Texte grec :
[5,1137] εἰ δὲ γινώσκων ἔκρινεν ἀδίκως, (1137a) (1) πλεονεκτεῖ καὶ αὐτὸς ἢ χάριτος
ἢ τιμωρίας. Ὥσπερ οὖν κἂν εἴ τις μερίσαιτο τοῦ ἀδικήματος, καὶ ὁ διὰ ταῦτα
κρίνας ἀδίκως πλέον ἔχει· καὶ γὰρ ἐπ' ἐκείνῳ τὸν ἀγρὸν κρίνας οὐκ ἀγρὸν
ἀλλ' ἀργύριον ἔλαβεν.
Οἱ δ' (5) ἄνθρωποι ἐφ' ἑαυτοῖς οἴονται εἶναι τὸ ἀδικεῖν· διὸ καὶ τὸ
δίκαιον εἶναι ῥᾴδιον. Τὸ δ' οὐκ ἔστιν· συγγενέσθαι μὲν γὰρ τῇ τοῦ γείτονος
καὶ πατάξαι τὸν πλησίον καὶ δοῦναι τῇ χειρὶ τὸ ἀργύριον ῥᾴδιον καὶ ἐπ'
αὐτοῖς, ἀλλὰ τὸ ὡδὶ ἔχοντας ταῦτα ποιεῖν οὔτε ῥᾴδιον οὔτ' ἐπ' αὐτοῖς.
Ὁμοίως δὲ καὶ τὸ (10) γνῶναι τὰ δίκαια καὶ τὰ ἄδικα οὐδὲν οἴονται σοφὸν
εἶναι, ὅτι περὶ ὧν οἱ νόμοι λέγουσιν οὐ χαλεπὸν συνιέναι (ἀλλ' οὐ ταῦτ'
ἐστὶ τὰ δίκαια ἀλλ' ἢ κατὰ συμβεβηκός)· ἀλλὰ πῶς πραττόμενα καὶ πῶς
νεμόμενα δίκαια, τοῦτο δὴ πλέον ἔργον ἢ τὰ ὑγιεινὰ εἰδέναι· ἐπεὶ κἀκεῖ
μέλι καὶ οἶνον καὶ (15) ἐλλέβορον καὶ καῦσιν καὶ τομὴν εἰδέναι ῥᾴδιον,
ἀλλὰ πῶς δεῖ νεῖμαι πρὸς ὑγίειαν καὶ τίνι καὶ πότε, τοσοῦτον ἔργον ὅσον
ἰατρὸν εἶναι.
Δι' αὐτὸ δὲ τοῦτο καὶ τοῦ δικαίου οἴονται εἶναι οὐδὲν ἧττον τὸ ἀδικεῖν,
ὅτι οὐχ ἧττον ὁ δίκαιος ἀλλὰ καὶ μᾶλλον δύναιτ' ἂν ἕκαστον πρᾶξαι τούτων·
καὶ γὰρ (20) συγγενέσθαι γυναικὶ καὶ πατάξαι· καὶ ὁ ἀνδρεῖος τὴν ἀσπίδα
ἀφεῖναι καὶ στραφεὶς ἐφ' ὁποτεραοῦν τρέχειν. Ἀλλὰ τὸ δειλαίνειν καὶ
ἀδικεῖν οὐ τὸ ταῦτα ποιεῖν ἐστί, πλὴν κατὰ συμβεβηκός, ἀλλὰ τὸ ὡδὶ ἔχοντα
ταῦτα ποιεῖν, ὥσπερ καὶ τὸ ἰατρεύειν καὶ τὸ ὑγιάζειν οὐ τὸ τέμνειν ἢ μὴ
(25) τέμνειν ἢ φαρμακεύειν ἢ μὴ φαρμακεύειν ἐστίν, ἀλλὰ τὸ ὡδί.
Ἔστι δὲ τὰ δίκαια ἐν τούτοις οἷς μέτεστι τῶν ἁπλῶς ἀγαθῶν, ἔχουσι δ'
ὑπερβολὴν ἐν τούτοις καὶ ἔλλειψιν· τοῖς μὲν γὰρ οὐκ ἔστιν ὑπερβολὴ αὐτῶν,
οἷον ἴσως τοῖς θεοῖς, τοῖς δ' οὐδὲν μόριον ὠφέλιμον, τοῖς ἀνιάτως κακοῖς,
ἀλλὰ πάντα (30) βλάπτει, τοῖς δὲ μέχρι τοῦ· διὰ τοῦτ' ἀνθρώπινόν ἐστιν.
X. Περὶ δὲ ἐπιεικείας καὶ τοῦ ἐπιεικοῦς, πῶς ἔχει ἡ μὲν ἐπιείκεια πρὸς
δικαιοσύνην τὸ δ' ἐπιεικὲς πρὸς τὸ δίκαιον, ἐχόμενόν ἐστιν εἰπεῖν. Οὔτε
γὰρ ὡς ταὐτὸν ἁπλῶς οὔθ' ὡς ἕτερον τῷ γένει φαίνεται σκοπουμένοις· καὶ ὁτὲ
μὲν τὸ ἐπιεικὲς (35) ἐπαινοῦμεν καὶ ἄνδρα τὸν τοιοῦτον, ὥστε καὶ ἐπὶ τὰ
ἄλλα (1137b) (1) ἐπαινοῦντες μεταφέρομεν ἀντὶ τοῦ ἀγαθοῦ, τὸ ἐπιεικέστερον
ὅτι βέλτιον δηλοῦντες· ὁτὲ δὲ τῷ λόγῳ ἀκολουθοῦσι φαίνεται ἄτοπον εἰ τὸ
ἐπιεικὲς παρὰ τὸ δίκαιόν τι ὂν ἐπαινετόν ἐστιν· ἢ γὰρ τὸ δίκαιον οὐ
σπουδαῖον, ἢ τὸ ἐπιεικὲς οὐ (5) δίκαιον, εἰ ἄλλο· ἢ εἰ ἄμφω σπουδαῖα,
ταὐτόν ἐστιν. Ἡ μὲν οὖν ἀπορία σχεδὸν συμβαίνει διὰ ταῦτα περὶ τὸ
ἐπιεικές, ἔχει δ' ἅπαντα τρόπον τινὰ ὀρθῶς καὶ οὐδὲν ὑπεναντίον ἑαυτοῖς·
τό τε γὰρ ἐπιεικὲς δικαίου τινὸς ὂν βέλτιόν ἐστι δίκαιον, καὶ οὐχ ὡς ἄλλο
τι γένος ὂν βέλτιόν ἐστι τοῦ δικαίου. (10) Ταὐτὸν ἄρα δίκαιον καὶ
ἐπιεικές, καὶ ἀμφοῖν σπουδαίοιν ὄντοιν κρεῖττον τὸ ἐπιεικές.
Ποιεῖ δὲ τὴν ἀπορίαν ὅτι τὸ ἐπιεικὲς δίκαιον μέν ἐστιν, οὐ τὸ κατὰ νόμον
δέ, ἀλλ' ἐπανόρθωμα νομίμου δικαίου. Αἴτιον δ' ὅτι ὁ μὲν νόμος καθόλου
πᾶς, περὶ ἐνίων δ' οὐχ οἷόν τε ὀρθῶς εἰπεῖν καθόλου. Ἐν οἷς οὖν (15)
ἀνάγκη μὲν εἰπεῖν καθόλου, μὴ οἷόν τε δὲ ὀρθῶς, τὸ ὡς ἐπὶ τὸ πλέον
λαμβάνει ὁ νόμος, οὐκ ἀγνοῶν τὸ ἁμαρτανόμενον. Καὶ ἔστιν οὐδὲν ἧττον
ὀρθός· τὸ γὰρ ἁμάρτημα οὐκ ἐν τῷ νόμῳ οὐδ' ἐν τῷ νομοθέτῃ ἀλλ' ἐν τῇ φύσει
τοῦ πράγματός ἐστιν· εὐθὺς γὰρ τοιαύτη ἡ τῶν πρακτῶν ὕλη ἐστίν.
(20) Ὅταν οὖν λέγῃ μὲν ὁ νόμος καθόλου, συμβῇ δ' ἐπὶ τούτου παρὰ τὸ
καθόλου, τότε ὀρθῶς ἔχει, ᾗ παραλείπει ὁ νομοθέτης καὶ ἥμαρτεν ἁπλῶς
εἰπών, ἐπανορθοῦν τὸ ἐλλειφθέν, ὃ κἂν ὁ νομοθέτης αὐτὸς ἂν εἶπεν ἐκεῖ
παρών, καὶ εἰ ᾔδει, ἐνομοθέτησεν. Διὸ δίκαιον μέν ἐστι, καὶ βέλτιόν τινος
δικαίου, (25) οὐ τοῦ ἁπλῶς δὲ ἀλλὰ τοῦ διὰ τὸ ἁπλῶς ἁμαρτήματος. Καὶ ἔστιν
αὕτη ἡ φύσις ἡ τοῦ ἐπιεικοῦς, ἐπανόρθωμα νόμου, ᾗ ἐλλείπει διὰ τὸ καθόλου.
Τοῦτο γὰρ αἴτιον καὶ τοῦ μὴ πάντα κατὰ νόμον εἶναι, ὅτι περὶ ἐνίων
ἀδύνατον θέσθαι νόμον, ὥστε ψηφίσματος δεῖ. Τοῦ γὰρ ἀορίστου ἀόριστος καὶ
(30) ὁ κανών ἐστιν, ὥσπερ καὶ τῆς Λεσβίας οἰκοδομίας ὁ μολίβδινος κανών·
πρὸς γὰρ τὸ σχῆμα τοῦ λίθου μετακινεῖται καὶ οὐ μένει ὁ κανών, καὶ τὸ
ψήφισμα πρὸς τὰ πράγματα.
Τί μὲν οὖν ἐστὶ τὸ ἐπιεικές, καὶ ὅτι δίκαιον καὶ τινὸς βέλτιον δικαίου,
δῆλον. Φανερὸν δ' ἐκ τούτου καὶ ὁ ἐπιεικὴς τίς (35) ἐστιν·
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Traduction française :
[5,1137] Mais, s’il a jugé injustement en pleine connaissance de cause, (1137a) il
s’attribue alors un privilège de faveur ou de vengeance. En effet, l’homme
qui a jugé injustement par de pareils motifs, fait réellement un gain,
comme celui qui consent à recevoir sa part du prix d’un acte injuste; car
celui qui adjuge un champ, par les motifs que je viens de dire, ne reçoit
pas de la terre, mais de l’argent.
Toutefois les hommes s’imaginent qu’il dépend d’eux de commettre
l’injustice, et que par conséquent, il est facile d’être juste ; mais cela
n’est pas. Il est facile d’avoir commerce avec la femme de son voisin, de
frapper un autre homme, de donner de l’argent à quelqu’un, et cela dépend
de celui qui le fait; mais faire ces choses dans telles circonstances, et
avec telles et telles conditions précises et déterminées, c’est ce qui
n’est ni facile, ni en notre pouvoir. Pareillement, il semble qu’il ne
faut pas une grande habileté pour discerner ce qui est juste et ce qui est
injuste, parce qu’il n’est pas difficile de comprendre ce que disent les
lois sur ce sujet; mais ce n’est le juste que par hasard. Ce qui est
juste, au contraire, c’est ce qui se fait et ce qui se distribue d’une
certaine manière, et suivant des conditions précises et déterminées. Or,
c’est là une tâche plus difficile que de connaître ce qui est avantageux
pour la santé; et, en effet, rien de si facile que de savoir ce que sont
miel, vin, hellébore, cautère, amputation: mais comment faut-il les
employer pour rétablir la santé, à qui faut-il les prescrire, dans quel
temps, dans quelles circonstances ? Voilà précisément ce qui fait l’art du
médecin.
Par la même raison, on s’imagine qu’il n’y a rien qui fût si aisé à un
homme juste que de commettre une injustice; parce que l’homme juste
pourrait tout aussi bien, et même plus facilement, faire chacune de ces
actions, comme de séduire une femme, de frapper quelqu’un, et qu’il ne
tiendrait qu’à l’homme de cœur de jeter son bouclier, de tourner le dos à
l’ennemi, et de courir dans quelque direction que ce soit. Mais faire
toutes ces choses, ce n’est pas être lâche et injuste, sinon par accident
ou par circonstance; au lieu qu’il faut être dans telle disposition
déterminée; de même que pratiquer la médecine et rendre la santé ne
consiste pas à faire ou à ne pas faire des opérations, à donner ou à ne
pas donner des médicaments, mais à le faire de telle ou telle manière.
Au reste, la justice ne peut exister que parmi des êtres qui participent
aux biens véritables et proprement dits. Mais on peut en avoir
surabondance, ou en éprouver la privation. Cependant, (parmi ces êtres),
il y en a pour qui il ne saurait y avoir excès dans cette abondance, et
tels sont peut-être les dieux: il en est pour qui aucune partie de ces
biens ne peut être utile; ce sont les mortels livrés à une incurable
perversité, et à qui tout est cause de dommage; il en est, enfin, à qui
ils peuvent être bons jusqu’à un certain point, et tel est le partage de
l’humanité.
X. Il convient à présent de voir quel rapport existe entre la justice et
l’équité, entre ce qui est juste et ce qui est équitable. Car on trouve,
en les considérant avec attention, que ce n’est pas une seule et même
chose, quoiqu’il n’y ait pas de différence spécifique de l’une à l’autre.
Il y a des circonstances où nous louons ce qui est équitable, et l’homme
qui a ce caractère; en sorte qu’en certains cas, (1137b) nous employons
l’expression plus équitable, au lieu de bon ou juste, pour manifester
notre approbation ; donnant à entendre par là que la chose est mieux
ainsi. D’un autre côté, à ne consulter que la raison, si ce qui est
équitable est quelque chose qui s’écarte de la justice, il semble assez
étrange qu’on lui donne son approbation. Car, enfin, ou le juste n’est pas
conforme à la vertu, ou ce qui est équitable n’est pas juste (s’il est
autre chose) ; ou bien, si l’un et l’autre sont conformes à la vertu, ils
ne sont qu’une même chose. Voilà précisément ce qui fait naître le doute
et l’embarras au sujet de ce qu’on appelle équitable. Cependant ces
expressions sont toutes exactes sous un certain point de vue, et n’ont
rien de contradictoire. Car ce qui est équitable, étant préférable à une
chose juste d’une certaine espèce, est assurément juste; et, puisqu’il
n’est pas une espèce autre ou entièrement différente du juste, il est
préférable au juste. Le juste et l’équitable sont donc (en ce sens) une
même chose, et comme l’un et l’autre sont conformes à la vertu,
l’équitable mérite la préférence.
Mais ce qui fait la difficulté, c’est que l’équitable, bien qu’il soit
juste, n’est pas exactement conforme à la loi ; il est plutôt une
modification avantageuse du juste qui est rigoureusement légal. Cela vient
de ce que toute loi est générale, et qu’il y a des cas sur lesquels
il n’est pas possible de prononcer généralement avec une parfaite
justesse. Et, par conséquent, dans les choses sur lesquelles la loi est
obligée de s’expliquer d’une manière générale, quoique ses décisions ne
soient pas susceptibles d’une extrême précision, elle embrasse ce qui
arrive le plus communément, sans se dissimuler l'erreur de détail (qui
peut résulter de ses décisions) ; elle n’en est pas moins ce qu’elle doit
être, car l’erreur ne vient ni de la loi, ni du législateur, mais de la
nature même de la chose, puisque la matière des actions humaines est
précisément telle.
Lors donc que la loi s’explique d’une manière générale, et qu’il se
rencontre des circonstances auxquelles ces expressions générales ne
peuvent pas s’appliquer, alors on a raison de suppléer ce que le
législateur a omis, ou de rectifier l’erreur qui résulte de ses
expressions trop générales, en interprétant ce qu’il dirait lui-même s’il
était présent, et ce qu’il aurait prescrit par sa loi s’il avait eu
connaissance du fait. Voilà pourquoi il y a une justice préférable à la
justice rigoureuse dans tel cas particulier; non pas à la justice absolue,
mais à celle qui prononce en des termes absolus, qui dans ce cas sont une
cause d’erreur; et telle est précisément la nature de l’équité ; elle
remédie à l’inconvénient qui naît de la généralité de la loi. Car ce qui
fait que tout n’est pas compris dans la loi; c’est qu’il y a des cas
particuliers sur lesquels il est impossible qu’elle s’explique: en sorte
qu’il faut avoir recours à une décision particulière; car la règle de
ce qui est indéterminé doit être elle-même indéterminée. Comme ces règles
de plomb dont les Lesbiens font usage dans leurs constructions, et
qui, s’adaptant à la forme de la pierre, ne conservent pas l’invariable
direction de la ligne droite; ainsi les décisions particulières doivent
s’accommoder aux cas qui se présentent.
On voit donc ce que sont l’équitable et le juste, et à quelle sorte de
juste il est préférable; et l’on voit encore par là ce qu’est un homme
équitable:
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