[2,5] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ε'.
§ 1. Πρῶτον μὲν οὖν, ἐπειδὴ ὁρῶμεν τὰ μὲν ἀεὶ ὡσαύτως γιγνόμενα τὰ δὲ ὡς
ἐπὶ τὸ πολύ, φανερὸν ὅτι οὐδετέρου τούτων αἰτία ἡ τύχη λέγεται οὐδὲ τὸ ἀπὸ
τύχης, οὔτε τοῦ ἐξ ἀνάγκης καὶ αἰεὶ οὔτε τοῦ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ. Ἀλλ' ἐπειδὴ
ἔστιν ἃ γίγνεται καὶ παρὰ ταῦτα, καὶ ταῦτα πάντες φασὶν εἶναι ἀπὸ τύχης,
φανερὸν ὅτι ἔστι τι ἡ τύχη καὶ τὸ αὐτόματον· τά τε γὰρ τοιαῦτα ἀπὸ τύχης
καὶ τὰ ἀπὸ τύχης τοιαῦτα ὄντα ἴσμεν.
§ 2. Τῶν δὲ γιγνομένων τὰ μὲν ἕνεκά του γίγνεται τὰ δ' οὔ (τούτων δὲ τὰ
μὲν κατὰ προαίρεσιν, τὰ δ' οὐ κατὰ προαίρεσιν, ἄμφω δ' ἐν τοῖς ἕνεκά του),
ὥστε δῆλον ὅτι καὶ ἐν τοῖς παρὰ τὸ ἀναγκαῖον καὶ τὸ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ ἔστιν
ἔνια περὶ ἃ ἐνδέχεται ὑπάρχειν τὸ ἕνεκά του. Ἔστι δ' ἕνεκά του ὅσα τε ἀπὸ
διανοίας ἂν πραχθείη καὶ ὅσα ἀπὸ φύσεως.
§ 3. Τὰ δὴ τοιαῦτα ὅταν κατὰ συμβεβηκὸς γένηται, ἀπὸ τύχης φαμὲν εἶναι
(ὥσπερ γὰρ καὶ ὄν ἐστι τὸ μὲν καθ' αὑτὸ τὸ δὲ κατὰ συμβεβηκός, οὕτω καὶ
αἴτιον ἐνδέχεται εἶναι, οἷον οἰκίας καθ' αὑτὸ μὲν αἴτιον τὸ οἰκοδομικόν,
κατὰ συμβεβηκὸς δὲ τὸ λευκὸν ἢ τὸ μουσικόν.
§ 4. Τὸ μὲν οὖν καθ' αὑτὸ αἴτιον ὡρισμένον, τὸ δὲ κατὰ συμβεβηκὸς
ἀόριστον· ἄπειρα γὰρ ἂν τῷ ἑνὶ συμβαίη).
§ 5. Καθάπερ οὖν ἐλέχθη, ὅταν ἐν τοῖς ἕνεκά του γιγνομένοις τοῦτο γένηται,
τότε λέγεται ἀπὸ ταὐτομάτου καὶ ἀπὸ τύχης (αὐτῶν δὲ πρὸς ἄλληλα τὴν
διαφορὰν τούτων ὕστερον διοριστέον· νῦν δὲ τοῦτο ἔστω φανερόν, ὅτι ἄμφω
ἐν τοῖς ἕνεκά τού ἐστιν).
§ 6. Οἷον ἕνεκα τοῦ ἀπολαβεῖν τὸ ἀργύριον ἦλθεν ἂν κομιζομένου τὸν ἔρανον,
εἰ ᾔδει· ἦλθε δ' οὐ τούτου ἕνεκα, ἀλλὰ συνέβη αὐτῷ ἐλθεῖν, καὶ ποιῆσαι
τοῦτο τοῦ κομίσασθαι ἕνεκα· τοῦτο δὲ οὔθ' ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ φοιτῶν εἰς τὸ
χωρίον οὔτ' ἐξ ἀνάγκης·
§ 7. ἔστι δὲ τὸ τέλος, ἡ κομιδή, οὐ τῶν ἐν αὐτῷ αἰτίων, ἀλλὰ τῶν
προαιρετῶν καὶ ἀπὸ διανοίας· καὶ λέγεταί γε τότε ἀπὸ τύχης ἐλθεῖν, εἰ δὲ
προελόμενος καὶ τούτου ἕνεκα ἢ ἀεὶ φοιτῶν ἢ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ {κομιζόμενος},
οὐκ ἀπὸ τύχης.
§ 8. Δῆλον ἄρα ὅτι ἡ τύχη αἰτία κατὰ συμβεβηκὸς ἐν τοῖς κατὰ προαίρεσιν
τῶν ἕνεκά του.
§ 9. Διὸ περὶ τὸ αὐτὸ διάνοια καὶ τύχη· ἡ γὰρ προαίρεσις οὐκ ἄνευ
διανοίας.
§ 10. Ἀόριστα μὲν οὖν τὰ αἴτια ἀνάγκη εἶναι ἀφ' ὧν ἂν γένοιτο τὸ ἀπὸ
τύχης. Ὅθεν καὶ ἡ τύχη τοῦ ἀορίστου εἶναι δοκεῖ καὶ ἄδηλος ἀνθρώπῳ, καὶ
ἔστιν ὡς οὐδὲν ἀπὸ τύχης δόξειεν ἂν γίγνεσθαι. Πάντα γὰρ ταῦτα ὀρθῶς
λέγεται, εὐλόγως.
§ 11. Ἔστιν μὲν γὰρ ὡς γίγνεται ἀπὸ τύχης· κατὰ συμβεβηκὸς γὰρ γίγνεται,
καὶ ἔστιν αἴτιον ὡς συμβεβηκὸς ἡ τύχη· ὡς δ' ἁπλῶς οὐδενός·
§ 12. οἷον οἰκίας οἰκοδόμος μὲν αἴτιος, κατὰ συμβεβηκὸς δὲ αὐλητής, καὶ
τοῦ ἐλθόντα κομίσασθαι τὸ ἀργύριον, μὴ τούτου ἕνεκα ἐλθόντα, ἄπειρα τὸ
πλῆθος· καὶ γὰρ ἰδεῖν τινὰ βουλόμενος καὶ διώκων καὶ φεύγων καὶ
θεασόμενος.
§ 13. Καὶ τὸ φάναι εἶναί τι παράλογον τὴν τύχην ὀρθῶς· ὁ γὰρ λόγος ἢ τῶν
ἀεὶ ὄντων ἢ τῶν ὡς ἐπὶ τὸ πολύ, ἡ δὲ τύχη ἐν τοῖς γιγνομένοις παρὰ ταῦτα.
Ὥστ' ἐπεὶ ἀόριστα τὰ οὕτως αἴτια, καὶ ἡ τύχη ἀόριστον.
§ 14. Ὅμως δ' ἐπ' ἐνίων ἀπορήσειεν ἄν τις, ἆρ' οὖν τὰ τυχόντα αἴτι' ἂν
γένοιτο τῆς τύχης· οἷον ὑγιείας ἢ πνεῦμα ἢ εἵλησις, ἀλλ' οὐ τὸ
ἀποκεκάρθαι· ἔστιν γὰρ ἄλλα ἄλλων ἐγγύτερα τῶν κατὰ συμβεβηκὸς αἰτίων.
§ 15. Τύχη δὲ ἀγαθὴ μὲν λέγεται ὅταν ἀγαθόν τι ἀποβῇ, φαύλη δὲ ὅταν φαῦλόν
τι, εὐτυχία δὲ καὶ δυστυχία ὅταν μέγεθος ἔχοντα ταῦτα·
§ 16. διὸ καὶ τὸ παρὰ μικρὸν κακὸν ἢ ἀγαθὸν λαβεῖν μέγα ἢ εὐτυχεῖν ἢ
ἀτυχεῖν ἐστίν, ὅτι ὡς ὑπάρχον λέγει ἡ διάνοια· τὸ γὰρ παρὰ μικρὸν ὥσπερ
οὐδὲν ἀπέχειν δοκεῖ.
§ 17. Ἔτι ἀβέβαιον ἡ εὐτυχία εὐλόγως· ἡ γὰρ τύχη ἀβέβαιος· οὔτε γὰρ ἀεὶ
οὔθ' ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ οἷόν τ' εἶναι τῶν ἀπὸ τύχης οὐθέν.
| [2,5] CHAPITRE V.
§ 1. Un premier point évident, c'est que, parmi les choses, les unes
étant éternellement d'une manière uniforme et les autres étant d'une
certaine façon dans la pluralité des cas, le hasard ni rien de ce qui vient
du hasard, ne peut du tout être la cause ni des uns ni des autres, c'est-à-dire,
ni de ce qui est nécessairement et toujours, ni de ce qui est dans la
pluralité des cas. Mais comme il y a encore des choses qui ont lieu en
dehors de celles-là, et que tout le monde reconnaît dans ces autres
choses l'effet du hasard ; il est incontestable que le hasard et la
spontanéité sont quelque chose: car nous disons à la fois et que les
choses de ce genre viennent du hasard, et que les choses qui viennent
du hasard sont du genre de celles-là.
§ 2. Parmi toutes les choses qui ont lieu, les unes sont produites en
vue d'une certaine fin ; les autres ne sont pas produites ainsi. Dans les
premières, il y a tantôt préférence et intention ; tantôt il n'y en a pas. Mais
ces deux cas n'en rentrent pas moins dans les choses produites en vite
d'une fin. Par conséquent, il se peut évidemment que, même parmi les
choses qui sont contre le cours nécessaire ou ordinaire des choses, il y
en ait qui ont un certain but. Les choses ont un but toutes les fois qu'elles
sont faites, ou par l'intelligence de l'homme, on par la nature ; et si ces
choses arrivent indirectement et accidentellement, nous les rapportons
au hasard.
§ 3. De même, en effet, que l'être est ou en soi, ou par accident, de
même, la cause peut être ou en soi, ou simplement accidentelle. Ainsi, la
cause en soi de la maison, c'est ce qui est capable de bâtir les maisons ;
indirectement et accidentellement, c'est le blanc ou le musicien.
§ 4. La cause en soi est toujours déterminée et précise ; mais la
cause par accident est indéterminée ; car un seul être peut avoir un
nombre infini d'accidents.
§ 5. Je le répète donc : lorsque dans les choses qui ont lieu en vue
d'une certaine fin, il s'en produit une accidentellement, on dit alors qu'elle
est fortuite et qu'elle est spontanée. Plus tard, nous expliquerons la
différence que nous mettons entre ces deux termes ; mais ici nous nous
bornons à dire qu'évidemment tous deux expriment des choses qui ont
un but et un pourquoi.
§ 6. Par exemple, quelqu'un serait bien allé au marché pour y ravoir
son argent, s'il avait su qu'il pût en rapporter le prix de sa créance ; mais
il n'y est pas allé dans cette intention ; et c'est accidentellement qu'il y est
allé et qu'il a fait ce qu'il fallait pour rapporter son argent. Rencontrer son
débiteur et se rendre dans ce lieu, n'était pour le créancier, ni un acte
ordinaire, ni une nécessité.
§ 7. Ici la fin, c'est-à-dire le recouvrement de l'argent, n'est point une
des causes qui sont dans la chose même ; c'est un acte de préférence
réfléchie et d'intelligence ; et dans ce cas, on dit que l'individu est allé au
marché par hasard. Mais s'il y est allé de propos délibéré et pour cet
objet spécial, soit qu'il y allât toujours ou le plus ordinairement pour
recouvrer sa dette, on ne peut plus dire que c'est par hasard qu'il est allé
au marché.
§ 8. Donc évidemment, le hasard est une cause accidentelle dans
celles de ces choses qui visant à une fin, dépendent de notre libre choix.
§ 9. C'est là ce qui fait aussi que le hasard et l'intelligence se
rapportent à un même objet ; car il n'y a pas de choix et d'intention
réfléchie sans intervention de l'intelligence.
§ 10. Ainsi, les causes qui produisent les effets du hasard sont
nécessairement indéterminées ; et cela donne à croire que le hasard est
dans le domaine de l'indéterminé, et qu'il reste profondément obscur
pour l'homme.
§ 11. Aussi en un certain sens, il semble que rien ne peut venir du
hasard, et toutes ces opinions peuvent se soutenir, parce qu'elles sont
très rationnelles. A un point de vue, la chose vient du hasard ; car elle se
produit indirectement et accidentellement ; et dès lors la fortune peut être
considérée comme cause en tant que le fait est accidentel. Mais à parler
absolument, le hasard n'est jamais cause de quoique ce soit.
§ 12. Par exemple, en soi la cause de la maison est le maçon qui la
construit ; indirectement et accidentellement, c'est le joueur de flûte ; et il
peut y avoir un nombre infini de causes qui font qu'un homme qui va sur
la place publique en rapporte son argent, sans y être du tout allé dans
cette intention, y allant simplement pour y voir une personne, ou parce
qu'il poursuit quelqu'un en justice, ou parce qu'il y est poursuivi.
§ 13. On peut dire aussi avec toute vérité que le hasard est quelque
chose de déraisonnable ; car la raison éclate dans les choses qui restent
éternellement les mêmes, et dans celles qui sont le plus souvent d'une
certaine façon. Le hasard, au contraire, ne se rencontre que dans les
choses qui ne sont ni éternelles, ni ordinaires ; et comme les causes de
ce dernier ordre sont toujours indéterminées, le hasard est indéterminé
comme elles.
§ 14. Néanmoins on peut, dans quelques cas, se demander si ce
sont bien les premières choses venues qui peuvent être les causes du
hasard ; par exemple, on peut se demander si la cause de la guérison
d'un malade est le bon air que le malade a pris, ou la chaleur qu'il a
ressentie, et non pas la coupe de ses cheveux ; car même, parmi les
causes accidentelles, il y en a qui sont plus rapprochées les unes que les
autres.
§ 15. On dit que le hasard est heureux, quand il survient
quelqu'heureux événement ; on dit que le hasard est malheureux, quand
il survient quelque malheur.
§ 16. Si ces mêmes événements prennent quelque grandeur, on dit
que c'est de la prospérité ou de l'infortune ; et même lorsqu'il s'en faut de
très peu que le mal ou le bien ne deviennent considérables, on dit encore
que c'est de l'infortune ou de la prospérité, parce que la pensée voit le
mal et le bien comme s'ils étaient déjà réalisés ; et quand il s'en manque
de si peu, on peut croire qu'il ne s'en manque de rien.
§ 17. On a d'ailleurs bien raison de dire que la prospérité est
inconstante ; car la fortune elle-même est pleine d'inconstance, puisque
rien de ce qui vient du hasard ne peut être ni toujours, ni même le plus
fréquemment.
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