει αἰεὶ εἰς ἕτερον· οὐ γὰρ ἡ αὐτή ἐστιν ἡ
ἀπὸ τοῦ Α λαμβανομένη περιφέρεια καὶ ἡ ἀπὸ τοῦ Β καὶ τοῦ Γ καὶ τῶν ἄλλων
ἑκάστου σημείων, πλὴν ὡς ὁ μουσικὸς ἄνθρωπος καὶ ἄνθρωπος, ὅτι συμβέβηκεν.
Ὥστε μεταβάλλει αἰεὶ ἡ ἑτέρα εἰς τὴν ἑτέραν, καὶ οὐδέποτε ἠρεμήσει. Τὸν
αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ ἐπὶ τῆς σφαίρας καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων τῶν ἐν αὑτοῖς
κινουμένων.
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Traduction française :
[6,14] CHAPITRE XIV.
§ 1. Mais Zénon fait un faux raisonnement : « Si toute chose, dit-il, doit
toujours être soit en mouvement soit en repos, quand elle est dans un
espace égal à elle-même, et si tout corps qui se déplace est toujours
pendant chaque instant dans un espace égal, il s'ensuit que la flèche qui vole est
immobile. » Mais c'est là une erreur, attendu que le temps n'est pas un composé
d'instants, c'est-à-dire d'indivisibles, pas plus que nulle autre grandeur.
§ 2. Zénon a sur le mouvement quatre raisonnements, qui ne laissent pas que
d'embarrasser ceux qui tentent de les réfuter.
§ 3. D'abord, il prétend prouver que le mouvement n'existe pas, attendu que le
mobile passe par la moitié avant d'arriver à la fin. Nous avons réfuté ce sophisme
dans nos discussions antérieures.
§ 4. Le second sophisme de Zénon est celui qu'on appelle l'Achille. Il consiste à
dire que jamais le plus lent, quand il est en marche, ne pourra être atteint par le
plus rapide, attendu que le poursuivant doit, de toute nécessité, passer d'abord
par le point d'où est parti celui qui fuit sa poursuite, et qu'ainsi le plus lent
conservera constamment une certaine avance.
§ 5. Ce raisonnement revient à celui de la division par deux; et, la seule
différence, c'est qu'ici l'on ne divise pas continuellement en deux la grandeur
surajoutée. On tire bien de cet argument cette conclusion régulière qu'il n'est pas
possible que le plus lent soit jamais atteint; mais c'est toujours absolument la
même chose que dans la division par deux, puisque de part et d'autre on conclut
qu'on ne peut arriver au bout, de quelque manière qu'on partage la grandeur.
Seulement, dans l'Achille, on ajoute que même le plus rapide ne pourra jamais
rejoindre le plus lent; et c'est plus pompeux et plus tragique.
§ 6. La solution est donc des deux côtés nécessairement identique. Mais
supposer que ce qui est en avance n'est pas rejoint, c'est là qu'est l'erreur. Sans
doute tant qu'il est en avance, il n'est pas rejoint; mais, en définitive, cependant il
est rejoint, puisque Zénon doit accorder que la ligne finie est parcourue.
§ 7. Voilà donc déjà deux des arguments de Zénon.
§ 8. Le troisième, dont nous venons de parler à l'instant, c'est que la flèche qui
vole dans les airs reste en place; et de ce principe on tire cette conclusion que le
temps est, selon Zénon, composé d'instants. Mais, en repoussant ce principe, que
l'on ne concède point, il n'y a plus d'argument.
§ 9. Quant au quatrième, il s'applique à des masses égales qu'on suppose se
mouvoir également, par exemple, dans le stade, mais, en sens contraire, les unes
partant de l'extrémité du stade et les autres du milieu; et l'on prétend démontrer
que le temps, qui n'est que la moitié, est l'égal du temps qui est le double.
§ 10. Le sophisme consiste en ceci, qu'on suppose que la grandeur égale, animée
de la même vitesse, se meut dans le même temps, soit relativement à la masse
qui est en mouvement, soit relativement à la masse qui est en repos; et c'est là
qu'est l'erreur.
§ 11. Soient, par exemple, les masses égales en repos représentées par AAAA.
Soient, d'autre part, BBBB, les masses égales en nombre et en grandeur aux A,
mais qui partent du milieu de la longueur des A; soient enfin CCCC les masses
égales aux autres en nombre, en grandeur, et égales aux B en vitesse, mais qui
partent de l'extrémité. Le premier B est bien, en effet, au bout en même temps
que le premier C, puisque le mouvement des uns et des autres est parallèle. Les
C ont bien aussi dépassé tous les A; mais les B ne sont qu'à la moitié. Donc,
suivant Zénon, le temps n'est aussi que la moitié, puisque de part et d'autre c'est
parfaitement égal. Mais il arrive que les B ont, en même temps, dépassé tous les
C; car le premier C et le premier B sont en même temps aux extrémités
contraires, le temps pour chacun des B étant tout à fait égal à ce qu'il est pour
passer _ chacun des A, si l'on en croit ce que dit Zénon, parce que tous deux
arrivent dans un même temps à dépasser les A.
§ 12. Telle est la théorie de Zénon; mais elle pèche ainsi que nous l'avons dit.
§ 13. Quant à la nôtre, elle ne conduit à aucune impossibilité par rapport au
changement qui a lieu dans la contradiction. Par exemple, si l'on objecte que le
corps qui n'est pas blanc, changeant en blanc, n'est, à un instant donné, ni l'un ni
l'autre, de telle sorte qu'on ne puisse pas dire qu'il soit blanc, et qu'on ne puisse
pas dire davantage qu'il ne soit pas blanc; je réponds qu'on n'a pas besoin, pour
affirmer que le corps est blanc ou qu'il n'est pas blanc, qu'il soit tout entier l'un
ou l'autre ; car on dit d'une chose qu'elle est blanche ou qu'elle ne l'est pas sans
qu'elle le soit tout entière, et il suffit que la plupart de ses parties, ou les plus
importantes le soient. Mais ce n'est pas la même chose de ne pas être dans tel
état ou de ne pas y être tout entier. Il en sera de même tout à fait pour l'être et le
non-être, et pour toutes les autres oppositions par contradiction; car il faut
nécessairement que la chose soit dans l'un des opposés; mais elle n'est pas
toujours tout entière dans aucun des deux.
§ 14. D'autre part, pour le cercle, pour la sphère, et en général pour tout ce qui se
meut sur soi-même, on prétend bien que les corps seront en repos, attendu que
ces corps et leurs parties étant durant quelque temps dans le même lien, il en
résulte, par conséquent, qu'ils seront à la fois et en mouvement, et en repos.
§ 15. Mais d'abord, je réponds que les parties ne sont jamais un seul moment
dans le même lieu.
§ 16. Puis ensuite, on peut même dire que c'est le cercle entier qui change
toujours en un autre; car la circonférence n'est pas la même, selon qu'on la prend
du point A, ou du point B, ou du point C, ou de tels autres points, si ce n'est de la
même manière que l'homme musicien est aussi homme, parce que sa qualité de
musicien n'est qu'accidentelle. Par conséquent, une circonférence change
toujours en une autre, et elle n'est jamais en repos. Il en est tout à fait de même
aussi pour la sphère, et pour tous les corps qui se meuvent sur eux-mêmes.
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