[8,1156] (1156a)
(1) τοῦτο δὲ τὸ αὐτὸ κἂν ἐκείνων τις πάθοι πρὸς τοῦτον. Εὖνοι μὲν οὖν οὗτοι
φαίνονται ἀλλήλοις· φίλους δὲ πῶς ἄν τις εἴποι λανθάνοντας ὡς ἔχουσιν
ἑαυτοῖς; Δεῖ ἄρα εὐνοεῖν ἀλλήλοις καὶ βούλεσθαι τἀγαθὰ μὴ λανθάνοντας (5)
δι' ἕν τι τῶν εἰρημένων.
III. Διαφέρει δὲ ταῦτα ἀλλήλων εἴδει· καὶ αἱ φιλήσεις ἄρα καὶ αἱ φιλίαι.
Τρία δὴ τὰ τῆς φιλίας εἴδη, ἰσάριθμα τοῖς φιλητοῖς· καθ' ἕκαστον γάρ ἐστιν
ἀντιφίλησις οὐ λανθάνουσα, οἱ δὲ φιλοῦντες ἀλλήλους βούλονται τἀγαθὰ
ἀλλήλοις (10) ταύτῃ ᾗ φιλοῦσιν. Οἱ μὲν οὖν διὰ τὸ χρήσιμον φιλοῦντες
ἀλλήλους οὐ καθ' αὑτοὺς φιλοῦσιν, ἀλλ' ᾗ γίνεταί τι αὐτοῖς παρ' ἀλλήλων
ἀγαθόν. Ὁμοίως δὲ καὶ οἱ δι' ἡδονήν· οὐ γὰρ τῷ ποιούς τινας εἶναι ἀγαπῶσι
τοὺς εὐτραπέλους, ἀλλ' ὅτι ἡδεῖς αὑτοῖς. Οἵ τε δὴ διὰ τὸ χρήσιμον
φιλοῦντες διὰ τὸ αὑτοῖς (15) ἀγαθὸν στέργουσι, καὶ οἱ δι' ἡδονὴν διὰ τὸ
αὑτοῖς ἡδύ, καὶ οὐχ ᾗ ὁ φιλούμενός ἐστιν, ἀλλ' ᾗ χρήσιμος ἢ ἡδύς. Κατὰ
συμβεβηκός τε δὴ αἱ φιλίαι αὗταί εἰσιν· οὐ γὰρ ᾗ ἐστὶν ὅσπερ ἐστὶν ὁ
φιλούμενος, ταύτῃ φιλεῖται, ἀλλ' ᾗ πορίζουσιν οἳ μὲν ἀγαθόν τι οἳ δ'
ἡδονήν. Εὐδιάλυτοι δὴ αἱ τοιαῦταί (20) εἰσι, μὴ διαμενόντων αὐτῶν ὁμοίων·
ἐὰν γὰρ μηκέτι ἡδεῖς ἢ χρήσιμοι ὦσι, παύονται φιλοῦντες. Τὸ δὲ χρήσιμον οὐ
διαμένει, ἀλλ' ἄλλοτε ἄλλο γίνεται. Ἀπολυθέντος οὖν δι' ὃ φίλοι ἦσαν,
διαλύεται καὶ ἡ φιλία, ὡς οὔσης τῆς φιλίας πρὸς ἐκεῖνα. Μάλιστα δ' ἐν τοῖς
πρεσβύταις ἡ τοιαύτη δοκεῖ (25) φιλία γίνεσθαι (οὐ γὰρ τὸ ἡδὺ οἱ
τηλικοῦτοι διώκουσιν ἀλλὰ τὸ ὠφέλιμον), καὶ τῶν ἐν ἀκμῇ καὶ νέων ὅσοι τὸ
συμφέρον διώκουσιν. Οὐ πάνυ δ' οἱ τοιοῦτοι οὐδὲ συζῶσι μετ' ἀλλήλων·
ἐνίοτε γὰρ οὐδ' εἰσὶν ἡδεῖς· οὐδὲ δὴ προσδέονται τῆς τοιαύτης ὁμιλίας, ἐὰν
μὴ ὠφέλιμοι ὦσιν· ἐπὶ τοσοῦτον (30) γάρ εἰσιν ἡδεῖς ἐφ' ὅσον ἐλπίδας
ἔχουσιν ἀγαθοῦ. Εἰς ταύτας δὲ καὶ τὴν ξενικὴν τιθέασιν.
Ἡ δὲ τῶν νέων φιλία δι' ἡδονὴν εἶναι δοκεῖ· κατὰ πάθος γὰρ οὗτοι ζῶσι, καὶ
μάλιστα διώκουσι τὸ ἡδὺ αὑτοῖς καὶ τὸ παρόν· τῆς ἡλικίας δὲ μεταπιπτούσης
καὶ τὰ ἡδέα γίνεται ἕτερα. Διὸ ταχέως γίνονται (35) φίλοι καὶ παύονται·
ἅμα γὰρ τῷ ἡδεῖ ἡ φιλία μεταπίπτει, (1156b) (1) τῆς δὲ τοιαύτης ἡδονῆς
ταχεῖα ἡ μεταβολή. Καὶ ἐρωτικοὶ δ' οἱ νέοι· κατὰ πάθος γὰρ καὶ δι' ἡδονὴν
τὸ πολὺ τῆς ἐρωτικῆς· διόπερ φιλοῦσι καὶ ταχέως παύονται, πολλάκις τῆς
αὐτῆς ἡμέρας μεταπίπτοντες. Συνημερεύειν δὲ καὶ (5) συζῆν οὗτοι βούλονται·
γίνεται γὰρ αὐτοῖς τὸ κατὰ τὴν φιλίαν οὕτως.
Τελεία δ' ἐστὶν ἡ τῶν ἀγαθῶν φιλία καὶ κατ' ἀρετὴν ὁμοίων· οὗτοι γὰρ
τἀγαθὰ ὁμοίως βούλονται ἀλλήλοις ᾗ ἀγαθοί, ἀγαθοὶ δ' εἰσὶ καθ' αὑτούς. Οἱ
δὲ βουλόμενοι τἀγαθὰ (10) τοῖς φίλοις ἐκείνων ἕνεκα μάλιστα φίλοι· δι'
αὑτοὺς γὰρ οὕτως ἔχουσι, καὶ οὐ κατὰ συμβεβηκός· διαμένει οὖν ἡ τούτων
φιλία ἕως ἂν ἀγαθοὶ ὦσιν, ἡ δ' ἀρετὴ μόνιμον. Καὶ ἔστιν ἑκάτερος ἁπλῶς
ἀγαθὸς καὶ τῷ φίλῳ· οἱ γὰρ ἀγαθοὶ καὶ ἁπλῶς ἀγαθοὶ καὶ ἀλλήλοις ὠφέλιμοι.
Ὁμοίως δὲ καὶ (15) ἡδεῖς· καὶ γὰρ ἁπλῶς οἱ ἀγαθοὶ ἡδεῖς καὶ ἀλλήλοις·
ἑκάστῳ γὰρ καθ' ἡδονήν εἰσιν αἱ οἰκεῖαι πράξεις καὶ αἱ τοιαῦται, τῶν
ἀγαθῶν δὲ αἱ αὐταὶ ἢ ὅμοιαι. Ἡ τοιαύτη δὲ φιλία μόνιμος εὐλόγως ἐστίν·
συνάπτει γὰρ ἐν αὐτῇ πάνθ' ὅσα τοῖς φίλοις δεῖ ὑπάρχειν. Πᾶσα γὰρ φιλία
δι' ἀγαθόν ἐστιν (20) ἢ δι' ἡδονήν, ἢ ἁπλῶς ἢ τῷ φιλοῦντι, καὶ καθ'
ὁμοιότητά τινα· ταύτῃ δὲ πάνθ' ὑπάρχει τὰ εἰρημένα καθ' αὑτούς· ταύτῃ γὰρ
ὅμοια καὶ τὰ λοιπά, τό τε ἁπλῶς ἀγαθὸν καὶ ἡδὺ ἁπλῶς ἐστίν, μάλιστα δὲ
ταῦτα φιλητά· καὶ τὸ φιλεῖν δὴ καὶ ἡ φιλία ἐν τούτοις μάλιστα καὶ ἀρίστη.
Σπανίας δ' (25) εἰκὸς τὰς τοιαύτας εἶναι· ὀλίγοι γὰρ οἱ τοιοῦτοι. Ἔτι δὲ
προσδεῖται χρόνου καὶ συνηθείας· κατὰ τὴν παροιμίαν γὰρ οὐκ ἔστιν εἰδῆσαι
ἀλλήλους πρὶν τοὺς λεγομένους ἅλας συναναλῶσαι· οὐδ' ἀποδέξασθαι δὴ
πρότερον οὐδ' εἶναι φίλους, πρὶν ἂν ἑκάτερος ἑκατέρῳ φανῇ φιλητὸς καὶ
πιστευθῇ. Οἱ δὲ ταχέως (30) τὰ φιλικὰ πρὸς ἀλλήλους ποιοῦντες βούλονται
μὲν φίλοι εἶναι, οὐκ εἰσὶ δέ, εἰ μὴ καὶ φιλητοί, καὶ τοῦτ' ἴσασιν·
βούλησις μὲν γὰρ ταχεῖα φιλίας γίνεται, φιλία δ' οὔ.
Αὕτη μὲν οὖν καὶ κατὰ τὸν χρόνον καὶ κατὰ τὰ λοιπὰ τελεία ἐστί, καὶ κατὰ
πάντα ταὐτὰ γίνεται καὶ ὅμοια ἑκατέρῳ (35) παρ' ἑκατέρου, ὅπερ δεῖ τοῖς
φίλοις ὑπάρχειν.
| [8,1156] (1156a)
et il est possible que quelqu'un de ceux-ci ait les mêmes sentiments que celui qui est ainsi disposé à son égard. Dans ce cas donc, ce seront des personnes
qui ont les unes pour les autres de la bienveillance; mais comment
pourrait-on dire qu'ils sont amis, puisqu'ils ne connaissent pas leurs
sentiments réciproques? Il faut donc (pour être amis) qu'aux sentiments
d'une bienveillance réciproque, fondés au moins sur une des trois qualités
dont nous avons parlé, on joigne la connaissance du bien qu'on se veut
mutuellement.
III. Mais ces motifs (ou ces conditions de l'amitié) diffèrent d'espèce;
et par conséquent, il y a aussi différentes espèces d'attachements et
d'amitiés, c'est-à-dire trois, ou autant qu'il y a de sortes de qualités
aimables. Car il peut y avoir, dans chaque espèce, réciprocité de
sentiment, connue de ceux qui l'éprouvent. Au reste, ceux qui ont un
attachement mutuel se veulent réciproquement du bien, dans le sens du
motif qui détermine leur attachement. Ainsi ceux qui ont de l'affection
l'un pour l'autre, à cause de l'utilité qu'ils trouvent dans ce commerce,
ne s'aiment pas pour eux-mêmes, mais à raison du bien qui peut revenir à
chacun d'eux de la part de l'autre. Il en est de même de ceux dont
l'affection est fondée sur le plaisir; car ce n'est pas pour ce qu'ils
sont en eux-mêmes qu'ils aiment les gens d'un commerce facile et gai, mais
uniquement à cause de l'agrément qu'ils leur procurent. D'où il suit que
ceux qui aiment en vue de l'utilité, aiment à cause du bien qui leur en
revient; et ceux qui aiment en vue du plaisir, le font à cause de
l'agrément qu'ils y trouvent. (Leur ami leur est cher,) non pour ses
qualités (personnelles), mais à cause de l'utilité ou de l'agrément que
son commerce leur procure. Ces sortes d'amitiés sont donc souvent l'effet
des circonstances, puisque la cause qui les détermine n'est pas dans le
caractère propre et particulier de ceux qu'on aime, mais dans le bien que
les uns, et dans le plaisir que les autres peuvent faire. Elles sont, par
conséquent, faciles à dissoudre, quand ceux qui les inspirent ne demeurent
pas les mêmes; car, du moment où ils cessent d'être utiles ou agréables,
on cesse de les aimer. Or, l'utilité n'est pas durable; mais telle chose
est utile dans un temps, telle autre l'est dans un autre. La cause qui
avait donné lieu à l'amitié venant donc à cesser, l'amitié elle-même
s'évanouit, puisqu'elle n'avait pas d'autre fondement que celui-là.
Cette espèce d'attachement semble surtout se rencontrer chez les
vieillards : car ce n'est pas l'agréable, mais l'utile, que
recherchent les hommes de cet âge, aussi bien que ceux d'un âge mûr, et
ceux qui, jeunes encore, sont très occupés de leur intérêt personnel. Les
hommes de ce caractère sont aussi assez peu disposés à vivre les uns avec
les autres dans un commerce habituel; car ils y portent quelquefois peu
d'agrément : aussi ne se soucient-ils guère d'un tel commerce, quand
l'utilité ne s'y joint pas; car ils ne sont agréables qu'autant qu'ils
conservent quelque espoir d'en tirer de l'avantage. On range ordinairement
dans cette classe les liaisons d'hospitalité.
Quant à l'amitié des jeunes gens, c'est communément le plaisir qui en est
le lien; car ils vivent, en général, sous l'empire des passions, et ils
recherchent surtout le plaisir du moment. Mais, lorsque ensuite vient
l'âge mûr, d'autres objets leur plaisent : aussi deviennent-ils
promptement amis et cessent-ils de l'être avec la même promptitude; car
l'amitié décline en eux avec le sentiment agréable (1156b) qui l'avait
fait naître, et rien de si rapide que le changement dans les plaisirs de
cette espèce. Les jeunes gens sont aussi fort portés à se lier d'amitié
avec ceux de leur âge; car cette espèce d'attachement est une passion
fondée, la plupart du temps, sur le plaisir. Aussi la voit-on naître et
finir très promptement, et quelquefois dans la même journée. Cependant,
ils aiment à vivre, à passer les jours entiers avec les objets de leur
attachement; car c'est encore là un des caractères de l'amitié propre à
cet âge. Mais l'amitié parfaite est celle des hommes vertueux, et qui se
ressemblent par la vertu; car ceux-là ont les uns pour les autres une
bienveillance fondée sur le mérite propre et personnel de chacun d'eux, et
ils sont bons par eux-mêmes. Or, ceux qui veulent du bien à leurs amis
pour eux-mêmes, sont les amis par excellence ; car c'est par leur nature
qu'ils sont tels, et non par l'effet des circonstances. Leur amitié dure
donc tout le temps qu'ils restent vertueux ; et le propre de la vertu,
c'est d'être durable. Chacun d'eux a la bonté absolue et celle qui
convient à son ami; car les hommes vertueux et qui ont la bonté absolue,
sont utiles les uns aux autres. Ils sont aussi d'un commerce agréable; car
les gens de bien ont l'amabilité absolue, et le don de se plaire les uns
aux autres. En effet, chacun d'eux trouve du plaisir dans les actions qui
lui sont propres (qui conviennent à sa nature), et dans celles qui leur
ressemblent : or, les actions des gens de bien sont les mêmes, ou au moins
sont semblables.
Une telle amitié doit donc être durable, puisqu'elle réunit toutes les
conditions qui doivent se trouver entre amis. Car toute amitié se fonde
sur l'avantage ou sur le plaisir, soit dans un sens absolu, soit
relativement à celui qui aime, et a lieu en vertu d'une certaine
ressemblance : or, tout cela se trouve dans l'amitié dont nous parlons, et
ceux qui l'éprouvent réunissent par eux-mêmes toutes ces conditions; car
tout le reste y est semblable, et la bonté absolue, et l'amabilité
absolue. C'est donc ce qu'il y a de plus propre à se faire aimer;
l'amitié et le tendre attachement se trouvent donc dans les personnes de
ce caractère, au plus haut degré d'excellence et de perfection.
Toutefois ces sortes d'amitiés doivent naturellement être fort rares ; car
de tels hommes sont en bien petit nombre : d'ailleurs, il y faut du temps
et de l'habitude. En effet, on ne peut guère se connaître les uns les
autres, avant que d'avoir consommé ensemble, comme dit le proverbe, plus
d'un boisseau de sel. Avant que de s'adopter l'un l'autre, avant que
de se lier d'une amitié réciproque, il faut que chacun se soit assuré des
qualités aimables qui se trouvent dans l'autre, et qu'il ait pu y prendre
confiance. Ceux qui s'empressent de faire toutes les avances propres à
fonder une pareille liaison, veulent sans doute être amis; mais ils ne le
sont pas encore, à moins qu'ils ne soient dignes d'être aimés, et ils le
savent bien. Le désir de l'amitié vient donc assez promptement, mais non
pas l'amitié. Elle ne peut acquérir toute sa perfection qu'à l'aide du
temps et des autres conditions dont la réunion peut la faire naître, des
qualités semblables des deux côtés, et qui doivent se trouver dans les amis.
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