Texte grec :
[5,1130] (1130a) (1) Καὶ διὰ τοῦτο εὖ δοκεῖ ἔχειν τὸ τοῦ Βίαντος, ὅτι ἀρχὴ ἄνδρα
δείξει· πρὸς ἕτερον γὰρ καὶ ἐν κοινωνίᾳ ἤδη ὁ ἄρχων. Διὰ δὲ τὸ αὐτὸ τοῦτο
καὶ ἀλλότριον ἀγαθὸν δοκεῖ εἶναι ἡ δικαιοσύνη μόνη τῶν ἀρετῶν, ὅτι πρὸς
ἕτερόν ἐστιν· ἄλλῳ (5) γὰρ τὰ συμφέροντα πράττει, ἢ ἄρχοντι ἢ κοινωνῷ.
Κάκιστος μὲν οὖν ὁ καὶ πρὸς αὑτὸν καὶ πρὸς τοὺς φίλους χρώμενος τῇ
μοχθηρίᾳ, ἄριστος δ' οὐχ ὁ πρὸς αὑτὸν τῇ ἀρετῇ ἀλλὰ πρὸς ἕτερον· τοῦτο γὰρ
ἔργον χαλεπόν. Αὕτη μὲν οὖν ἡ δικαιοσύνη οὐ μέρος ἀρετῆς ἀλλ' ὅλη ἀρετή
ἐστιν, οὐδ' ἡ ἐναντία (10) ἀδικία μέρος κακίας ἀλλ' ὅλη κακία. Τί δὲ
διαφέρει ἡ ἀρετὴ καὶ ἡ δικαιοσύνη αὕτη, δῆλον ἐκ τῶν εἰρημένων· ἔστι μὲν
γὰρ ἡ αὐτή, τὸ δ' εἶναι οὐ τὸ αὐτό, ἀλλ' ᾗ μὲν πρὸς ἕτερον, δικαιοσύνη, ᾗ
δὲ τοιάδε ἕξις ἁπλῶς, ἀρετή.
ΙΙ. Ζητοῦμεν δέ γε τὴν ἐν μέρει ἀρετῆς δικαιοσύνην· ἔστι (15) γάρ τις, ὡς
φαμέν. Ὁμοίως δὲ καὶ περὶ ἀδικίας τῆς κατὰ μέρος. Σημεῖον δ' ὅτι ἔστιν·
κατὰ μὲν γὰρ τὰς ἄλλας μοχθηρίας ὁ ἐνεργῶν ἀδικεῖ μέν, πλεονεκτεῖ δ'
οὐδέν, οἷον ὁ ῥίψας τὴν ἀσπίδα διὰ δειλίαν ἢ κακῶς εἰπὼν διὰ χαλεπότητα ἢ
οὐ βοηθήσας χρήμασι δι' ἀνελευθερίαν· ὅταν δὲ (20) πλεονεκτῇ, πολλάκις
κατ' οὐδεμίαν τῶν τοιούτων, ἀλλὰ μὴν οὐδὲ κατὰ πάσας, κατὰ πονηρίαν δέ γε
τινά (ψέγομεν γάρ) καὶ κατ' ἀδικίαν. Ἔστιν ἄρ' ἄλλη τις ἀδικία ὡς μέρος
τῆς ὅλης, καὶ ἄδικόν τι ἐν μέρει τοῦ ὅλου ἀδίκου τοῦ παρὰ τὸν νόμον.
Ἔτι εἰ ὃ μὲν τοῦ κερδαίνειν ἕνεκα μοιχεύει καὶ (25) προσλαμβάνων, ὃ δὲ
προστιθεὶς καὶ ζημιούμενος δι' ἐπιθυμίαν, οὗτος μὲν ἀκόλαστος δόξειεν ἂν
εἶναι μᾶλλον ἢ πλεονέκτης, ἐκεῖνος δ' ἄδικος, ἀκόλαστος δ' οὔ· δῆλον ἄρα
ὅτι διὰ τὸ κερδαίνειν. Ἔτι περὶ μὲν τἆλλα πάντα ἀδικήματα γίνεται ἡ
ἐπαναφορὰ ἐπί τινα μοχθηρίαν ἀεί, οἷον εἰ ἐμοίχευσεν, (30) ἐπ' ἀκολασίαν,
εἰ ἐγκατέλιπε τὸν παραστάτην, ἐπὶ δειλίαν, εἰ ἐπάταξεν, ἐπ' ὀργήν· εἰ δ'
ἐκέρδανεν, ἐπ' οὐδεμίαν μοχθηρίαν ἀλλ' ἢ ἐπ' ἀδικίαν. Ὥστε φανερὸν ὅτι
ἔστι τις ἀδικία παρὰ τὴν ὅλην ἄλλη ἐν μέρει, συνώνυμος, ὅτι ὁ ὁρισμὸς ἐν
τῷ αὐτῷ γένει·
(1130b) (1) ἄμφω γὰρ ἐν τῷ πρὸς ἕτερον ἔχουσι τὴν δύναμιν, ἀλλ' ἣ μὲν περὶ
τιμὴν ἢ χρήματα ἢ σωτηρίαν, ἢ εἴ τινι ἔχοιμεν ἑνὶ ὀνόματι περιλαβεῖν ταῦτα
πάντα, καὶ δι' ἡδονὴν τὴν ἀπὸ τοῦ κέρδους, ἣ δὲ περὶ ἅπαντα περὶ ὅσα (5) ὁ
σπουδαῖος.
Ὅτι μὲν οὖν εἰσὶν αἱ δικαιοσύναι πλείους, καὶ ὅτι ἔστι τις καὶ ἑτέρα παρὰ
τὴν ὅλην ἀρετήν, δῆλον· τίς δὲ καὶ ποία τις, ληπτέον.
Διώρισται δὴ τὸ ἄδικον τό τε παράνομον καὶ τὸ ἄνισον, τὸ δὲ δίκαιον τό τε
νόμιμον καὶ τὸ ἴσον. Κατὰ (10) μὲν οὖν τὸ παράνομον ἡ πρότερον εἰρημένη
ἀδικία ἐστίν. Ἐπεὶ δὲ τὸ ἄνισον καὶ τὸ παράνομον οὐ ταὐτὸν ἀλλ' ἕτερον ὡς
μέρος πρὸς ὅλον (τὸ μὲν γὰρ ἄνισον ἅπαν παράνομον, τὸ δὲ παράνομον οὐχ
ἅπαν ἄνισον), καὶ τὸ ἄδικον καὶ ἡ ἀδικία οὐ ταὐτὰ ἀλλ' ἕτερα ἐκείνων, τὰ
μὲν ὡς μέρη τὰ δ' ὡς ὅλα· μέρος γὰρ (15) αὕτη ἡ ἀδικία τῆς ὅλης ἀδικίας,
ὁμοίως δὲ καὶ ἡ δικαιοσύνη τῆς δικαιοσύνης. Ὥστε καὶ περὶ τῆς ἐν μέρει
δικαιοσύνης καὶ περὶ τῆς ἐν μέρει ἀδικίας λεκτέον, καὶ τοῦ δικαίου καὶ
ἀδίκου ὡσαύτως.
Ἡ μὲν οὖν κατὰ τὴν ὅλην ἀρετὴν τεταγμένη δικαιοσύνη καὶ ἀδικία, ἣ μὲν τῆς
ὅλης ἀρετῆς (20) οὖσα χρῆσις πρὸς ἄλλον ἣ δὲ τῆς κακίας, ἀφείσθω. Καὶ τὸ
δίκαιον δὲ καὶ τὸ ἄδικον τὸ κατὰ ταύτας φανερὸν ὡς διοριστέον· σχεδὸν γὰρ
τὰ πολλὰ τῶν νομίμων τὰ ἀπὸ τῆς ὅλης ἀρετῆς προσταττόμενά ἐστιν· καθ'
ἑκάστην γὰρ ἀρετὴν προστάττει ζῆν καὶ καθ' ἑκάστην μοχθηρίαν κωλύει ὁ
νόμος. (25) Τὰ δὲ ποιητικὰ τῆς ὅλης ἀρετῆς ἐστὶ τῶν νομίμων ὅσα
νενομοθέτηται περὶ παιδείαν τὴν πρὸς τὸ κοινόν. Περὶ δὲ τῆς καθ' ἕκαστον
παιδείας, καθ' ἣν ἁπλῶς ἀνὴρ ἀγαθός ἐστι, πότερον τῆς πολιτικῆς ἐστὶν ἢ
ἑτέρας, ὕστερον διοριστέον· οὐ γὰρ ἴσως ταὐτὸν ἀνδρί τ' ἀγαθῷ εἶναι καὶ
πολίτῃ παντί.
(30) Τῆς δὲ κατὰ μέρος δικαιοσύνης καὶ τοῦ κατ' αὐτὴν δικαίου ἓν μέν ἐστιν
εἶδος τὸ ἐν ταῖς διανομαῖς τιμῆς ἢ χρημάτων ἢ τῶν ἄλλων ὅσα μεριστὰ τοῖς
κοινωνοῦσι τῆς πολιτείας (ἐν τούτοις γὰρ ἔστι καὶ ἄνισον ἔχειν καὶ ἴσον
ἕτερον ἑτέρου),
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Traduction française :
[5,1130] (1130a) Aussi Bias a eu raison de dire que l’autorité révèle ce qu’est un
homme, car celui qui a l’autorité ou la puissance est déjà en rapport
avec les autres, et se trouve par là même dans un état de société ou de
communauté. Pour la même raison, on peut regarder la justice comme le bien
d’autrui; et, entre les vertus, elle est la seule qui soit dans ce cas,
puisqu’elle a pour but l’utilité ou l’avantage d’un autre, soit de celui
qui a la puissance, soit du peuple tout entier.
Le plus méchant des hommes est sans doute celui qui fait servir ses vices
à son propre dommage, ou qui nuit à ses amis; mais le plus vertueux est
celui dont la vertu ne sert pas à lui-même, mais aux autres, car c’est là
une tâche pénible. C’est pourquoi la justice n’est pas une partie de la
vertu, mais l’assemblage de toutes les vertus, la vertu toute entière; et
l’injustice, de son côté, n’est point une partie du vice, mais le vice
tout entier. On voit clairement, par ce qui vient d’être dit, en quoi la
vertu diffère de la justice proprement dite; car elle est bien la même
chose, mais elle n’a pas la même essence. La vertu, en général et dans
l’absolu, est une disposition, une habitude d’une espèce particulière et
déterminée : en tant que cette habitude se rapporte au bien ou à
l’avantage des autres, elle est la justice.
II. Mais nous cherchons ce qu’est la justice, en tant qu’elle est une
partie de la vertu (car il existe, selon nous, une telle vertu
particulière), et nous voulons savoir aussi ce qu’est l’injustice
envisagée sous le même point de vue. Ce qui prouve qu’elle existe, c’est
qu’un homme dont les actions sont vicieuses sous d’autres rapports, agit,
à la vérité, contre la justice, mais sans qu’il en résulte pour lui aucun
profit, aucun avantage. Par exemple, s’il jette son bouclier en prenant la
fuite, par lâcheté; s’il parle mal de quelqu’un, par animosité; si, par
avarice, il refuse de l’argent à quelqu’un qui en a besoin. Au lieu que,
lorsqu’il cherche son profit ou son avantage, ce n’est souvent par aucune
des passions vicieuses dont on vient de parler; ce n’est surtout pas par
toutes à la fois: mais il y a dans sa conduite un vice particulier; et
c’est parce qu’elle est contraire à la justice, que nous la blâmons. Il y
a donc une sorte d’injustice particulière, qui est, pour ainsi dire, une
partie de l’injustice, en général, ou prise dans un sens absolu; il y a
l’injuste considéré spécialement, et qui diffère de l’injuste proprement
dit, qui est la violation de la loi.
Supposons encore qu’un homme entretienne un commerce adultère, en vue du
gain qu’il lui rapporte, et du prix qu’il en reçoit, tandis qu’un autre ne
s’y livre que pour satisfaire sa passion, et que même il y dépense de
l’argent : celui-ci passera plutôt pour un débauché que pour un homme
avide et intéressé; alors qu’on dira de l’autre qu’il commet une action
injuste, mais non pas qu’il est un débauché. D’où il suit clairement que
c’est le profit ou le gain qui fait ici la différence. On rapporte même
toujours ainsi l’ensemble des autres délits à quelque vice: l’adultère, au
penchant pour la débauche; l’abandon d’un poste devant l’ennemi, à la
lâcheté; l’action de frapper quelqu’un, à la colère ; mais, en toute
hypothèse, le gain ou le profit ne se rapporte qu’à l’injustice. Par où il
est donc évident qu’il existe une espèce particulière d’injustice,
différente de l’injustice en général et proprement dite, qui est désignée
par le même nom qu’elle; car on peut la définir comme appartenant au
même genre,
(1130b) puisque l’une et l’autre ont cela de commun que leur effet se
rapporte au prochain. Mais l’une comprend les honneurs, les richesses, les
moyens de se sauver ou de se garantir du danger, enfin, tout ce qui peut
être compris sous un même terme, et rappelle l’idée du plaisir que procure
un profit ou un avantage quelconque ; alors que l’autre embrasse tout ce
qui intéresse l’homme sage et vertueux.
Il est donc hors de doute qu’il y a plusieurs sortes de justice; et
qu’outre la vertu en général, il y a une vertu particulière qui en
diffère. Il reste à déterminer ce qu’est cette vertu, et quelle elle est.
Or on a défini précédemment le juste et l’injuste, ce qui est conforme ou
contraire, soit à la loi, soit à l’égalité; et l’on a parlé d’abord de
l’injustice qui consiste dans la violation des lois. D’ailleurs, comme
inégalité et quantité plus grande ne sont pas la même chose, mais
diffèrent l’une de l’autre comme la partie diffère du tout (car, dans
l’idée de quantité plus grande est sans doute comprise l’idée d’inégalité,
mais on ne peut pas dire que tout ce qui est inégal soit une quantité plus
grande), de même l’inégalité et l’injustice ne sont pas identiques ; l’une
peut être considérée comme le tout, et l’autre comme la partie; c’est dire
que l’injustice est, en quelque sorte, partie de l’injuste; et enfin,
puisqu’on en peut dire autant de la justice, il s’ensuit qu’on doit
traiter de la justice et de l’injustice, et aussi du juste et de
l’injuste.
Laissons, quant à présent, la justice envisagée comme vertu universelle ou
absolue , et l’injustice considérée sous le même point de vue; dont l’une
est l’emploi de la vertu en général, et l’autre la pratique du vice, aussi
en général, à l’égard des autres. On voit alors comment il faut distinguer
le juste et l’injuste conformément à ces deux points de vue. Car presque
toutes les actions conformes aux lois sont le résultat de la vertu en
général; puisque la loi ordonne qu’on suive dans la conduite de la vie
tout ce qui est conforme à chaque vertu particulière, et qu’elle interdit
tout ce qui peut être l’effet de chaque vice en particulier. Tout ce que
la législation prescrit, relativement à l’instruction de la jeunesse, en
vue du bien de la société, est propre à produire la vertu en général.
J’aurai à examiner, dans la suite, si c’est à la politique, ou à
quelque autre science, de donner les règles ou les préceptes d’où résulte
la véritable et solide vertu dans chaque individu; car peut-être n’est-ce
pas la même chose pour tout homme d’être vertueux en général, et d’être un
bon citoyen.
Quant à la justice de détail (s’il faut ainsi dire), et à ce qu’on appelle
juste sous ce rapport, il en est une espèce qui concerne le partage ou à
la distribution des honneurs, des richesses et de tout ce qui se distribue
entre les membres d’une même société politique (car toutes ces choses
peuvent être l’objet d’un partage égal ou inégal);
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